Avant de m'engager dans cette critique quelque peu mitigée à propos de ce film qui squattera certainement de multiples top à la fin de l'année, je tiens à préciser que je n'ai jamais été fan de la saga James Bond et que si je n'avais pas lu toutes les review dithyrambiques à propos de ce dernier né des aventures du flingueur britannique en costard, je ne serai probablement pas allé voir Skyfall en salle. Et même si je n'ai pas été totalement convaincu par ce dernier, force est de constater qu'il sait divertir en plus d'être d'une beauté formelle à couper le souffle.
Le gros point noir du film est à mon sens son script et sa tonalité, sans cesse changeante, tantôt novatrice, tantôt classique, comme s'il était impossible de totalement reconsidérer l'ambiance Bondienne sans bousculer les habitudes bien ancrées d'un public à ne pas décevoir. En résulte un semblant de révolution en terres britanniques sans cesse estompé dans ses élans de modernité. Si Mendes et Logan insufflent à leur histoire une noirceur qui fait plaisir en teintant le film d'un soupçon de réalisme qui faisait défaut à ses prédécesseurs, ils ne peuvent mettre de côté les aspects qui font partie de l'héritage un peu vieillissant de la saga. On se fade donc des personnages féminins sans intérêt qui marquent uniquement de leur présence un label d'appartenance au monde de Fleming et viennent alourdir le film avec des séquences aussi ridicules que celle d’un Bond concluant au deuxième rendez-vous, sans mot dire, nu comme un vert dans la salle de bain de sa conquête.
L'autre souci de Skyfall concerne à mon sens la globalité des personnages. Non pas qu'ils soient loupés, la plupart sont même réussis et apportent au film de la fraîcheur, mais j'ai eu la cruelle impression qu'ils étaient bien trop soignées dans leur apparence physique, au détriment des dialogues censés les mettre en valeur. Le personnage de Q par exemple, est introduit de superbe façon, comme un pied de nez à son ancien lui et ses gadgets trop enfantins, mais complètement malmené par la suite par des répliques d'un niveau CE2. C'est d'autant plus dommage que l'idée de le rendre plus présent en tant qu'aide bondienne permet au film de varier les points de vue. Un petit mot également à propos du bad guy qui, à mon sens, est également en deux teintes. Terriblement bien présenté, lors d'un plan séquence qui fait mouche par son habile mise en scène, malheureusement très creux par la suite. Qu'on le décrive un peu plus subtile qu'à l'accoutumée, soit, mais ses motivations sont quand même dignes d'une nuance de télé réalité. Heureusement que Bardem le porte à bout de bras et parvient à lui insuffler un intérêt qu'il ne possède pas sur le papier.
Bien évidemment, toutes ces réserves sont amplifiées par une réticence personnelle à la saga James Bond. Il convient néanmoins de nuancer ces quelques propos négatifs par ce qui fait la grande force de Skyfall, à savoir son esthétisme qui tient du génie. Quelle claque visuelle constante pendant 2h30. Chaque plan est une oeuvre d'art prête à être encadrée. La partie finale est un modèle de photographie, d'une inspiration sans limite, d'une précision exemplaire. Aucune réserve à ce niveau, juste une passion qui s'amplifie pour les belles images. Deakins connait son affaire, il avait déjà réussi à donner au Jarhead de Mendes une beauté formelle époustouflante. Il récidive puissance 12 dans Skyfall, chaque lieu est éclairé avec une finesse qui se ressent à l'écran. Que ce soit à Shangaï où il joue avec les reflets de cet immeuble en verre, dans cette salle de jeu généreusement éclairée à Macao ou au sein d'une nature préservée en Ecosse, chaque placement de caméra est une ode à la belle image. Skyfall est une symphonie visuelle avant tout autre chose, Mendes l'annonce d'entrée de jeu avec un générique d'ouverture qui restera à coup sur dans les archives comme étant l'un des plus inspirés de la décennie. Sensuellement accompagné par le thème suave d'Adèle, on se laisse porter sans broncher, comme hypnotisé par ce flot d'image maîtrisé, pour plus de 2h d'aventure.
En ajoutant à ce génie pictural un sens de la narration qui permet de ne jamais ennuyer son spectateur, il faut bien reconnaître que Skyfall est terriblement bien gaulé et ne vole pas sa subite réputation d'outsider de l'année. Mendes et Logan ont su apporter au film ce qui manquait aux anciens Bond. Un peu plus d'ampleur, des scènes plus réalistes et bien intenses. Tout le final où le trio infernal revient à ses bases premières pour miner le terrain de pièges bien old school, avant de sortir les canons sciés pour faire parler les vieilles bastos, est un vrai plaisir de vieux briscard habitué aux films qui font parler la poudre et un bras d'honneur apprécié aux excentricités qui avaient construit la saga. On aurait d'ailleurs aimé un peu plus de tenue sur la durée, pour le moment on sent que les envolées hors limites bondiennes sont encore timides et entachées d'un héritage qu'il est difficile de laisser sur le bas côté. Difficile également d'être pleinement convaincu par un film qui flingue l'une de ses plus belles réussites par une écriture ridicule. Le coup des deux vieillards qui font une petite randonnée échappatoire à la lampe torche histoire de les rendre aussi localisables qu'une requête googlemap, c'est complètement absurde et ça flingue la séquence, qui est un pourtant un modèle dans son ensemble.
Reste tout de même un film solide qui a pour lui de belles qualités à même de faire comprendre l'engouement des amoureux de la saga pour ce qui est sans aucun doute son aboutissement le plus total. En tout cas sa plus belle réussite. Si l'on peut espérer un maintient de ce cap vers moins de supercherie, davantage de réalisme, ainsi qu'un affranchissement à ces codes poussifs qui ont fait, en leur temps, le charme d'une série qui était en train de s’épuiser, on peut espérer des futurs James Bond encore plus réussis.