Sorti peu après
The Fighter, impossible de ne pas comparer ces deux films, qui décrivent deux luttes fraternelles transcendées par le sport de combat. Il s'agit pourtant de deux histoires très différentes, d'abord l'art-martial abordé, l'UFC (rarement traité, ici bien reproduit sans tomber dans le ridicule), et surtout la dynamique du film, puisque finalement les deux frères ne se croisent quasiment jamais jusqu'au combat final (à part la scène centrale du stade à mi-parcours), car divisés par un vieux trauma familial alimenté en grande partie par leur père ex-alcoolique. Ainsi, le ton donné n'est pas le même.
Warrior me fait penser à une version moderne du gladiateur/chevalier, une reprise du schéma mythologique de deux frères aux antipodes et aux causes différentes qui auront à se retrouver sur le ring pour régler leurs problèmes ou défendre leur idéal. Tandis que
The Fighter est bien plus un drame familial empruntant la boxe comme fil conducteur interchangeable. L'histoire est simple mais efficace et reprend des éléments classiques : rédemption, fierté, nouvelle définition du héros moderne. Mais en arrière-plan beaucoup de choses se déroulent mine de rien, et sans tomber dans le misérabilisme : la revalorisation d'un sport marginalisé par une vision puritaine et conservatrice, les conséquences de la crise financière récente, ou encore la critique contrastée de l'armée héritée du 09/11.
Mais ce que je retiens surtout dans
Warrior par rapport à
The Fighter, bien sûr, ce sont les combats. Non seulement de qualité, ils sont très nombreux, et occupent une bonne moitié du film. On y retrouve une sincère rage de vaincre, la sueur des empoignades, l'hystérie des supporters, et des commentateurs mi-figue mi-raison pour ces deux inconnus du circuit. Le style des deux frères est parfaitement retranscrit à l'écran. L'un est une brute épaisse, efficace, qui se bat dans l'ombre, animal blessé et enragé traînant un lourd passé difficile à extraire de sa mémoire. L'autre incarne un gars normal, rangé, et facilement identifiable avec le spectateur lambda, entouré par des gens qui l'aiment. Ce dernier n'est pas à la base un exceptionnel combattant, mais on lui enseigne à investir l'espace au rythme génial de la 9ème symphonie de
Beethoven. Ce qui est par ailleurs parfaitement réaliste, les vainqueurs n'étant pas forcément les plus forts physiquement mais aussi les plus intelligents. Ces deux personnages sont traités à égalité, et leur opposition ne devient jamais trop manichéenne : ils ont chacun leur raison de gagner. L'entraînement, tourné en
split screen, est un bon moment de mise en scène qui rappelle la force des
Rocky bien qu'on aurait aimé plus de détails. Un morceau de bravoure qui occupe toute la seconde partie du film avec pratiquement trois-quart d'heures de combat. Dommage par contre que les adversaires soient assez anecdotiques.
Tout comme dans
The Fighter, le casting est de qualité, en tête un Nick Holte poignant en alcoolique repenti, et ceux interprétant les frères, Hardy jouant sur la rage rentrée, et Edgerton devenant de plus en plus intéressant dans son parcours. La caméra se fait intimiste hors du ring, spectaculaire et immersive durant les combats. Nous sommes gâtés par les films de boxe ces dernières années en rajoutant
Rocky Balboa au compteur, avec quand même une préférence de coeur pour ce dernier. Ce qui les parachève tous les trois comme des classiques fédérateurs, c'est cette fin coup-de-poing qui relève des hommes blessés par la vie à la force du poignet et surtout de la volonté.