Modérateur: Moviewar
dunandan a écrit: Puis j'oubliais de dire que Logan me faisait penser à Burton avec sa méchanceté légendaire concernant certains films/réalisateurs/acteurs
"Pour être bon, il faut se sentir en colère"
L’attaquant suédois du PSG se décrit comme un éternel insatisfait et explique en quoi il faut y voir un ressort capital de son parcours réussi, même s’il lui manque encore le plus beau des trophées en club, la Ligue des champions.
Hier, salle de presse du Camp des Loges. Au bout de vingt minutes d’interview en tête à tête, un cri d’enfant jaillit dans la pièce d’à-côté. Zlatan Ibrahimovic esquisse un sourire : « C’est mon fils, il commence à s’énerver parce que je ne sors pas d’ici. » Avant de rejoindre son hôtel au cœur de la capitale, l’attaquant suédois restera encore une dizaine de minutes. En exclusivité pour L’Équipe, Ibra s’est confié avant le grand retour du PSG en Ligue des champions, demain soir, face au Dynamo Kiev, huit ans après la dernière apparition du club parisien en C 1. L’attaquant vedette du Championnat de France évoque ici la dimension enragée de sa personnalité, tout en répétant son goût pour la simplicité. En une phrase, il se résumera : « Je n’aime pas l’idée de perfection. » Entretien avec un crack.
« VOUS RENDEZ-VOUS compte que vous impressionnez tout le monde en France ?
– Ah, O.K… Si je comprends bien, ça veut dire que je n’étais pas bon avant de venir en France… (Il rit.)
– Si, mais disons qu’on vous voyait moins souvent jouer.
– Oui, je comprends. Je ne sais pas trop quoi répondre, à part que je suis venu ici pour rester fidèle à ma façon de jouer. Je fais mon job. Après, les commentaires des uns, les articles des autres, il y en aura toujours et partout. Ce qui m’importe, c’est que mes coéquipiers et mon entraîneur soient satisfaits de mon travail. S’ils sont contents, je suis content. Le reste, l’environnement, disons que ça fait partie de ce métier…
– Vous avez joué dans certains des plus grands clubs du monde. Du haut de cette expérience, où situez-vous le niveau actuel du PSG ?
– Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore la Juventus, l’Inter Milan ou Barcelone. Mais il y a ici un gros potentiel pour atteindre un jour leur dimension. Il y a de la qualité dans notre équipe. Ce qui manque à Paris, c’est cette habitude de remporter des titres importants. Mes précédents clubs sont des équipes qui gagnent. Le PSG, lui, n’a pas gagné un titre de champion depuis très longtemps (1994). Il faut d’abord commencer par gagner un tel trophée, comme Manchester City vient d’y parvenir cette année. Il y a trois ans, City c’était quoi ? Rien. Personne ne s’intéressait à eux. Maintenant, ils se sont mis à gagner et ils font parler d’eux. Paris doit suivre le même chemin. Les gros clubs ont pour devoir de gagner. C’est ce que les gens attendent d’eux. Mais la victoire ne vient pas d’un coup de baguette magique. Cet été, Thiago Silva, Lavezzi, Verratti et moi, on a signé ici. Or, nous sommes quatre joueurs appelés à jouer régulièrement dans cette équipe. Ce n’est pas rien, quatre joueurs sur onze. Car une équipe, c’est comme une machine avec des rouages. Quand vous changez plusieurs pièces, il faut un peu de temps pour que la machine se mette à bien tourner.
– À vous écouter, il semble prématuré de classer le PSG parmi les postulants, dès cette saison, à une victoire en Ligue des champions ?
– À mes yeux, il ne faut pas forcément se focaliser sur la Ligue des champions. Le plus important, ce qui est capital même, c’est de remporter le Championnat de France. Quand vous asseyez votre domination dans votre propre pays, après vous pouvez penser à l’exporter en Europe. Cette saison, on fera de notre mieux en C 1. Mais il ne faut pas oublier qu’on a de bons adversaires dans notre groupe, à commencer par le Dynamo Kiev, qu’on reçoit cette semaine. Et nous avons aussi plusieurs joueurs, dans notre effectif, qui n’ont jamais disputé le moindre match de Ligue des champions. Pour eux, comme pour l’ensemble du club, cette C 1 va apporter une grosse expérience. Quand vous n’avez pas joué la “Champions’” depuis huit ans, ça ne peut pas être facile, ça ne peut pas se faire d’un claquement de doigts. Chaque joueur devra hausser son niveau.
– C’est aussi l’expérience de Manchester City, éliminé l’an passé dès le premier tour, qui vous rend un peu prudent ?
