BLINDNESS-------------------------------------------
Fernando Meirelles (2008) |
4.5/10 Critique pleine de spoil, je suis en mode venin.Tout ça pour ça, c'est un peu le sentiment qui m'envahit quand le générique de fin vient enfin me délivrer d'une séance qui a eu raison de toute ma bonne volonté à essayer de trouver au film des excuses. Des excuses à ce massacre d'une idée de départ géniale, d'un propos habile et prometteur. Mais à trop vouloir en dire, à trop vouloir pointer du doigt tous les travers possibles et imaginables de la nature humaine Meirelles réussit tout simplement à agacer un spectateur qui se sent prit pour un âne. Qu'on s'entende bien, je suis un très gros client de films uppercut, ceux-là même qui vous malmènent en kidnappant vos tripes lors de séquences difficiles à encaisser. Mais je suis aussi de ceux qui n'aiment pas trop être pris pour des pigeons et force est de constater que Meirelles prend son spectateur pour un coeur sans cervelle pour oser espérer de sa part une quelconque compassion pour des personnages si mollassons.
Je pense à tout ce manichéisme gerbant qui teinte le dénouement de la première partie du film, lors de laquelle, semblables à des bovins devenus impropres à la commation, nos humains inutiles car devenus aveugles se retrouvent parqués dans une véritable prison, retenus sous clé par des gardes stupides (ah les militaires, c'est vraiment des ânes). Évidemment, dans ce genre d'endroit, des règles de vie en mode jungle prennent le dessus et ça part en sucette.
Autant c'est crédible dans une ambiance à la Oz parce que les mecs qui sont enfermés sont tous des animaux en recherche de sang bouillonnant, autant dans Blindness ça vire à la farce, Meirelles ôtant de son propos toute nuance qui aurait pourtant été la bienvenue. Ainsi, nos pauvres aveugles livrés à eux même par une société ingrate sont séparés en trois groupes. Le premier n'est constitué QUE de personnes super gentilles (le seul bancal crève, il avait mal choisi sa piaule), limite fades et au tempérament de faibles, le deuxième groupe, qu'on devine similaire (c'est ptêt le gêne de la trouillardise qui les a rendus aveugles, sait-on jamais) est inexistant, enfin le troisième réunit les mauvais bougres de cette mini société, et le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils franchissent une sacrée marche sur l'échelle des pourritures toute catégorie. Ainsi, le climax de toute cette partie censé nous énerver au plus au point réussit son coup, mais pour de mauvaises raisons. Quand une vingtaine d'homme acceptent d'échanger leurs femmes contre des gâteaux, parce qu'ils ont peur d'un aveugle armé d'un flingue (et c'est pas Tony Anthony dans Blindman le type, non, il est juste vilain, c'est presque le plus amusant de tous les personnages en plus), ça sonne légèrement comme du foutage de tronche en bonne et due forme. Pas un ne se rebelle, pas un ne se fait la voix de la contestation, non, laissons nos femmes se faire posséder par des monstres, après tout, c'est pas si grave. Il n'y a qu'à voir la facilité avec laquelle elles se remettent toutes de l'épreuve, dès le lendemain, les sourires sont de retour sur les visages, comme si de rien n'était. Et dans la suite du film, plus aucune allusion à ce drame. C'est fort.
Mais le pire n'est même pas là. Non, le pire c'est l'écriture du messie de la bande. Julianne Moore qui ne perd jamais la vision et devient ainsi logiquement LA personne qui détient le pouvoir dans cette prison où personne ne voit. Mais non, ça ne l'empêche pas de se laisser violer, parce que finalement, l'altruisme, c'est beau. Son aide se limite à jouer les mères Theresa (elle fait même le ménage) et apporter un petite réflexion sur l'inversion des rôles et quelques autres pistes qui tombent toutes à plat, la faute à une écriture totalement absurde. Du coup, on a l'impression que le but de tout cette longue première partie est cet aboutissement immoral où les hommes alpha révèlent leur nature de gros porcs dégueulasses et les bêtas (à prendre au deux sens, parce qu'ils sont bien neuneus nos mâles du premier groupe) celle des faibles incapables de passer en mode énervés. Je n'évoquerai même pas ce passage également bien stupide où Rufalo s'envoie l'une des jolies aveugles tellement la scène arrive comme un cheveu sur la soupe, comme pour préparer le terrain à la farce à venir (et puis Julianne elle est cool, son petit côté échangiste se révèle au grand jour, au top quoi). La pauvre finira par se révolter, mais beaucoup trop tardivement pour que sa vengeance ait l'impact escompté sur nous. On est content, mais sans plus, alors qu'on devrait être au taquet quand elle plante cette vieille lame rouillée dans la jugulaire du gros bâtard de l'histoire.
Bon, je reproche au cinéaste son manque de nuance, je ne vais pas tomber dans le même travers. Si je sors du film aussi remonté, c'est bel et bien parce qu'il n'y avait pas besoin de prendre les gens pour des jambons pour faire de Blindness un film qui cartonne. Pour commencer tous les acteurs font un sacré boulot, complètement dans leurs personnages, il sont irréprochables, Moore en tête qui délivre une prestation à saluer. En outre, le postulat de départ était suffisamment puissant pour cartonner avec un script plus subtile et Meirelles étant un merveilleux faiseur d'images, le film aurait mérité beaucoup mieux. Parce que sur la forme, difficile de reprocher quoique ce soit à cette bobine. C'est même très poussé en terme de photographie et d'ambiance, tout le boulot fait pour illustrer la cécité qui touche les humains, en nous la faisant ressentir partiellement est très réussi. La dernière partie du film relève d'ailleurs un peu le niveau, malheureusement, pour moi il était déjà trop tard.
En résumé, à vouloir trop en faire, on tombe facilement dans le grotesque. Meirelles, en oubliant d'apporter de la nuance dans la partie choc de son film assassine complètement ce dernier, tuant dans l'oeuf une idée de départ pourtant solide et ingénieuse. Comme quoi, l'écriture c'est la base, et pourtant le réalisateur nous a prouvé par le passé qu'il s'y connait également dans ce domaine (enfin, il y avait déjà des signes avant coureur de grosses leçons de belle moralité dans le néanmoins plutôt chouette The constant gardener). Dans tous les cas, impossible pour moi de mettre la moyenne à cette moquerie infâme tant je me suis senti trompé par un script over the top qui, en plus de tomber dans le graveleux gratuit, flingue tout le potentiel de son personnage le plus intéressant. Chez Meirelles, au pays des aveugles, les borgnes à deux yeux valides sont loin d'être les rois, on abuse même d'eux en leur arrachant presque un remerciement. Clap, clap.