PULSIONS de Brian de Palma (1980)
ATTENTION SPOILERS
Souvent négligé dans l’ombre de son successeur, Dressed to Kill (jeu de mot intraduisible entre la traduction littérale « Habillé pour tuer » et la vraie traduction « Habillé sur son 31 ») est clairement l’un des meilleurs films du cinéaste. Le film s’ouvre sur une désormais célèbre scène de douche, dont la mise en scène volontairement kitsch en gênera plus d’un mais qui instaure clairement l’ambiance du film dès le départ : De Palma va tout se permettre.
Il s’agit ici d’une quinquagénaire frustrée et qui fantasme une sexualité brutale avec des inconnus et comme on le sait, la sexualité et la mort ne sont jamais loin. La scène de drague au musée, reprenant l’idée de Vertigo où James Stewart espionnait Kim Novak, est un des plus grandes mises en scène de Palma : aucun dialogue, instaurant presque un certain suspens et d’une lisibilité qui devrait donner des leçons à certains. On sent une nouvelle fois la volonté pour De Palma de prolonger l’œuvre Hitchcockienne en allant toujours plus loin. Là où De Palma est fort, c’est qu’il arrive à nous refaire le coup de Psychose en faisant disparaître son héroïne au bout de 30 minutes, et l’on se fait avoir a nouveau. La scène de l’ascenseur est une merveille de mise en scène où De Palma utilise toutes les possibilités qu’offre un si petit espace pour chorégraphier un des meurtres les plus mémorables qui soient. Cette scène permet d’ailleurs d’apprécier tout le génie du montage. On notera d’ailleurs l’emprunt très clair au cinéma d’Argento lors de cette scène et de la dernière du film (ce qui m’amène à indiquer la nécessité de voir ce film dans sa version non-censurée (enfin disponible en France alors qu’il s’agit de cette version qui est sortie en salle) car la censure expurge le film des plans faisant référence au cinéaste transalpin, notamment un plan claqué sur Suspiria).
La partie enquête avec la prostituée et le fils de Dickinson est aussi excellente. Le personnage de Nancy Allen est immédiatement attachant et on est avec elle pendant tout le reste du film. Sa poursuite dans le métro entre la tueuse et une bande est un autre grand moment de mise en scène. Chose notable, l’adolescent n’est jamais lourd, ce qui est quasiment un exploit.
Même à la seconde vision, une fois toute l’histoire révélée, le film continue de fonctionner. C’est d’ailleurs un plaisir de cinéma d’observer la construction du scénario une fois que l’on en connait la fin. Cela permet aussi de repérer les indices ici et là.
Michael Caine continue de démontrer qu’il est un génie, un des plus grands acteurs qui soit, qui peut mettre sa classe naturelle au service de n’importe quel rôle. Angie Dickinson s’en sort merveilleusement avec un rôle osé pour une dame de son âge et qui plus, une vedette de la télévision à l’époque. Nancy Allen est donc très bien et Keith Gordon s’en sort plus qu’honorablement. Habitué de De Palma, Dennis Franz est aussi de la partie.
On a souvent reproché à De Palma de singer Hitchcock. Il est évident que cette critique ne tient pas. Comme le souligne Keith Gordon, De Palma se contente d’utiliser la grammaire inventée par Hitchcock qui reste la meilleur pour mettre en scène un thriller. Mais, au-delà de cela, De Palma a suffisamment démontré qu’il était un immense cinéaste, injectant ses propres obsessions dans ses films et ses propres idées de mise en scène.
9,5/10