Martyrs de Pascal Laugier
(2008)
Clairement le genre d’œuvre qui, à l'instar de films comme
Irréversible ou
Clockwork Orange, ne laisse pas indifférent, ne laissant donc que peu de place à l'objectivité. Dans mon cas, difficile de parler de
Martyrs, tant le second essai de Pascal Laugier provoque en moi une fascination aussi certaine qu'un dégoût sur plusieurs points. En l'état, le film est clairement l'un des sommets de ce que l'on a pu voir dans la vague française 00's de film de genre avec les films d'Alexandre Aja. On est donc ici devant une œuvre à la maîtrise certaine, Laugier sachant de toute évidence exploiter les capacités visuelles d'une caméra.
Martyrs est formellement un beau film, aucun doute sur ce point. Là où le film continuera a diviser dans les années à venir vient clairement de son script, à la fois par son côté sans concession (on va tout de même très loin dans la violence graphique hors-champ) mais surtout l'apparente facilité de sa construction. Démarrant tel un film d'horreur schizophrénique teinté de buddy movie sanglant,
Martyrs joue purement et simplement sur la surprise provoquée sur son spectateur, une surprise au mystère tellement élaboré que l'on en vient à supporter les pires choses pour connaître le fin mot de l'histoire, notamment dans une longue séquence de torture-porn où l'on en vient à se demander les intentions réelles de Laugier. Car
Martyrs dérange évidemment de son absence de propos réel, difficile donc de savoir si Laugier se pose en voyeur malsain ou en cinéaste usant de sa maîtrise pour créer une nouvelle expérience cinématographique.
On en vient alors à se poser toutes les questions possibles. Est-ce que le classicisme exacerbant de la première moitié du film est volontaire ? Est-ce que Laugier prend plaisir à infliger la torture à la fois sur son personnage principal et sur son public ? Et surtout, croit-il un seul instant au propos final de son métrage, ou est-ce un doigt d'honneur dressé vers son spectateur qui a traversé l'horreur pour arriver jusque là ? Ainsi, au contraire du film de Gaspar Noé, qui créait la beauté par l'horreur pour finalement les confronter, et au contraire du film de Stanley Kubrick, qui développait un constat indéniable sur la violence qu'il proposait,
Martyrs est un film qui laisse son spectateur comme seul juge de ce qu'il a vu, et provoque donc évidemment une gêne certaine (chose que son dernier film évite puisqu'il montre les états d'âmes de ses personnages). Tour de force génial ou spectacle malsain aussi facile que gratuit ? Difficile à dire. Mais malgré ses défauts (notamment la direction d'acteur souvent à la ramasse),
Martyrs est clairement un film possédant des qualités indéniables, arrivant toujours à surprendre son spectateur là où il ne l'attendait pas, mention spéciale à la découverte du sous-sol qui en choquera plus d'un. Réaction hésitante donc sur cette œuvre, la seconde vision sera évidemment décisive, comme souvent avec ce genre de film. Mais à l'heure actuelle, je ne saurais même pas dire si j'ai réellement envie de le revoir un jour, la peur de redécouvrir un tel film se mêlant dangereusement à la fascination que peut provoquer un tel objet filmique.
NOTE : 6/10