– Attention, attention, je veux gagner la Ligue des champions ! Mais prenons les choses match après match, étape après étape. Quand City a été sorti au premier tour l’année dernière, ça ne voulait pas dire que ce n’était pas une bonne équipe. Il leur manquait simplement l’expérience de cette compétition. Je ne dirais pas qu’il leur a manqué de la chance parce que, pour moi, la chance n’existe pas : ou tu es bon ou tu n’es pas bon. Ce manque d’expérience touche aussi le PSG, mais ça ne nous empêche pas de croire en nous.
– Personnellement, la Ligue des champions incarne-t-elle une compétition frustrante ?
– J’ai gagné tous les titres possibles, sauf celui-là. Je me dis que si je le remporte un jour, tant mieux. Mais si je n’y parviens pas, cela ne voudra pas dire que j’ai raté ma carrière. D’ailleurs, il y a un phénomène dans le football, “O Fenomeno”, qui ne l’a jamais gagné. Il est brésilien et s’appelle Ronaldo. Je ne pense pas qu’on puisse dire qu’il a foiré sa carrière… Moi, je me dis que si je le gagne, ce ne sera pas parce que Zlatan aura été le meilleur, mais parce que mon équipe aura été la meilleure. C’est ça, la Ligue des champions.
– C’est une compétition que vous auriez pu gagner avec Barcelone si vous n’y étiez pas resté qu’une seule saison (2009-2010)…
– Oui, bien sûr. Je savais que je quittais le favori de cette compétition. Mais, en partant pour l’AC Milan, j’ai fait le choix d’être heureux. Rester à Barcelone, c’était être sûr de gagner, mais aussi d’être malheureux. Je l’avais déclaré à l’époque, en quittant le Barça : “Je quitte la meilleure équipe du monde, mais je pars parce que j’ai décidé d’être heureux.”
– Quel souvenir gardez-vous de cette unique saison au Barça ?
– Dans ma carrière, cela restera une saison à part. Les six premiers mois à Barcelone ont été fantastiques. Puis, quelque chose s’est produit. Encore aujourd’hui, je me demande d’ailleurs ce qu’il s’est passé. Je n’ai pas la réponse, et peut-être ne l’aurai-je jamais. Mais peu importe. J’ai beaucoup appris là-bas, notamment que, dans le football, tout pouvait très vite changer. Parfois, même, en l’espace d’à peine vingt-quatre heures…
– Est-il vrai que la cohabitation entre Messi et vous était devenue impossible ?
– C’est une question pour l’entraîneur. Moi, où que j’aille, je fais mon job. Mais si un club m’achète 17 M€ (en fait 50 M€) et ne me fait pas jouer, c’est son problème, pas le mien. Peut-être que, quand une personne se décidera à ouvrir sa bouche, on comprendra ce qu’il s’est passé. Cette personne, bien sûr, c’est Guardiola. Moi, je dirai juste une chose : un plus un, ça ne fait pas onze, ça fait deux… C’est simple, non ?
– De quel entraîneur avez-vous le plus appris ?
– De Fabio Capello (à la Juventus Turin) et José Mourinho (à l’Inter Milan). Capello pour la discipline et la mentalité. Mourinho, parce qu’il est d’une nouvelle génération “vierge” des méthodes de… Capello. Capello, il est plus old school. Travailler dur, avoir une discipline de fer, bosser la tactique. Mourinho est le même sur le fond, mais il est plus jeune et a une approche différente.
– Dans votre autobiographie (*), vous racontez que Capello, à la Juventus, vous avait demandé de développer votre instinct de tueur.
– Oui, c’est quelque chose qui s’apprend. Quand j’étais plus jeune, mon souci était d’abord de développer un beau jeu. Capello m’a dit : “Dans ta position, tu dois d’abord penser à marquer. Tu ne marques pas assez de buts. Pour moi, le plus important est de marquer, pas de jouer bien.” C’est en ça que Capello est de la vieille école. Mourinho, qui appartient à une nouvelle génération, te demande aussi de marquer des buts mais en jouant bien. Elle est là, la différence entre eux.
– Vous ne seriez donc pas un “tueur-né” ?
– Je vous le répète, si on n’a pas ça en soi, ça s’apprend. Que vaut Pippo Inzaghi, par exemple, en tant que footballeur ? Ce n’est pas vraiment un footballeur. Mais il possède un énorme instinct de tueur devant le but. C’est sa qualité. Capello, lui, trouvait que j’étais un footballeur fantastique mais que je devais être plus efficace face au but adverse. Donc il m’a forcé à m’entraîner pendant des heures et des heures pour que je m’habitue à frapper et à marquer plus de buts. Cette méthode visait à me mettre en tête que le but était ma mission essentielle.
– L’obsession du but rend-elle un avant-centre un peu fou ?
