Peter Jackson et sa fabuleuse trilogie du
Seigneur des Anneaux ne pouvait pas s'arrêter en si bon chemin. L'appel de la Terre du Milieu (et les dollars
) auront finalement convaincu le bonhomme de prendre les rennes d'un autre classique de la fantasy :
The Hobbit, petit roman destiné à la jeunesse , écrit par un professeur qui s'ennuyait pendant une séance de correction de copies : JRR Tolkien.
Un livre bien plus court que le pavé de la trilogie précédente, Peter décide d'en faire 2 films, puis 3. Sage décision ? Nous le verrons quelques lignes plus bas. Un projet forcément très alléchant pour la Nouvelle-Zélande- (dont le tourisme grimpe en flèche depuis la trilogie du
SDA) devenu la "Terre du Milieu" - mais aussi pour tous les cinéphiles accro au genre (la fantasy), à tous les geeks etc... Les équipes voient débarquer des tronches bien connues, le retour de
Weta, Howard Shore, des rumeurs quant aux retours d'
Elijah Wood et Ian Holm, le plaisir de revoir
Ian Mac Kellen dans le rôle magistral de
Gandalf, Galadriel, Elrond , Saroumane, des décors familiers comme
Fondcombe et Hobbitebourg...Tout était là pour annoncer un nouveau voyage épique et mémorable en
Terre du Milieu. Un travail d'orfèvre, une entreprise gigantesque, un très long tournage, une équipe soudée, l'attention portée aux fans, les passionnés, John Howe et Alan Lee au dessin concept art etc... Que du bon !
L'annonce du trilogie réfréna les attentes, des questions fusèrent sur la toile (comment étaler un livre de 400 pages sur autant de durée qu'une intégrale de 3 romans le tout avoisinant les 1200 pages ?), la 3D et le HDFR laissèrent le public dubitatif... Le projet du
Hobbit connu moins d'engouement que l'adaptation du
Seigneur des Anneaux surtout parce que le roman est plutôt "léger" et divertissant, sans réelle profondeur. Au bas mot, ce n'est qu'un prélude enfin au
Seigneur des Anneaux (le parcours est quasiment le même jusqu'aux montagnes séparant
Fondcombe de Mirkwood). D'un côté, le plaisir de replonger dans l'univers, de l'autre, le sentiment que le film sera forcément moins bon que la trilogie antérieure.
Au vu des trailers, on sentait déjà que l'authenticité du
SDA en prenait un sacré coup notamment à cause du visuel flashy fluo trop prononcé (aspect souvent lisse et carte postale). tout cela afin de favoriser le tournage 3D et le HDFR... Même l'iconisation de Thorin semble parfois outrancière. Une sacralisation peu justifiée too much mais classe il faut le reconnaitre.
Le Hobbit commence donc logiquement dans la
Comté avec un vieux
Bilbo couchant par écrit une aventure inédite pour les autres et son neveu
Frodon. Nostalgie, mélancolie, Cul-de-Sac, une très grande introduction comme PJ sait les réaliser :
Galadriel était la voix-off du
SDA qui s'inscrivait comme une épopée très important pour la
Terre du Milieu, la fin des
Elfes, l'ère des
Hommes, la fin de toute chose, un renouveau. The
Hobbit est plus classique, moins solennel, moins complexe mais empreint de la même magie. Une quête relativement simpliste : celle de l’ignorant/innocent sédentaire confortablement assis devant la cheminée qui va apprendre le "Monde" , apprendre à se débrouiller, à se battre, à aider son prochain, apprendre des valeurs et prendre conscience de ce qui l'entoure, de l'importance de l'Histoire de son univers et des enjeux géopolitiques / ethniques tout en comprenant son rôle à jouer, l’implication qu'il peut avoir
Le flashforward (enfin le présent en fait) était donc très utile pour relier dès le début le
Hobbit au
SDA. Et puis ça fait surtout plaisir à tout le monde de revoir certains protagonistes. Très bonne introduction donc, tout en décors majestueux et grandeur du peuple Nain , mais on sent déjà que la retouche numérique semble plus exacerbée que sur l'ancienne trilogie. Malgré tout, PJ reste discret et ne dévoile pas
Smaug le Dragon. un bout de queue, une patte, une ombre, des flammes et en 5 minutes, le scénario réussit à clairement poser les enjeux et l'atmosphère du moment. On comprend mieux plus tard, grâce à cette intro, le tempérament de
Thorin.
