Happy Feet de George Miller
(2006)
Cela fait parfois du bien de se rendre compte que l'on a tord concernant les attentes envers un film. Dans le cas de
Happy Feet, je me suis toujours refusé à le découvrir durant ces dernières années, persuadé que j'y trouverais un énième divertissement pour enfant, à base de pingouins chantants de la musique hype, le tout sur un message écolo pour justifier le budget du film ainsi qu'un Oscar. Et pour le coup, j’admets aujourd'hui volontiers la stupidité de ma pensée, ayant découvert avec
Happy Feet ni plus ni moins que l'un des meilleurs films d'animation qu'il m'ait été donné de voir. Véritable hymne à la vie dans toute sa globalité, récit initiatique prenant, réflexion profonde sur la prise de conscience de l'univers qui nous entoure,
Happy Feet se révèle être bien plus qu'un simple film d'animation pour enfants, son propos étant de capable de toucher le plus adulte des spectateurs et ce, malgré une apparence simpliste qui en rebutera certainement au premier abord. Ainsi, dès les premières minutes du métrage, le film de George Miller pourra étonner de par sa faculté à mêler le genre musical avec la retranscription ultra-documentée des manchots empereur. Et pourtant, même dans ces premières minutes, une sortie d'ambiance mystique se dégage déjà, notamment lors de la séquence de la grande nuit polaire, annonçant véritablement le ton étrange du film dans sa suite. Car là encore, malgré un récit principal somme toute classique (on est clairement en terrain connu avec une ode à la différence et au reniement des principes d'autrefois),
Happy Feet révèle une profondeur étonnante via une quête à la fois épique et nihiliste sur la recherche d'une entité supérieure qui serait capable de sauver l'espèce et son environnement.
On est donc ici devant un véritable reflet d'une humanité qui a trop souvent tendance à se penser seule dans l'univers qu'elle occupe, la recherche des fameux aliens devient alors la quête du divin, avec toutes les cruautés que cela engendre, en témoigne la séquence de l'aquarium, pied de nez total au divertissement tout public, qui évoque très bien la tonalité du métrage, bien plus complexe qu'il n'y paraît, sur le fond comme sur la forme. Et même si certains pourront pester contre une happy-end imposée, force est de constater qu'elle possède un goût amer lorsque l'on replace le film dans le contexte où il est inscrit, nous faisant prendre conscience de ce que nous sommes devenus au point de l'oublier au quotidien. Mais si
Happy Feet se démarque aisément de la qualité générale des films d'animation de ces dernières années, c'est aussi de par son réalisateur George Miller, auteur imprévisible s'il en est, capable de films aussi sauvages que
Mad Max que de fables poétiques comme
Babe. La règle qui dit qu'un réalisateur de films live, ayant compris le langage cinématographique dans ce qu'il a de plus complexe, est capable de merveilles dans le cinéma d'animation n'est ici aucunement bafouée. Ainsi, comme ont pu le faire Steven Spielberg ou Robert Zemeckis, George Miller impose une patte toute particulière à son
Happy Feet, notamment via une maîtrise totale de la puissance visuelle et évocatrice. A base de plans-séquences monstrueux et de plans épiques, que ce soit sur les séquences d'action (la glissade, le saut de Mumble) ou tout simplement les scènes musicales parfaitement rythmées, Miller signe une œuvre particulièrement dense, au rendu visuel bluffant, à la bande-son géniale et au casting vocal pour le moins impressionnant. En cela,
Happy Feet est de ce genre de film dont il est facile de juger à première vue, mais qui mériterait vraiment d'être découvert avec des yeux vierges de la moindre once de cynisme. Une très grande œuvre du cinéma d'animation qui mériterait d'être réhabilitée dans les années à venir.
NOTE : 9/10