Duel 7/10
Duel n’est et ne sera jamais le monument d’angoisse et de stress vanté par les hordes de fans aveuglés.
Le téléfilm de Spielberg n’est ni plus ni moins qu’un exercice de style ébouriffant ou la réalisation aura transcendé un pitch volontairement minimaliste extrait d’une nouvelle publiée dans Playboy. Je veux dire par là, qu’au-delà de la légende du téléfilm devenu film d’exploitation, Duel se présente plutôt comme une carte de visite, visuellement inattaquable, ou le réalisateur aura surtout montré qu’il peut être débrouillard et inventif malgré les contraintes d’un budget et d’un planning serré. Etalé sur 90 minutes, le film de Spielberg propose un rythme alerte avec une mise en situation quasi immédiate faisant de Duel l’une des poursuites les plus longues et les plus intenses du cinéma. Sur le papier en tout cas. Car à chaque fois que j’ai enclenché la VHS, le dvd zone1 ou encore le zone 2 (putain de redoublage français), je me suis posé la même question. L’ennui ne va-t-il pas poindre au bout d’un moment ? L’impressionnante maitrise du jeune Spielberg fait que l’on est immédiatement happé par cette histoire démarrant pied au plancher. Il soigne donc sa copie avec une réalisation tout aussi novatrice qu'old school (la façon « horrifique » de filmer le camion et les plans serrés « hitchcockiens » accentuant la pression sur l’acteur). La montée en puissance du suspense culmine à mi parcours lors de la séquence du restaurant, celle là même qui ne met justement pas en scène la Plymouth rouge et le terrible camion rouillé. Echoué dans un dinner miteux, Dennis Weaver tente de découvrir l’identité de son agresseur. La paranoïa ambiante se matérialise par le biais de nombreuses expérimentations, un plan séquence artisanal, une voix off entêtante et de nombreux plans serrés anxiogènes. Passé ce segment que n’aurait pas renié Hitchcock, le film repart sur les mêmes bases entretenant ainsi un début de lassitude. Ce qui est sur le point de devenir le duel annoncé par le main title se transforme alors en poursuite balisée surfant sur les somptueux acquis déployés lors la première partie. L’impression d’assister à une redite des trois premiers quarts d’heures commence à agacer et ce n’est pas la séquence avec le bus scolaire qui changera la donne. Spielberg met donc en place son affrontement final au fur et à mesure que les deux véhicules s’enferrent dans la montagne tout en faisant toujours joujou avec sa caméra. La musique stridente et hypnotique arrive, malgré tout, à entretenir l’intérêt d’une conclusion spectaculaire mais connue depuis les toutes premières secondes du film.
Malgré vingt dernières minutes assez vaines, Duel vieillit donc correctement. L’histoire reste encore et toujours un pari cinématographique gonflé. La réalisation montre que le jeune Spielberg n’était déjà pas un manchot et la chose se confirmera sur l’extraordinaire Jaws. La voie du suspense empruntée par le réalisateur (Duel, Sugarland et Jaws) sera, malgré tout, torpillée par son intérêt pour le merveilleux et les gentils aliens niaiseux.