Se déroulant dans un cadre fictif haut combien original (surprise, des rebelles russes sont les méchants) mais introduit au début de manière crédible par une approche docu-fiction,
USS Alabama nous offre une belle variante de la tradition des films de mutinerie à la manière des
Révoltés du Bounty. Un film de guerre qui ne cache pas son mépris contre la faillibilité de la chaîne de commandement, sur laquelle se base la quasi totalité de la narration, bien loin de l'apologie de l'armée de
Top Gun mais sans oublier de nous divertir, d'une part en instillant une belle dose de tension au cours d'affrontements entre sous-marins dont on nous retrace toute la mécanique technico-humaine, et d'autre part en plaçant des petits moments d'humour venant alléger agréablement l'atmosphère suintante d'ordres et de contre-ordres (comme la discussion sur les meilleurs chevaux ou le meilleur dessinateur du Surfeur d'argent, dialogues visiblement hérités d'une participation de Quentin Tarantino).
Le succès de ce divertissement intelligent, outre son intrigue plus profonde que les
blockbusters habituels, revient au duel d'acteurs, incarnant deux types d'hommes symétriquement opposés. Gen Hackman reprend un peu le genre de rôle qu'il affectionne depuis au moins
Impitoyable, un vieux de la veille, un sanguin qui veut respecter jusqu'au bout un ordre donné, sans se poser de questions, en faisant juste son job qui est tout pour lui, un commandant respectueux tant qu'on ne lui chie pas dans les baskets. Le bon militaire lambda limite dictateur. Face à lui se tient Denzel Washington, qui joue au contraire un homme qui n'a pas l'expérience de la guerre, mais veut faire porter ses convictions éclairées par son éducation autant que faire se peut, au moins en préservant la régularité de la chaîne de commandement. Il apprendra malgré lui le choix cornélien qui implique un tel dévouement dans les règles de l'art. Un duel solide et efficace, tissé d'honneur, de loyauté/trahison, et de devoir. Il ne faudrait pas aussi oublier le justement nommé troisième homme du sous-marin, incarné par un charismatique Viggo Mortensen qui a vraiment la classe avec sa cigarette au bec, qui en quelques secondes parvient à nous faire ressentir toute la tension qui l'habite, sa loyauté et son sens de discernement sous pression. Pour terminer, à l'image de ce duel dantesque et du footing que réalise le second sur le navire, on peut sentir le pouls des hommes qui y sont présents malgré leur nombre assez important. Cela crée ainsi un climat intimiste global, essentiel non seulement pour nous attacher aux personnages, mais aussi pour nous sentir présent sur l'aspect exigu du sous-marin.
A côté de cela, l'histoire en elle-même demeure un peu prévisible malgré la tension mise en oeuvre et l'intelligence qui en découle. Et la réalisation, mis à part le déploiement de filtres de couleur et des angles inclinés qui reproduisent bien l'ambiance inhumaine et oppressante du sous-marin, elle s'en tient plutôt à l'efficacité et la sobriété, et se met ainsi au service des personnages, et exprime aussi un beau sens de l'espace. D'autre part, la mise en scène souffre légèrement de manque d'originalité, surtout suite
A la poursuite de l'octobre rouge dont elle reprend les grandes lignes (balade en extérieur sur le sous-marin, course-poursuite entre bâtiments de guerre, choeurs pour galvaniser l'esprit d'unité militaire, ...). Enfin, la musique manque un peu de personnalité et souligne principalement l'action, à part les morceaux de classique qui viennent rompre cette monotonie symphonique, qui sont du plus bel effet en donnant un petit air de messe religieuse durant les scènes intimistes de la cabine du Capitaine.