Sueurs Froides Alfred Hitchcock - 1958
"One final thing I have to do... and then I'll be free of the past."
C'est peu dire que la filmo de Hitchcock me passe un peu au dessus, alors oui il a des grands films dans sa filmo mais il a aussi une belle liste de film surcoté (La Mort aux Trousses en est un bel exemple) et de trucs plus que mineurs (quand on voit un film comme Frenzy on se demande vraiment si c'est le même réalisateur). Vertigo avec le temps est devenu mon film préféré du réalisateur, celui que je trouve le plus abouti tant sur le fond que sur la forme, juste devant Fenêtre sur Cours et Psycho. C'est le film qui pousse à son paroxysme toutes les obsessions de Hitchcock, faut voir le nombre de métaphore sexuelle qu'on peut faire (rien que le nom de la tour quoi : Coit Tower), par contre je comprend pas trop le délire sur le chignon.
Dire qu'il a été plutôt pas trop apprécié à sa sortie pour devenir aujourd'hui un des films les plus cités dans les meilleurs films all time, ce qui est mérité pour un film qui va inspirer tout un pan du cinéma car oui il fait clairement parti des films pompés, cités, plagiés ou inspirés, sans lui pas de De Palma (c'est LE film qui va le plus citer), pas de Mudholand Drive... Ceci dit c'est pas parce que je trouve que ce film est grand que ça va m'empêcher de penser que le statut de Hitchcock est discutable que 70% de sa filmo est reloue.
Bel exercice d'équilibriste de la part de Hitchcock qui livre ici certainement son film le plus ambitieux en terme de narration, il livre une histoire entre le polar, le film fantastique et la grande histoire d'amour et il arrive à trouver le juste équilibre ( même si j'aurais préféré un coté polar un peu plus accentué ce qui aurait pu permettre d'avoir un coté plus ludique pour la dernière partie du film, Hitchcock a préféré se concentrer sur la folie amoureuse et d'ailleurs ça se voit clairement car la partie polar a quand même quelques petits trous ), la partie fantastique avec son petit coté gothique est très appréciable et elle nous fait réellement douter, le twist est donc vraiment surprenant. Le tort de beaucoup de Hitchcock c'est de donner beaucoup trop d'indices au début, ici on sait juste que Scottie a le vertige (on se demande quand ça servira le propos) et qu'il doit suivre une femme et après c'est en avant dans une histoire hypnotique.
J'ai vraiment bien aimé la première partie du film très mystérieuse où Stewart organise sa filature et ne comprend pas toujours ce qu'il se passe, la première partie du film qui dure assez longtemps et quand même nécessaire pour l'implication du spectateur et ça fonctionne vraiment, et c'est vraiment pas le cas de tout ses films, souvent on se fait vite chier, amha toussa quoi. On est devant des errances mortifères et une fascination inexplicable se développe petit à petit. Le coté nébuleux de tout ça devient plus limpide quand on revoit le film même si on ne sait jamais si on voit une femme réelle, femme rêvée, femme fictive, femme jouée, femme idéalisée, c'est tout ça à la fois.
La seconde partie avec cette amour nécrophile, avec Scottie remodelant ( de façon assez violente même ) Judy pour la transformer en Madeleine ) est bien foutue, la première fois ça m'avait un peut saouler mais quand on connait la fin on regarde d'un oeil différent et ça devient passionnant). Cette partie devient même méchamment puissante et du coup on oublie les petits trucs un peu chiant pour se dire ah ouais c'est quand même un putain de film. Un film sur une romance profonde et tout ce que l'amour peut apporter en bien et en mal, le mal étant ici l'obsession et la folie qui découle de tout ça.
Ce film est la description parfaite de l'amour illusoire et Hitchcock est tellement concentré sur ça que le film sacrifie 2 personnages secondaires en cours de route pour se concentrer uniquement sur son duo principal mais là où dans plein de films ça m'aurait pété les couilles, ici ça passe.
On peut aussi interpréter le film comme un immense cauchemar car rien ne prouve finalement que Stewart ne meurt pas au début du film car y a des petits trucs un peu inexplicable dans le film genre comment Kim Novak peut sortir de l'hôtel au début sans être vue par Stewart. Et puis la façon qu'à Novak à de disparaître d'un seul coup.