Ensuite vient le long passage dans
Cul de Sac avec les
Nains et Bilbo : on peut le dire, ça traine en longueurs. Drôle, plaisant, la réalisation est toujours très soignée, chaque plan est un pur régal (même s'ils abuse des plans aériens, des mate painting , des SFX et qu'on voit finalement peu de plans-séquences ou de scènes " live" vraiment originales) on pourrait presque en faire un poster et PJ ne s'est pas laissé impressionné par le ton trop enfantin du roman. Il a mis de côté pas mal de lourdeurs , pas mal de blagues et de chants ennuyants et tente quelque chose de plus convivial, familial mais pas "puéril". Il remet au goût du jour un livre jeunesse qui se fait un peu vieillot dans sa narration, son style et son épaisseur. Le chant "
Misty Mountains" -caverneux et profond- prouve qu'il a clairement fait pencher la balance du côté nostalgie ancestrale -patriotisme-nationalisme "Nain", un peuple brisé, sans Terre, l'ensemble du Royaume pillé et gardé par le plus gros voleur de tous les temps :
Smaug le dragon. Peter Jackson lorgne clairement de ce côté, comme dans le livre mais en y accordant plus de profondeur et de tragédie.
Le casting est très bien mais est-ce objectif ? Oui, il faut quand même noter que sur les 13 nains, seulement 4-5 sont développés et ont droit à quelques dialogues. Tous les autres sont interchangeables car muets, quasi- absents....
On pourra reprocher à PJ d'avoir dupé son monde en foutant des nains qui tiennent plus de petits "hommes" que de nains et même si l'argument qui porte sur l'identification est loin d'être irrecevable, il faut avouer que c'est rageant de ne pas avoir eu une troupe au look essentiellement proche de
Gimli dans le
SDA ou des quelques 5-6 nains du
Hobbit , des vrais eux !
Thorin tient d'un mix entre
Théoden et Aragorn, Fili et Kili sont un mix de rohirrim et de dunedain etc...
Bref, tout est bien là : dépaysement, les costumes, l’univers, l'ambiance, la photo, la musique mais l'humour de PJ est parfois "limite" (chez Tolkien l'humour est pète sec, discret, rare) et on a l'impression de voir une version Scary Movie du
SDA. On a le sentiment que
The Hobbit en fait "trop" : le couleurs fluo flashy, les effets spéciaux omniprésents (ou c'est la retouche qui laisse croire qu'on voit des SFX) , les plans aériens ou les plans CGI mate painting et
surtout une narration qui prend trop son temps. 2h49 de film pour raconter ce qui se passe en 119 pages (il y en a 308 en tout) ; 6 chapitres sur 19 !
Le côté émotionnel en prend forcément un sacré coup puisque s'attacher à un personnage dans
The Hobbit tient du miracle tant les caractères sont transparents, fades et inexpressifs. Reste
Bilbo, LA réussite du film. En gros, ce volet d'introduction pose des bases nécessaires mais s'étale trop sur des péripéties et jamais sur les protagonistes.. Il n'y a qu'à comparer les deux parties du film : la seconde, à partir du piège "gobelin" jusqu’à la fin c'est de l'action non-stop. Je dirais même plus, de l'action jouissive certes, mais tellement virtuelle, trop de plans éloignés, trop de CGI, on dirait un jeu vidéo de plateforme. En clair, résumons :
The Hobbit utilise tous les points originaux et magistraux de la trilogie du
SDA et s'en sert à ne plus savoir qu'en faire, sans les justifier du moins. Certes, pour les fans, le développement vient plus tard, avec le
SDA, mais cela sous-entend que PJ a programmé sa nouvelle trilogie en fonction de ça et s'est dit "pas la peine de parler de gens qu'on connait déjà). Argument valable.
Alors on sait que les scénaristes puisent aussi des choses à adapter dans les appendices contenues dans le livre du
SDA ce qui devrait nous rassurer. Oui mais : la plupart des ajouts dans ce premier volet du
Hobbit ne vienne pas des appendices mais de l'imagination de PJ qui en réalité s'est permis d'extrapoler sur des simples anecdotes d'une ligne notamment sur le
Conseil Blanc ou
Radagast. A la limite, le fait de développer un peu les Orcs permet de bien cibler qui est qui, qui sont les "méchants etc..parce que le roman n'allait pas très loin à ce niveau (d’ailleurs Azog n'est pas dans le livre e tout le background de la scène d'intro , les Elfes qui ne viennent pas au secours des Nains -inimitié inventée pour le coup , comme celle entre le Rohan et le Gondor dans le SDA- ) etc..ça prend même pas dix lignes au début du roman). On ne peut pas reprocher à PJ d'avoir extrait ces détails pour les grossir un peu car cela légérement éclaire les enjeux et structure le contexte.