– Pour bien jouer, j’ai besoin d’être fou. Pour marquer des buts, c’est autre chose. Cela dépend notamment de la performance de votre équipe. Quand vous marquez, c’est toujours grâce à vos coéquipiers.
– Physiquement, vous êtes très puissant…
– (Il coupe.) On est d’accord ! (Il rit.)
– Vous possédez également de grandes qualités techniques. La dimension esthétique du jeu garde-t-elle une importance à vos yeux ?
– Au début de ma carrière, je cherchais plus à être spectaculaire. Désormais, je pense d’abord à ce que je dois faire pour gagner le match, car telle est la finalité. Chaque joueur a son style, sa personnalité, son caractère. J’aime faire la différence. J’aime être celui que les gens regardent en se disant : “Merci”. C’est pour ça que je m’entraîne dur chaque jour. Je ne suis qu’un joueur parmi vingt-deux au PSG. Mais disons que quand c’est moi qui fais quelque chose de bien, ça se voit un peu plus. Et si je devais faire quelque chose de mal, ça se verrait encore plus. (Il sourit.)
– En faisant souvent référence à vos coéquipiers, vous battez un peu en brèche l’image du Zlatan qui se considérerait comme plus important que son équipe…
– Mais qui dit ça ?
– C’est une image que vous avez laissée dans les précédents pays où vous avez joué.
– Les gens parlent de ce qu’ils veulent. Ils me jugent sans même me connaître. Mais ça fait partie du folklore, j’aime ça. Plus ils écrivent de conneries, mieux c’est. Parce que ça me donne plus d’énergie et plus d’adrénaline pour faire encore mieux sur le terrain. Je ne cherche pas à être parfait. Je n’aime pas, d’ailleurs, l’idée de perfection. Pour moi, personne n’est parfait. Celui qui se dit parfait, c’est la plus grosse merde… (Il sourit.)
– Vous vous nourrissez des controverses que vous pouvez susciter parfois ?
– Si je commence à me détendre, ce ne sera pas bon. Quand vous êtes satisfait de vous-même, vous vous endormez. Pour être bon, il faut se sentir en colère. J’ai besoin d’avoir une rage en moi pour être bon sur le terrain.
– Parlez-vous beaucoup sur le terrain ?
– Je crie beaucoup… (Il sourit.)
– Peut-on vous comparer à une rock-star en crampons ?
– Non, je suis un footballeur. Je suis ici pour jouer et faire de mon mieux. Après, comment dire ? Je suis né comme ça. Je mesure 1,96 m, je pèse 100 kg. C’est Dieu qui m’a façonné ainsi. Si j’en suis là, aussi, c’est grâce aux joueurs que j’ai côtoyés tout au long de mon parcours. Je me souviens de vos compatriotes Patrick Vieira et Lilian Thuram. Je les voyais s’entraîner comme des fous tous les jours. Si vous vous considérez comme un monstre à part, vous perdez cette envie de vous faire mal à l’entraînement. Moi, quand j’étais à la Juventus, je regardais tous ces grands joueurs suer chaque jour et je me disais : “S’ils s’entraînent si dur, pourquoi ne le ferais-je pas également ?” Je voulais devenir comme eux, alors je devais faire comme eux.
– Mais sentez-vous que vous êtes perçu comme un joueur différent ?
– Non, je suis simplement moi-même. Je sais que j’ai de grandes responsabilités ici, mais ce n’est pas pour ça que je plane à dix mille mètres d’altitude. Je garde les pieds sur terre. Dans le football, entre la gloire et les gros contrats, on peut facilement perdre la tête. Quand je dis que je n’oublierai jamais d’où je viens, ce ne sont pas des paroles en l’air. Comme je l’ai dit dans mon autobiographie, vous pouvez sortir un gars du ghetto, mais vous ne pouvez pas sortir le ghetto du gars.
– Comment jugez-vous la Ligue 1 ?
– Elle est difficile. Elle n’est pas moins forte que les autres Championnats. Physiquement, ici, tout le monde est puissant et balèze comme moi. Je n’y étais pas habitué ! (Il sourit.) C’est un paramètre auquel je dois m’adapter. Et puis, je constate que tout le monde est très motivé pour battre Paris. Dans les yeux des gens, je ne dis pas des footballeurs, mais des gens autour, je sens comme un désir très fort de faire tomber ce Paris-là, qui suscite tant de commentaires. Les gens ne veulent pas voir Paris tout rafler, ils veulent qu’il échoue. En Angleterre, Chelsea a suscité ces sentiments quand Roman Abramovitch est arrivé (en 2003). Mais pour moi, cette atmosphère est très positive. Elle stimule encore plus. Les gens doivent bien se rendre compte que le PSG est en train de donner une dimension internationale à la L 1. Si ce n’est pas ce club, qui va y parvenir ? Montpellier ? Grâce à Paris, le Championnat de France devient une compétition importante.
