Skyfall - Sam Mendes - 2012
Après quelques heures de digestion, Skyfall s’impose naturellement comme le meilleur opus de la saga James Bond. La raison en est très simple. Pour la première fois en 50 ans, les producteurs ont fait appel à une équipe technique hors pair, en commençant par offrir à ce Skyfall un vrai réalisateur. Pourtant peu adepte de l’action XXL, l’homme rompu aux planches qu’est Sam Mendes relève le défi haut la main. Doté, toutes proportions gardées, d’un scénario solide, ce 23ème volet s’est surtout paré de ses plus beaux atours.
Cette réussite formelle incontestable, on la doit en grande partie au génie de Roger Deakins (directeur de la photo attitré des Coen Bros), distributeur de claques visuelles en chef qui réussit à transcender l’imagerie balisée de la série pour nous offrir de purs moments de cinéma. Entre l’escapade à Shangaï, le casino à Macao et le final époustouflant dans le land écossais, il y a de quoi flatter la rétine des plus exigeants.
Le scénario de John Logan (un fidèle de Ridley Scott) fait en partie table rase du passé et joue brillamment avec les codes de la saga. Nous laissant penser pendant plus d’une heure à un complot d’envergure internationale comme la saga nous en a trop souvent servi, Skyfall dérive à mi-parcours vers une histoire de vengeance personnelle. Exit la mégalomanie, les relectures de la guerre froide, les manipulations financières à grande échelle. Le Bond nouveau sera introspectif ou ne sera pas.
Pour la première fois, James est en souffrance, tant physique que psychologique, broyé par une mission qui a failli lui coûter la vie en Turquie. Cette scène d’action aussi énorme qu’improbable (à titre personnel, je trouve que c’est le passage le moins réussi tant il détonne avec la suite du récit) a été placée en introduction comme pour mieux faire le lien entre le passé démesuré en terme d’action et le présent synonyme de véritable retour à l’âge de pierre.
Que ce soit le déménagement forcé des locaux du MI6 dans le bunker de Churchill, les gadgets réduits à leur plus simple expression (un flingue et un transmetteur radio) ou le retour de la célèbre Aston Martin DB5 dans son apparat le plus simple, tout converge vers un minimalisme salvateur (notamment dans le final où 007 est armé de sa seule bite et de son couteau).
Si on ajoute à cela un bad guy (excellent Javier Bardem) bien loin des archétypes habituels, seulement guidé par sa quête de vengeance, une James Bond girl qui n’est autre que M et une excursion dans le passé de 007 au détour d’un final sur la terre de ses ancêtres, les fans du film d’espionnage post Jason Bourne risquent de déchanter. Intriguant pendant une heure, Skyfall resserre son étau dramatique au fil des minutes, non sans oublier d’offrir quelques touches de fan service (Moneypenny, loveboat…). Il y a bien quelques petites fautes de goût (la scène avec les dragons de Komodo) mais rien d’alarmant.
La dernière demie heure, véritable morceau de bravoure qui convoque les dieux de l’under siege parachève la réussite globale de cet épisode décidemment à part. L’assaut de la demeure familiale, c’est juste de l’or en barre pour les amateurs d’un cinéma à l’ancienne et porté disparu. L’arc narratif tissé autour du trio Bond/Bardem/M débouche sur des images entêtantes aux forts relents de néo-western où le duo Mendes/Deakins parachève son somptueux tableau en offrant rien de moins que les meilleures séquences de la saga et de vrais grands moments de cinéma. Skyfall est un des rares blockbusters de l’année 2012 à tenir ses promesses et bien plus encore, rendant toujours plus amères les déceptions que furent Prometheus et The Dark Knight Rises. Maintenant la grande question, est ce que j'achète tout de même le coffret de l'intégral de la saga qui me fait de l'oeil sachant que je n'y trouverai rien de mieux que ce Skyfall à l'intérieur?
8.5/10