Tête de Turc - Pascal Elbé - 2010
Difficile de comprendre pourquoi la presse s'est touchée à ce point sur ce Tête de Turc tout à fait correct mais pas original pour un sou. Faut vraiment chercher très loin pour trouver un semblant de similitudes avec l'univers de James Gray (ça n'est pas moi qui le dit, c'est la jaquette du DVD). Ah si, il y a deux frères dans l'histoire comme dans The Yards et La Nuit Nous Appartient
. Trêve de plaisanteries, le résultat n'est pas honteux, loin de là. Pour son premier film en tant que réalisateur,l'acteur Pascal Elbé va clairement puiser son inspiration chez Alejandro González Inárritu mais pour un résultat plutôt du niveau d'un Collision (Paul Haggis).
Destins croisés. On y voit donc pèle-mêle un médecin urgentiste agressé dans une banlieue (Elbé), un jeune de 15 ans tiraillé entre sa conscience et la dure réalité de son quartier (Samir Makhlouf, meilleur rôle du film), un flic qui veut venger son frère vaille que vaille (Roschdy Zem) et un homme au fond du gouffre suite à la mort de sa femme (Simon Abkarian). Tous ne sont pas logés à la même enseigne et c'est bien là le principal défaut du film en plus de son caractère prévisible.
Concrètement, Tête de Turc est bien plus réussi quand il porte son regard assez juste sur la banlieue que lorsqu'il essaie de faire exister tous ses personnages autour d'un seul et unique arc narratif. Certains sont clairement de trop et viennent alourdir inutilement un récit qui aurait gagné à faire dans l'épure. Difficile de ne pas trop dévoiler le pot aux roses mais le personnage de l'homme endeuillé interprété par Abkarian est raté, à peine esquissé, réduisant ainsi à néant l'impact émotionnel voulu dans l'épilogue, qu'on voit en plus arriver à des kilomètres. De même, la quête de vengeance du flic est un peu vaine, presque enfantine alors qu'il se veut lui-même être un exemple d'intégration.
Visuellement, le résultat est tout à fait correct et on en vient clairement à regretter qu'Elbé n'ait pas aspiré à un peu plus de simplicité pour son premier long. Le scénario, dont il aussi l'auteur, est ambitieux mais on retrouve des erreurs de débutant (le casting, putain! C'est sympa de faire jouer ses potes mais Zem en Arménien, c'est pas vraiment le top niveau crédibilité). Quand on se risque à la chronique sociale (ici mâtinée de thriller), tout doit sonner vrai et ça n'est malheureusement pas le cas. Tête de Turc est un effort louable dans le paysage cinématographique français mais on sent tout au long des 90 minutes de nombreuses petites hésitations qui nuisent au résultat final. Mieux vaut garder en mémoire la belle prestation du jeune Samir Makhlouf, la révélation du film, et le traitement implacable mais aussi réaliste de la banlieue, quelque part entre désespérance et élans de solidarité.
6/10