Munich 9/10Avec Munich, Steven Spielberg boucle son cycle dark (exception faite de l’hideux Terminal) par une pièce maitresse de sa filmographie.
Pour sa première vraie incursion dans le thriller paranoïaque, il décide d’aborder un sujet casse gueule mais, somme toute, cohérent avec ses thématiques. La principale difficulté était donc de ne pas sombrer dans la vulgaire prise de position. Contexte fort, acte odieux, le spectre du film pro-israélien restait bien vivace. L’introduction du film suscite, d'ailleurs, beaucoup d’interrogations par la seule constitution d’une équipe aveuglée par la vengeance. Mais petit à petit, le réalisateur quitte le chemin ultra dangereux de la simple vendetta pour apporter une vision plus fine, plus nuancée que les clivages balisés du bon et du mauvais. Il ne réinvente pas la roue et exprime ce que tout « spectateur » censé du conflit suppose. L’issue est inextricable. La scène de nuit ou Avner discute avec l’un de ses ennemis est on ne plus claire et lucide. Spielberg prend donc beaucoup de pincettes alimentant son film d'images d'archives montrant régulièrement qu'un camp n’est pas meilleur que l’autre. Néanmoins, il n’oubli pas le genre auquel il s’attaque pour la première fois et distille d’extraordinaires séquences suffocantes. Chaque opération se monte sous le joug d’un ratage potentiel. Spielberg joue énormément sur l’aspect bras cassés de son petit groupe. Du flingage en Italie au dynamitage du lit en passant par la séquence du téléphone à Paris, Munich entretient une tension permanente à l’image d’une équipe jamais sure de son coup, de ses matériaux et surtout de ses contacts. L’étau va se resserrer un peu plus, à chaque instant, sur Bana et son équipe. Trahisons, manipulations et exécutions rythment une seconde heure aussi oppressante que virtuose. A ce titre, j’aime beaucoup le personnage de Michael Lonsdale faisant planer le doute sur la destinée d’Avner et ses hommes mais aussi l’expédition punitive d’Amsterdam (bien froide et bien cash !). Techniquement, c’est comme toujours un sans faute avec Spielberg. La reconstitution est somptueuse, les acteurs sont au diapason et le casting français fonctionne très correctement. Même Eric Bana, né pour jouer une endive, arrive à être très bon et très émouvant (son final avec Rush est magnifique). Et puis on ne se refait pas, Spielberg balance un final poignant avec l’issue dramatique de la prise d’otage. Des ralentis maitrisés, un chant limpide, des images fortes clôturent un film maitrisé de bout en bout jonglant à merveille avec les ruptures de tons et les genres. L’action côtoie le drame, le complot, l’émotion sous une chape bien lourde de paranoïa.
A priori compliqué, le projet Munich aura accouché de l’un des thrillers les plus solides de ces dernières années.