Qui a Peur de Virginia Woolf ?, Mike Nichols (1967)
Une belle claque. Un film qui devrait être projeté à l'intention des nouveaux mariés ... Le défi était pourtant élevé : faire tenir quatre personnages durant plus de 2h00 pratiquement en huis-clos, tournant uniquement autour de disputes de couples. Un sujet peu intéressant en soi, mais sublimé par le réalisateur et son équipe.
La manière dont ce thème est traité me rappelle un peu le cinéma de Mankiewicz, qui lui aussi aime mettre à mal l'institution du mariage et ses mirages, notamment dans Chaînes conjugales (puis il faut remonter aux Noces rebelles pour retrouver un tel panache dans cette peinture de moeurs). Mais ici c'est bien plus noir et grinçant, également drôle mais dans un sens désespéré, tour à tour touchant ou pathétique (à ce sujet, la scène de danse est mémorable). Les premières minutes donnent pourtant l'illusion d'une belle soirée qui commence avec une petite musique mélancolique et les motifs bucoliques de la nuit, mais dès qu'on arrive à la maison des deux personnages principaux, le contraste est frappant : les disputes s'enchaînent, les joutes de méchanceté rivalisent entre-elles, entraînant un jeune couple - à titre de détonateur car ils se reconnaissent beaucoup de similarités - dans ce cycle infernal de cynisme et de délations (réelles ou fausses on a souvent un petit doute), jusqu'à faire éclater chaque petite muraille illusoire que le mariage a construit, un verre à la main, promesse d'un bon moment ici transformé en cauchemar vivant (c'est vraiment magique de voir chaque personnage se bourrer la gueule, et se lâcher littéralement sur tous les aspects).
Chacun en prend pour son grade, et tous les intérêts pratiques qui se meuvent derrière cette vieille formule du couple stable sont dévoilés, balayés le temps d'une salve verbale, dont la formulation est bien sûr facilitée par la présence d'alcool. On est bien loin du conte de fées ou de la représentation romantique conventionnelle du sentiment amoureux. Pour préserver l'intensité de ces séquences, et plus encore pour justifier cette montée en escalade de la violence inter-relationnelle, il y a une chouette scène où les hommes et les femmes font bande à part, partagent des secrets, une véritable dynamite qui sera délivrée de part et d'autre, peu importe la gravité de la vérité à émettre, jusqu'à ce qu'enfin l'abcès soit percé, et les consciences apaisées mais épuisées. Pour terminer, le dénouement est absolument magnifique, un bref mouvement d'espoir se confondant avec la montée du jour, et qui tamise légèrement ce déferlement d'affirmations blessantes pour chacun. Cette dernière scène montre simplement que tout n'est pas vain dans la relation conjugale, qu'il existe quelque chose d'inébranlable et vrai et qui justifie cette dernière malgré tout. Mais le lendemain sera tout de même très difficile.
Le casting est roi dans ce film et une énergie folle se dégage de ce quatuor, particulièrement Elisabeth Taylor et Richard Burton, au sommet de leur art. Elle interprète un personnage hystérique, aguicheuse et vénéneuse. L'attention est d'abord concentrée sur elle, alors que son mari paraît plus timide et en retrait, mais va s'avérer tout aussi terrible, voire pire que sa compagne. Les deux autres, au contact de l'alcool, vont également faire tomber leur masque poli après quelques verres : le type malgré les apparences se révèle plus faible voire impuissant, tandis qu'il devrait tenir sa femme car elle devient une sacrée nunuche. Bref aucune génération traitée n'est épargnée sous l'oeil du cinéaste. Le texte n'apparaît jamais théâtral ou récité (bien que ce soit adapté d'une pièce de théâtre), ce qui est essentiel, s'agissement justement d'un film de dialogues. Le N & B est vraiment magnifique, rare pour l'époque, et adapté à l'ambiance nocturne et au dévoilement d'une facette peu reluisante de l'humain. Enfin, la mise en scène est dynamique et variée, mettant en évidence les rapports de force et l'interprétation démentielle des acteurs, et permet aussi d'éviter le côté statique de ce type d'essai.
