ZODIAC-------------------------------------------
David Fincher (2007) |
9/10 Toujours aussi dense et passionnant que dans mes souvenirs, Zodiac est pour moi l'un des 2 masterpieces de Fincher (avec Seven) et même s'il s'agit de 2 polars avec un tueur en série, la comparaison s'arrête là, le traitement étant ici radicalement différent.
Fincher livre ici un film basé sur les faits réels d'une enquête fleuve de plus de 20 ans, menée conjointement par les polices de l’État de Californie et des journalistes du San Francisco Chronicle, une enquête qui n'aura jamais permis malheureusement de désigner un coupable malgré de fortes présomptions. On est donc clairement dans un registre très différent du polar classique, où les révélations de l'enquête serviraient de conclusion au film. Dans le cas présent, Fincher semble vouloir plus s'intéresser à l'impact sociétal, humain et au processus d'investigation autour de cette série de meurtres.
Dès le début du film il nous implique frontalement dans cette ambiance de peur qui a agité la région avec les premiers meurtres sordides du tueur. La scène terrifiante du lac nous plonge ainsi directement et durablement dans l'horreur, réussissant à instaurer la notion de danger latent qui constituera le fil rouge sous-jacent du récit. S'en suivent très rapidement les premières lettres du tueur, une autre particularité de l'affaire, le Zodiac utilisant les médias pour créer son climat de terreur. Dans cette introduction Fincher pose rapidement les bases de son récit et il n'y reviendra quasiment plus, l'essence même des enjeux étant parfaitement décrit.
L'enquête peut alors commencer, et Fincher va consciencieusement égrener les années et les rebondissements de l'affaire. Le film prend alors son envol, subtilement, avec la constitution d'un dossier complexe et fascinant au cours duquel les personnages vont se brûler les ailes, la recherche d'une vérité cachée ayant le prix de l'obsession. Mark Ruffalo, Robert Downey Jr et Jake Gyllenhaal composent ce trio de personnages habités par la traque d'un tueur invisible, chacun pour ses raisons et chacun avec une passion commune. Aucune emphase sur ces personnages qui vont se croiser au fil des ans. Ils vont ainsi prendre chacun leur tour les rênes d'une enquête âpre et ténue se heurtant sans cesse aux difficultés d'un dossier qui accumule pendant des années les fausses pistes, dans la recherche constante d'indice exploitable.
Grâce aux talents des acteurs (les 3 sont parfaits, les seconds rôles aussi, la liste est longue) et à la justesse de leur caractérisation, on est emportés avec eux dans les aléas d'une enquête qui piétine, rebondissant sans cesse sur les nouvelles pièces d'un puzzle insoluble. Et comme eux au fur et à mesure de la chronologie, la frustration prend le pas sur l'excitation et on vit avec nos tripes les nombreux début de pistes et les tout aussi nombreux écueils. La dernière heure qui voit ainsi le personnage de Graysmith reprendre le flambeau est pour moi la plus passionnante, voyant au travers des yeux hagards d'un civil le poids écrasant d'une enquête impossible, opacifiée par les nombreuses zones d'ombre, la lourdeur de l'administration et le temps qui passe. Les détails ressurgissent alors de façon vertigineuse et le langage cinématographique allie alors une dramaturgie parfaite à un sens précis de la reconstitution.
Fincher, avec ce travail énorme de scénario, cette gestion du rythme hyper équilibrée et cette réal souple, classique et à la fois hyper travaillée, réussit à nous communiquer la même passion qui l'habite et à nous impliquer dans cette histoire du Zodiac, pourtant inachevée. Et le mélange entre le film dossier (dossier mené par des flics et des journalistes), l'aspect sociétal du climat de terreur, l'aspect plus intime de la recherche de vérité, et l'extrême rigueur de la construction narrative, font de ce film une expérience cinématographique en tous points intense.