Charlie et la chocolateriede Tim Burton (2005)
Film mal-aimé dans la filmo de Burton, ce
Charlie recelle quand même plein de qualités propres à son réalisateur. Peut-être jugé trop enfantin par les fans de ses oeuvres plus matures, trop coloré, trop moralisateur... Mais quand on s'attaque à un conte pour enfants, de plus signé Roald Dahl, on ne trompe pas sur la marchandise, on est bien dans un univers décalé, coloré et destiné aux enfants. Avec une pointe de machanceté en plus.
Si dans le design de cet univers on retrouve une touche typiquement Burtonnienne, avec ces machines futuristes au look rétro, ces camions rouges, et cette ville étrange où la chocolaterie trône en haut de la route; ville grise edont la bicoque où vit Charlie et sa famille est toute tordue. On est aussi clairement dans l'univers de Dahl. C'est un univers totalement délirant, où la logique n'a plus de sens et où tout peut arriver, où on fouette littéralement des vaches pour obtenir de la crême fouettée, où une machine gigantesque est conçue pour créer un minuscule chewing-gum, et où on trouve le fameux ascenseur de verre...
Le rendu de cet univers est plutôt bien servi par des décors gigantesques, et des CGI très colorés, qui donnent en abondance presque jusqu'à l'écoeurement devant tout ce sucré (on ferait presque une indigestion rien qu'en regardant). Ca a un côté too much tout à fait en adéquation avec le propos et le lieu où ça se situe.
Les SFX sont plutôt de bonne qualité d'ailleurs, la palme revenant à la scène très réussie des écureuils.
Burton donne le beau rôle à son complice Depp en Willy Wonka, personnage décalé, grotesque, malade, et même un peu effrayant. Avec sa peau grise et son costume d'extra-terrestre, il a un côté lunaire et tourmenté. Il donne le ton assez rapidement avec un show d'introduction bizarre. Les gamins et leurs parents arrivent à l'usine et assistent consternés (comme le spectateur) à un spectacle de marionettes chanté digne de Disneyland, totalement puéril et ringard... jusqu'à ce qu'elles se mettent à brûler et à fondre révélant un côté assez glauque. On pense à un accident, avant de découvrir Wonka ravi et comprendre que c'était volontaire... Le personnage est déjà sur les rails: ce type est dérangé, et les familles qui ne sont même pas encore entrées dans l'usine commencent à se faire du mouron, et elles ont bien raison.
Ca va assez loin avec le personnage de Wonka: il a l'air de détester les enfants (!), a un regard horrifié (voire écoeuré) quand une des gamines faisant la lèche-cul (pour le prix final) le prend dans ses bras, fait de l'humour douteux en parlant de canibalisme, et semble jubiler dès qu'un malheur arrive à un de ses jeunes visiteurs...
Car à chaque étape de la visite, un des gamins va quitter le groupe de façon assez méchante, en rapport avec son trait de caractère principal. Car Dahl dresse là le portrait d'enfants détestables (on est loin de l'image des chères petites têtes blondes, et le livre date pourtant de 64). Alors certes le trait est caricatural, et la morale qui en découle assez éculée, mais ça fait pas de mal de le rappeler de temps en temps au public visé...
On a donc le goinfre égoïste, la gamine cupide et arriviste, la gamine pourrie gâtée dont le père cède à tous les caprices, et le gamin brutal abruti par la télé et les jeux vidéos (et accessoirement petit con prétentieux qui se la ramène avec sa science dans un univers où l'irrationel domine). Evidemment à l'inverse Charlie le jeune héros a toutes les vertues de sa condition sociale précaire mais honnête.
Le sort réservé aux enfants décadents est empli d'une méchanceté jubilatoire, et accompagné par les chansons des Oompas-loompas (sur des paroles de Dahl lui-même). Ca va assez loin: "Cet être infame et répugnant", "On va la presser comme un bouton d'acné", ou bien la gamine pourrie jetée littéralement aux ordures (sort que le père fautif partage).
Bon ça reste un conte pour enfants, ça se termine bien, les sales gosses ont eu une bonne leçon et le brave Charlie reste digne et fidèle à sa famille jusqu'au bout. Ma foi, un peu de morale dans un film pour enfants ça peut pas faire de mal...
7.5/10