Les Vikings |
Réalisé par Richard Fleischer
Avec Kirk Douglas, Tony curtis, Janet Leigh, Ernest Borgnine, James Donald, Alexander Knox, Frank Thring, Orson Welles (le narrateur) Aventure, USA, 1h56- 1958 |
8,5/10 |
Résumé : Au Xème siècle, les Vikings sèment la terreur sur les côtes d'Angleterre. Ragnar, chef viking, tue le roi et viole la reine. Cette dernière donne naissance à Erik qui sera capturé par les Vikings et élevé comme esclave…
Dans les années 50, le cinéma d’aventure historique connu son heure de gloire à Hollywood et
Les Vikings de
Fleischer se place indéniablement parmi les meilleurs classiques du genre. Un film épique, captivant et palpitant qui s’inscrit dans une veine plus réaliste que les autres productions de l’époque (
Ivanhoé,
Le Chevalier du Roi,
Richard Cœur de Lion ou
Scaramouche pour ne citer que ceux-là). Souci du détail dans les décors, les costumes et dans la description des traditions et des rites vikings, reconstitution d’un village et d’un drakkar d’après des plans originaux, tournage dans un
fjord… autant d’éléments qui témoignent d’une volonté d’authenticité dans la représentation du peuple viking, même si le film n’échappe pas à l’image d’
Epinal largement véhiculée par le cinéma d’un peuple barbare vivant des pillages.
Les Vikings et
Le 13ème guerrier sont les deux seuls films qui traitent avec vraisemblance des traditions des peuples nordiques.
Un film à grand spectacle dans la plus pure tradition hollywoodienne avec son lot d’action trépidante et de rebondissements confié au maître du cinéma d’aventure des années 50 et souligné par la majestueuse partition de
Mario Nascimbene. Certaines scènes restent gravées dans la mémoire du cinéma : l’arrivée de Ragnar au village, l’attaque du faucon, Einar qui sautent de rames en rames, les drakkars qui sortent de la brume aux abords des côtes anglaises, les guerriers vikings qui cheminent au son des tambours, l’assaut du château, le duel fratricide et les funérailles. Le film est constamment dynamisé par une alternance de scènes grandioses ou intimistes et de plans impressionnants. Les décors naturels sont magnifiés par la photographie de
Jack Cardiff, ce génie de l’image en technicolor et par le sens du cadrage de
Richard Fleischer.
Cardiff capture littéralement la beauté et la lumière des paysages nordiques. Le réalisateur et son directeur de la photographie instaurent une atmosphère qui parvient à retranscrire aussi bien la fascination du public pour un peuple nimbé de mystère, que la violence et la brutalité de l’époque médiévale (viol, mutilation, torture).
Fleischer apporte une dimension tragique à la rivalité qui oppose Einar et Erik. Cette relation fraternelle dominée par la haine, la vengeance et la jalousie, beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, renvoie à bien des récits mythiques ou religieux (Seth et Osiris, Gilgamesh et Enkidu, Remus et Romulus et bien évidemment Abel et Caïn). Cette notion de tragédie particulièrement appuyée (oracle, destin funeste, aveuglement, mutilation, parricide, duel fratricide…) donne au film une tonalité sérieuse et dramatique qui l’éloigne d’un simple divertissement de type
swaschbuckler.
J’ai toujours beaucoup apprécié le côté quelque peu novateur du traitement des personnages. En règle générale dans les films d’aventures des années 30-50, il y a un héros valeureux et charmeur ainsi qu’un méchant bien vil qu’on se plaît à détester. Dans le cas présent, le spectateur oscille entre son attachement pour le héros (
Tony Curtis) et l’un des premiers anti-héro totalement charismatique du cinéma interprété par un
Kirk Douglas impérial. D’un côté Erik (
Tony Curtis) personnage taciturne, presque effacé - condition d’esclave oblige - mais néanmoins déterminé, courageux et pas exempt de traîtrise. De l’autre Einar (
Kirk Douglas) un prince viking flamboyant, goguenard, fier, plein de bravoure et de fougue, mais aussi égocentrique, rustre, cruel, brutal et sauvage. Au milieu, Morgana, une princesse piquante interprétée par une éblouissante
Janet Leigh que se disputent les deux hommes.
Bien évidemment, la princesse est attirée par le héros plus chevaleresque, mais le spectateur est franchement plus partagé sur le sujet. C’est l’une des grandes réussites de
Fleischer, de parvenir à nous attacher à des personnages pourtant si peu sympathiques, particulièrement sombres et ambivalents tels Einar ou Ragnar. Ainsi, on s’apitoie sur le destin de Ragnar, interprété par un
Ernest Borgnine absolument génial, malgré son tempérament de soudard et surtout de chef sanguinaire et violeur.
Richard Fleischer nous offre une épopée barbare, un spectacle passionnant, tragique et grandiose, porté par des interprétations inspirées et par la majesté des décors et des paysages. A découvrir de toute urgence.