Lors du
Conseil et de l'entrée en scène de
Galadriel, on assiste à un plan forcé, pompeux et visuellement si beau qu'il ne devient moche c'est ce zoom sur
Galadriel, trop pleine de grâce, trop lente, la musique etc..trop c'est trop. Et le passage à
Fondcombe, hormis le Conseil (finalement court et sans dialogues délicieux à se mette sous la langue, niveau écriture c'est pauvre, on est loin du
Conseil d'Elrond surtout que le Conseil Blanc est ici trop restreint, on aurait "pu" avoir plus de monde dont
Celeborn et Radagast) n'a que peu d'"intérêt en ce qui concerne
Bilbo et les
Nains. Le film est long mais ne s'étale pas assez quand il le faudrait et en fait des tonnes pour des broutilles....(la poursuite qui précède l'entrée à
Imladris, avec les orcs et
Radagast qui fait diversion ça tient plus du comique et de nains qui randonnent que d'une vraie scène d'aventure et PJ s'est trop habitué à filmer d'hélicoptère même pour des scènes qui demanderait plus de punch et d'immersion : au sol donc).
Radagast : d'un istari discret, mystérieux, solitaire et préférant la compagnie des animaux on passe à un magicien demeuré, fou, crade (la merde qui lui coule le long des cheveux et une partie du visage), accro aux champignons (c'est
Saroumane qui le dit donc on a là un sous-entendu sur l'état psychique du personnage). Plus tard on voit
Radagast fumer la pipe ce qui le met dans un état clairement similaire à celui après avoir fumer un gros joint de cannabis...
Une personnalité WTF à milles lieuses de coller à l'univers de
Tolkien et du peu de description que l'on a du personnage...Mais on sait qu'il est naïf, influençable, seul dans les bois et vit avec les animaux. Pour certains, cette solitude loin de tout signifie forcément "folie" mais en Terre du Milieu on était en droit de s'attendre à un magicien plutôt pacifiste, calme, voir triste, dépressif etc... Le bonhomme se déplace sur un traineaux trainé par des lapins et sort des phasmes de sa bouche...ce n'est pas comme ça que je voyais une relation fusionnel avec la Nature et ses habitants...
Rien que le desing de la maison du magicien,
Rhosgobel, connotait le burlesque. Tout cela résonnerait presque comme un film "Disney" dans l'âme...voir un dessin-animé (visuellement, ça colle)
Bref, tout est là mais en moins bien ,en plus pauvre, en moins authentique.
Le film n'est pas donc pas très palpitant, ou il l' est faussement, et même si quelques plans valent le détour comme le combat des Géants de Pierre, force est de constater que ça crame des minutes pour rien car niveau "histoire" et "enjeux" ça vaut zéro. On se demande ce qui fait que le film est aussi long. Le passage des
trolls et jouissifs mais idem : la duréeeeeeeeeeeeeeeeeeee. Les SFX assurent (normal vu le budget) et c'est forcément sympathique tout ça donc on ne va pas sans cesse cracher dans la soupe. N'empêches qu'on passe de simples costumes pour les "ennemis" à de la performance capture pour le orcs de ce nouveau film de PJ. Ce qui donne Azog ou le Roi Gobelin, tous deux superbement bien animés mais à la texture virtuelle flagrante.
Bilbo est sacrément bon dans son rôle ,
Thorin me parait surjouer un peu (au final je le trouve fade et inexpressif),
Gandalf c'est
Gandalf hein
et le reste fait plus figure de caméo que de vrais personnages incarnés. C'est cela qu'il manque à
The Hobbit: des scènes intimistes, des vraies, comme celle entre
Thorin et chez
Bilbo ! Le manque de profondeur se fait clairement ressentir et ça fait très mal pour un film de fantasy de 2h49 dont le cinéaste a défendu la longueur et la division ente 3 films par "c'est pour donner de la profondeur".
Géographique ,ethnique, géopolitique surement mais intimiste , certainement pas
Blanche-Neige et le chasseur aura eu le mérite de mieux caractériser sa troupe de nains et de transformer un conte pour enfants en un film de fantasy bien plus adulte, sombre et donc plus proche de la "dark fantasy" que de la "high". PJ adapte donc littéralement le roman de
Tolkien et mixe à la fois le ton léger et le ton plus mature qu'il s'impose pour homogénéisé son œuvre (6 films donc). C'était déjà l'ambition de
Tolkien sur
The Hobbit puisqu’il regrettait le coté "conte" une fois le
Seigneur des Anneaux en librairie. Le souci n'est pas le ton ni le mélange de tons mais le manque de consistance, l'absence d'épaisseur et d'intimisme (surtout).