– Qui sera le principal rival de Paris dans la course au titre ?
– Je ne sais pas. Jusqu’ici, le Championnat est très serré. Mais il n’y a eu que cinq journées. Après six mois, on y verra plus clair. Les équipes qui lutteront pour le titre seront celles qui auront les effectifs les plus costauds. Dix bons joueurs, ça ne suffit pas pour aller loin. Il en faut vingt-deux. Là, vous avez du matériel.
– Regardez-vous beaucoup de matches à la télévision ?
– Non, je ne regarde que les matches les plus importants, genre une finale de Coupe du monde. J’ai déjà la tête au football plusieurs heures par jour, je peux presque dire que je mange du football pendant mes repas. Alors, quand je n’ai pas d’obligations, je cherche à me reposer et à m’aérer l’esprit. Pour ça, Paris est une capitale fantastique. C’est vraiment une ville énorme, que je ne connaissais pas avant de signer ici. J’adore le côté international de Paris, beaucoup plus développé qu’à Milan et Barcelone. Il y a des Starbucks, plein de magasins.
– En France, on n’était pas habitué à voir une star de votre dimension…
– (Il coupe.) Mais ça vous fait plaisir ou pas ?
– Oui.
– Sérieusement, je vous demande ça parce que ça ne fait pas plaisir à tout le monde, ce que le PSG est en train de construire. Même des hommes politiques font des commentaires négatifs, parfois…
– C’est votre salaire – 14 M€ nets d’impôts par an – qui a un peu créé la polémique...
– Pour avoir de la qualité, il faut mettre le prix, non ? La qualité n’est pas gratuite. Et puis, pourquoi toutes ces critiques ? Après tout, cet argent va générer plus d’impôts pour la France. Donc les politiques devraient plutôt être contents, non ? C’est très étrange, tout ça… Vous savez, l’argent, j’en avais déjà beaucoup gagné avant de venir ici. Je suis venu à Paris pour le défi proposé. Après, c’est vrai, il y a un marché. Vous, en tant que journaliste, vous ne quitterez pas L’Équipe pour aller gagner 500 € de moins dans un autre journal. C’est pareil dans le football. Quand vous partez, c’est pour gagner au moins autant. Thiago Silva, il gagne ici ce qu’il aurait gagné à Milan. C’est donc que c’est le challenge sportif qui l’a attiré. Pour moi, c’est pareil. Je ne cours pas après l’argent. Même si j’arrêtais ma carrière aujourd’hui, je pourrais très bien vivre jusqu’à la fin de mes jours.
– Avez-vous une idole ?
– Oui. Muhammad Ali. Ce que j’adorais chez lui, c’est qu’il disait à l’avance ce qu’il allait faire, comment il allait battre un adversaire. Il parlait, il faisait. C’est mieux que tous ces gens qui parlent et qui ne font rien derrière. Ou que ceux qui font et qui parlent après. Dans le football, le seul joueur qui pouvait m’amener à allumer la télé le soir pour regarder du foot, c’était Ronaldo. Ce qu’il réalisait était merveilleux.
– Capello vous a souvent comparé à Marco Van Basten.
– Oui. Pour moi, Van Basten est une légende, il a marqué l’histoire du football. Dire qu’il a arrêté sa carrière assez tôt (à 30 ans)… Imaginez s’il avait joué encore plus longtemps... On ne compare pas les légendes. Mais être comparé à lui, bien sûr, je le prends comme un compliment.
– On a le sentiment que vous ne serez jamais zen dans votre vie. Est-ce le cas ?
– Je ne le serai jamais, en effet. J’aurai toujours une colère en moi. C’est mon problème. Je ne suis jamais satisfait. Je veux toujours plus. Mais c’est aussi cette rage qui a fait ce que je suis devenu aujourd’hui.
– Comment vous imaginez-vous après le football ?
– J’ai deux petits garçons. Je dois les élever tout en menant une vie simple, pas celle d’une rock-star.
– Pour vivre dans une villa au milieu de l’île que vous avez achetée en Suède ?
– Mais je n’ai jamais acheté une île ! Les gens qui ont écrit ça là-bas n’ont jamais cherché à le vérifier auprès de moi. Mais bon, tout cela fait partie d’un jeu. C’est comme vous, je sais bien que vous risquez de faire votre gros titre sur mon salaire. C’est comme ça, pas de problème. Si vous êtes heureux, je suis heureux aussi… (Il sourit.) »
ALEXANDRE CHAMORET et DAMIEN DEGORRE
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