MIAMI VICE - Michael Mann (2006)
Parfois, on passe complétement à coté d'une œuvre, soit parce que le résultat ne correspond pas aux attentes que l'on pouvait avoir, ou tout simplement parce qu'elle nécessite de son spectateur une certaine maturité et une compréhension des ambitions de son réalisateur.
J'avoue qu'a la sortie de Miami Vice, j'étais resté dubitatif devant le résultat, que je trouvais certes techniquement maitrisé, mais très léger sur le fond. Autant dire que cette redécouverte est une vraie révélation, comme si je comprenais enfin la vision de Mann et ce qui l'intéresse dans cette histoire de flics undercovers. Bien loin du blockbuster bourré d'action que l'on pouvait attendre au regard d'un budget qui a fini par avoisiner les 200 millions de dollars (l'ouragan Katrina et l’addiction à la cocaine de Farrell n'y sont pas étrangers), le film est une relecture virtuose de la série télé du même nom (derrière laquelle Mann officiait déjà en tant que producteur exécutif et même parfois réalisateur non crédité), doublé d'une radioscopie fascinante du milieu des flics infiltrés dans les réseaux mafieux. Sur ce point, Miami Vice s'éloigne radicalement de la concurrence, en affichant un souci de réalisme et une description quasi documentaire de tout un milieu, là où ce genre de films brosse généralement le portrait de personnages assez caricaturaux.
Aux antipodes de l'imagerie 80's d'un Scarface, Miami Vice est un film très ancré dans son époque, rempli de passages mélancoliques, où l'on ressent bien la force avec laquelle Mann sait dépeindre le spleen urbain de ses personnages. Le scénario s'attache d'ailleurs bien plus à la psychologie des personnages qu'a un enchainement de scènes d'actions et de deals dans les coins hypes de Miami, préférant mettre en avant le coté sombre et dangereux de ce genre de situation, jusque dans les relations amoureuses qui parcourent le film. En effet, alors qu'elles me paraissaient clichés lors de ma première vision, elles sont en fait plus intéressantes qu'il n'y parait et montre à quel point il est difficile pour ces mecs d'entretenir une relation, même si celle entre Colin Farrell et Gong Li occupe bien plus de place. C'est d'ailleurs un des points faibles du film, tout ce qui concerne le personnage de Jamie Foxx est mis de coté pour laisser plus de place à son partenaire.
Niveau technique, Mann est dans la parfaite continuité de Collateral, surtout qu'il décide d'approfondir encore davantage ses expérimentations formelles. Sur ce point, Miami Vice est un film bluffant, réussissant le grand écart parfait entre souci de réalité et sens du cadrage, ce qui donne un résultat à la fois très percutant et visuellement chiadé. Bien sur, un tel parti pris peut rebuter aux premiers abords, car rarement on aura vu une description aussi minutieuse du quotidien de ses flics undercovers, où leurs doutes, leurs paradoxes et leurs sentiments passent bien avant les scènes d'actions. Peu nombreuses, elles sont néanmoins très impressionnantes, encore une fois grâce au soin apporter aux détails et à l'inventivité de la mise en scène, qui transforme un vulgaire gunfight en morceau de bravoure ou un simple deal en un monument de tension. L'utilisation de la HD prend alors tout son sens, outil idéal pour rendre cette histoire à la fois réaliste et ultra cinématographique, avec ce grain très prononcé à faire pleurer les défenseurs de l'image nette à tout prix, et en même temps une profondeur de champ hallucinante.
Coté casting, même si Jamie Foxx est désavantagé par le script, il s'en sort plutôt bien en Ricardo Tubbs. Colin Farrell assure en Sonny Crockett malgré ses problèmes sur le tournage, on sent que c'est le personnage et sa relation avec Gong Li s'avérera au final assez touchante malgré quelques passages où l'émotion fait défaut. On peut dire que ça fait aussi partie du point de vue de Mann, montrer des personnages qui se déshumanisent au fur et à mesure qu'il sombre dans les profondeurs de leurs investigations.
En tout cas, revoir ce film aujourd'hui m'offre une toute nouvelle perspective, moi qui le considérait jusqu’à récemment comme un film mineur et désincarné, alors que c'est en fait un film important dans la carrière de son auteur. Un auteur qui s'impose également comme un expérimentateur de génie dans une industrie où le conformisme est chaque jour plus grand , et rien que pour ça, Miami Vice est un film indispensable !
8,5/10