A l'heure où on parle de bon scénario pour n'importe quoi, revoir Vertigo c'est se retrouver devant un film qui possède un des meilleurs scénarios all time, c'est bien simple quand on découvre le film, on ne peut rien prévoir. Quand on nous pète les couilles avec les scénarios de Nolan j'ai envie de dire revoyer Vertigo c'est quand même d'un autre niveau. Alors on pourrait reprocher une certaine lenteur au film, car si on décortique on peut pas réellement dire qu'il se passe grand chose mais c'est juste passer à coté du film, car c'est un film vraiment haletant car on suit le film du point de vue de Scottie du coup on est comme lui, on est perdu, on veut comprendre, on veut des réponses. Et c'est cet unique point de vue qui donne toute l'intensité dramatique de ce final. Et la seule fois qu'on est pas du point de vue de Scottie, l'écriture de la lettre en voix off, mais à ce moment là du film c'est intéressant et bien placé, ça évite une longue explication finale qui aurait été rébarbative ou un fin à la Old Boy (autrement appelée Fin scoubidou) mais en chipotant on peut dire que ça fait doublon avec le discours de Scottie qui a compris par lui même pas mal de chose, du coup une des deux scènes est ptet bien inutile.
Sur la forme, le suspens est mis de coté, ici pas de morceaux de bravoure ( quoique on peut considérer les moments de vertiges de Scottie comme tel et le travelling compensé fait véritablement son effet ) et donc un montage beaucoup plus sage qu'à l'accoutumé mais un gros travail sur les compos de plan et là Hitchcock s'en donne à coeur choix avec en point culminant la petite ballade en foret et la scène de baiser avec le décor changeant autour des 2 amoureux. Ici on sent vraiment une grande précision dans la mise en scène ( le film mérite vraiment d'être vu plusieurs fois pour s'attarder sur les nombreux détails auquel Hitchcock donne de l'importance, là j'ai surtout remarqué les miroirs qui ont une place importante à l'écran ), avec aussi un gros travail sur la géométrie qui confère au film une esthétique de premier ordre. On remarquera aussi le travail sur les couleurs, au début on a des rouges profonds qui donne de la chaleur à tout ça et puis plus le film avance plus l'ambiance se fait délétère, ça devient froid et glauque. Et puis on a ce plan final d'un sobriété absolu qui dure même pas 2 secondes, en 2 secondes il dit tout ce plan.
Bon par contre j'ai un gros bémol sur la scène du rêve de Stewart, c'est vraiment cheap dans le mauvais sens du terme, mais ça plombe pas le truc, c'est juste moche.
James Stewart que dire, c'est ptet bien le plus grand acteur de sa génération (y a de la concurrence mais sérieux lui il touche les étoiles avec Henry Fonda), et ici il trouve certainement son plus beau rôle ( même si je le trouve plus bluffant chez Mann de part le caractère des personnages aussi) et c'est un des seuls acteur dont le surjeux ne me saoule pas, Kim Novak m'a vraiment bluffé, elle arrive vraiment à sortir 2 interprétations totalement différentes de son personnage ( et puis elle très bien dans son petit pull vert sans soutien gorge ), d'ailleurs elle tellement convaincante que franchement y m'a fallu 5 minutes pour la reconnaitre et dire que Hitchcock ne la trouvait pas bonne actrice, ça doit être parce qu'il a pas réussi à la pécho. Elle est l'objet de fascination ultime, un fantasme imprenable pour Scottie, distante et attirante mais aussi complètement vénéneuse (on peut rajouter Basic Instinct à la longue liste des films qui ont emprunter un truc à ce film).
Pour finir un petit mot sur De Palma et tout ce qu'il a tiré de ce film, alors j'aime beaucoup Pulsions et Blow Out pour leur coté assumé film de genre, par contre j'ai beaucoup plus de mal avec Obsession que je trouve assez ennuyeux et plombé par un casting en carton qui fait que c'est vraiment une pâle copie de Vertigo, en même temps quand tu remplaces Stewart par Cliff Robertson faut pas s'attendre à un miracle.
La BO de Hermann est tout simplement belle (c'est vraiment loin d'être toujours le cas je trouve) et le générique de Saul Bass est un de ses plus beaux ( voir le plus beau même ).
Film somme de Hitchcock, alors au sommet de sa carrière, il ne fera jamais mieux. Un film presque mystique et puissant.
"You shouldn't keep souvenirs of a killing. You shouldn't have been that sentimental."
9/10