L'Enfant du diable (The Changeling), Peter Medak, 1980
Grosse claque que ce film de fantômes assez méconnu (il n'existe aucune édition DVD en France) mais pourtant incroyablement réussi et envoutant.
The Changeling (le titre original est beaucoup plus pertinent que son titre français puisqu'il n'est nullement question de diable ici) est un film qui se situe dans la tradition des grands classiques du film de maison hantée tels que
La Maison du Diable ou
Les Innocents, avec qui il partage le même goût pour le suggéré et la subtilité de ses effets horrifiques. Mais c'est aussi une œuvre matricielle, dans laquelle on retrouve bon nombre d'éléments qui ont influencés les films de fantômes ultérieurs. On pense évidemment à
The Others d'Amenabar pour l'ambiance générale (d'ailleurs le gardien de la maison se nomme Tuttle, le même nom que celui du jardinier du film d'Amenabar, un hommage évident), mais aussi à
L’Échine du diable de Del Toro pour le fantôme enfant,
Fragile de Balaguero pour l'infirmité du fantôme (cf la chaise roulante, utilisée comme élément horrifique à part entière), et même
Ring de Nakata pour la scène où George C. Scott recherche les restes de l'enfant dans un puits sous une maison. Tout cela donne le sentiment de voir avec
The Changeling un film somme, une référence où tous les éléments du genre sont présents, pour le plus grand plaisir des amateurs de film de maison hantée.
Réalisé par Peter Medak, un réalisateur qui ne s'illustrera guère par la suite au cinéma (on lui doit notamment
La Mutante II...),
The Changeling offre pourtant une mise en scène de grande classe, totalement au service de la mise en place d'une atmosphère horrifique, mais sans pour autant user et abuser d'effets faciles et gratuits (ici, pas de jump-scares par exemple). Excepté lors du final, où le réalisateur se lâche un peu et ose des effets spectaculaires, le film est d'une sobriété exemplaire et se charge nous effrayer par des bruits, des cadrages (le nombreux plans en plongée du haut de l'escalier), des détails dans l'image, ou encore en étirant des scènes afin de nous faire retenir notre souffle (la découverte de la chambre condamnée). On ne voit d'ailleurs jamais le fantôme, ou du moins pas des apparitions fantomatiques comme on en trouve dans des ghosts-movies plus récents ou dans les yurei-eigas, ici le spectre se manifeste de façon plus détournée, par des objets (la chaise roulante, la balle), l'usage d'une caméra subjective, des visions du passé ou encore les grands classiques que sont la séance de spiritisme ou la bande-magnétique (scène d'ailleurs bien flippante de par la voix de l'esprit). Medak exploite merveilleusement la maison du film : déjà la bâtisse est inquiétante en elle-même, mais en plus le réalisateur la filme toujours dans le but de la rendre plus menaçante, que ce soit de l'extérieur ou de l'intérieur. Ce n'est certes pas au niveau stratosphérique d'un
Shining, mais c'est incontestablement bien au-dessus de la plupart des films du genre en terme de gestion de l'espace et d'utilisation du potentiel horrifique de la maison.
En plus de disposer d'une réalisation formidable qui nous immerge dans cette maison hantée, le film de Medak se permet également d'offrir un scénario tout-à-fait intéressant, loin de se limiter à une simple histoire de fantômes vengeurs. Si la première partie est clairement axée sur le côté horrifique propre aux ghosts-movies, la suite délaisse un peu cet aspect au profit d'une enquête qui amènera les personnages à découvrir l'identité de cet enfant, et le terrible secret derrière sa mort. Tout cela est très bien amené, le film nous envoie d'abord sur une fausse piste, pour ensuite nous réorienter vers la vérité et nous surprendre lorsque toutes les pièces du puzzle se mettent en place. Cette intrigue est remarquablement servie par un casting excellent, en tête duquel on retrouve le grand George C. Scott. L'inoubliable interprète de Patton campe ici un personnage dévasté par la mort de sa femme et de sa fille, et qui tente de surmonter sa douleur en commençant une nouvelle vie dans une nouvelle maison, et en se consacrant totalement à ses activités de musicien. L'acteur exprime à merveille la détresse de cet homme (cf la scène où il s'effondre en pleurs dans son lit), et sa détermination à faire éclater la vérité. Il est tout aussi juste dans les scènes de terreur, où on sent un mélange d'effroi et de résignation puisque c'est un homme qui a déjà tout perdu. Il pourra compter sur l'aide d'une amie, interprétée par Trish Van Devere, qui joue ici le rôle d'appui moral pour le héros et une alliée inestimable dans son enquête. Face à eux, on retrouve, dans un de ses derniers rôles, Melvyn Douglas, dans la peau d'un sénateur énigmatique. Enfin, comment ne pas évoquer la bande-son, et la musique magnifique de Rick Wilkins dont le thème au piano obsédant participe énormément à l'ambiance si immersive du film.
Un film que je considère comme un chef d’œuvre absolu du film de fantômes, et qui vient immédiatement se glisser dans mon top 5 du genre, aux côtés de
Shining,
Dark Water,
Les Innocents et
The Others. Une œuvre brillante dans sa gestion de l'horreur et émouvante dans le drame humain qu'elle nous conte. Un film que les amateurs du genre se doivent évidemment de voir au plus vite.
9/10