La manière dont ce thème est traité me rappelle un peu le cinéma de Mankiewicz, qui lui aussi aime mettre à mal l'institution du mariage et ses mirages, notamment dans Chaînes conjugales (puis il faut remonter aux Noces rebelles pour retrouver un tel panache dans cette peinture de moeurs). Mais ici c'est bien plus noir et grinçant, également drôle mais dans un sens désespéré, tour à tour touchant ou pathétique (à ce sujet, la scène de danse est mémorable). Les premières minutes donnent pourtant l'illusion d'une belle soirée qui commence avec une petite musique mélancolique et les motifs bucoliques de la nuit, mais dès qu'on arrive à la maison des deux personnages principaux, le contraste est frappant : les disputes s'enchaînent, les joutes de méchanceté rivalisent entre-elles, entraînant un jeune couple - à titre de détonateur car ils se reconnaissent beaucoup de similarités - dans ce cycle infernal de cynisme et de délations (réelles ou fausses on a souvent un petit doute), jusqu'à faire éclater chaque petite muraille illusoire que le mariage a construit, un verre à la main, promesse d'un bon moment ici transformé en cauchemar vivant (c'est vraiment magique de voir chaque personnage se bourrer la gueule, et se lâcher littéralement sur tous les aspects).
Chacun en prend pour son grade, et tous les intérêts pratiques qui se meuvent derrière cette vieille formule du couple stable sont dévoilés, balayés le temps d'une salve verbale, dont la formulation est bien sûr facilitée par la présence d'alcool. On est bien loin du conte de fées ou de la représentation romantique conventionnelle du sentiment amoureux. Pour préserver l'intensité de ces séquences, et plus encore pour justifier cette montée en escalade de la violence inter-relationnelle, il y a une chouette scène où les hommes et les femmes font bande à part, partagent des secrets, une véritable dynamite qui sera délivrée de part et d'autre, peu importe la gravité de la vérité à émettre, jusqu'à ce qu'enfin l'abcès soit percé, et les consciences apaisées mais épuisées. Pour terminer, le dénouement est absolument magnifique, un bref mouvement d'espoir se confondant avec la montée du jour, et qui tamise légèrement ce déferlement d'affirmations blessantes pour chacun. Cette dernière scène montre simplement que tout n'est pas vain dans la relation conjugale, qu'il existe quelque chose d'inébranlable et vrai et qui justifie cette dernière malgré tout. Mais le lendemain sera tout de même très difficile.
Le casting est roi dans ce film et une énergie folle se dégage de ce quatuor, particulièrement Elisabeth Taylor et Richard Burton, au sommet de leur art. Elle interprète un personnage hystérique, aguicheuse et vénéneuse. L'attention est d'abord concentrée sur elle, alors que son mari paraît plus timide et en retrait, mais va s'avérer tout aussi terrible, voire pire que sa compagne. Les deux autres, au contact de l'alcool, vont également faire tomber leur masque poli après quelques verres : le type malgré les apparences se révèle plus faible voire impuissant, tandis qu'il devrait tenir sa femme car elle devient une sacrée nunuche. Bref aucune génération traitée n'est épargnée sous l'oeil du cinéaste. Le texte n'apparaît jamais théâtral ou récité (bien que ce soit adapté d'une pièce de théâtre), ce qui est essentiel, s'agissement justement d'un film de dialogues. Le N & B est vraiment magnifique, rare pour l'époque, et adapté à l'ambiance nocturne et au dévoilement d'une facette peu reluisante de l'humain. Enfin, la mise en scène est dynamique et variée, mettant en évidence les rapports de force et l'interprétation démentielle des acteurs, et permet aussi d'éviter le côté statique de ce type d'essai.
Le must du film de couples et de ses illusions les plus persistantes, à la fois noir, cynique, mais aussi touchant avec une once d'espoir qui tient comme un fil, et parachève le tout comme un chef d'oeuvre. Sans oublier l'interprétation et la réal' qui transcendent le contenu théâtral.