A regarder tous ces screenshots , c'est beau mais trop retouché. On est bien dans l'Imaginaire, dans la fantasy, dans le "rêve" éveillé mais ça amenuise la sensation d'être face à une vraie [i]Terre du Milieu. Quand on regarde les vidéos "making-of", on s'aperçoit que le tournage baignait littéralement dans les fonds verts... magnifique (trop ?)...C'est pourtant voulut et cohérent avec le ton et le principal public visé. The Hobbit est comme une "intro" au SDA. Avec The Hobbit, la photo tient plus de King Kong 2005 que du SDA.
Pour comparaison, voici des screenshots du SDA, un peu plus "naturels", moins "forcés", moins contrastés tout en étant bien évidemment renforcé via la retouche numérique (le grain rajoutait une couche "cinéma" indéniable ce qu'a délibérément mis de côté PJ pour le Hobbit) :
Pour en revenir aux musiques, il s'agit plus d'un copié collé des précédents score que d'un renouveau. On retrouve plusieurs thèmes (celui des Nazguls pendant l’assaut de Thorin sur Azog WTF ?! , le thème des Hobbits, de la Comté) et la majorité des nouveaux ressemblent à s'y méprendre aux plus importants du SDA (celui de Khazad-dûm = le thème dans les bas-fonds de la Montagne, dans la ville des Gobelins quand nos héros se font pourchasser). Cohérence ok mais le dépucelage a déjà eu lieu 10 ans avant donc TOUT parait moins bien , moins surprenant, moins profond et moins authentique que dans The Lord of the Rings.
L'aventure du Hobbit fait un bon 60 ans en arrière et nous montre sensiblement le même voyage (le premier film = la première moitié de la Communauté de l'Anneau) donc PJ ne pouvait pas vraiment jouer la carte du "voyage" dépaysant...Pour limiter la casse, il ne montre peu mais montre "tout" ce qui est dans le roman (même le duel de Géants).
Certaines péripéties assez peu importantes auraient pu être coupées : le temps gagné aurait pu servir à développer les caractères mais le cinéaste préfère faire l'inverse que sur sa trilogie du SDA. Trilogie littéraire qui en contient " trop ", il fallait condenser ; The Hobbit c'est exactement l'inverse. Donc PJ n'a pas vraiment eu le choix...
Concernant la scène des devinettes avec Gollum : superbe MAIS ça n'arrivera jamais à la cheville des scènes schizophrénique du SDA. Visuellement c'est mieux mai l’écriture n'est pas là. Plus le film avance plus on se dit que Pj aurait du adapter The Hobbit avant l'autre trilogie. Étrangement un des points fort du film c'est sa violence relative. Décapitations, bataille bien sombre et glauque avec pleins de cadavres, Gandalf qui tape sur la tête d'un gobelin pour la faire tomber, il éventre même le Roi Gobelin. Dans le roman, plus l’histoire avance plus elle s'assombrit, plus elle prend d'épaisseur donc il y a fort à parier que les prochains opus seront plus intéressants même si l'on constate déjà les rajouts politiquement correct pour attirer la fan base de Legolas et les femmes avec le nouveau personnage interprété par Evangeline Lilly. Peter Jackson a su capté l'essentiel des œuvres de Tolkien mais à tout de même trahi quelques bases fondamentales afin d'y immiscer quelques traits d'humour un peu lourdingue et du spectaculaire là où Tolkien était tout en sobriété. En définitive, on tient là la haut du panorama "fantasy" mais loin d'être un nouveau chef d'oeuvre dans la saga de la Terre du Milieu au cinéma. Il faudra vraiment attendre de se refaire la trilogie au complet pour juger puisque l'ensemble forme un tout, aucun film ne peut se regarder " à part".
Un gros blockbuster sympathique bien foutu mais un peu surfait et qui sonne creux sur bien des points (le background des Nains aurait mérité bien plus de développement). tous les reproches que l'on peut faire à
qui n'aurait quant à lui juste pas du trop l'ouvrir sur le le fait de refaire une trilogie pour mieux développer ses personnages et le background de la
est très en retrait, ce n'est pas pour rien car, dans le film, les non-initiés peuvent franchement s'y perdre entre
soit "Sauron" et qu'il utilise Smaug à ses fins.
°.
Pour finir (vraiment) je dirais que j'ai plus été impressionné par Blanche Neige et le Chasseur (prise de risque, premier film, budget, mise ne scène, univers, mix de genre) que par ce nouveau PJ qui possédait déjà toutes les cartes en mains pour ne pas se viander. Cela dit, je préfère le film
que le bouquin (essentiellement ce qui concerne la narration , le contexte mieux développé et les péripéties un poil mieux gérée, Tolkien n'était pas un pro du suspens, de l'émotion et de la tension ).