par gegesan » Sam 11 Aoû 2012, 21:57
Je ne résiste pas à aborder ici un sujet qui me tient à coeur tant il m'a fait rire depuis quelques années. Tout lecteur du Guide des films dirigé par Jean Tulard aura sans doute remarqué, à un moment ou à un autre, des textes quelque peu inhabituels. Jacques Saada y établit des "critiques" de films où, en réalité, il déploie une rhétorique grandiloquente autour de la seule Sharon Stone. Aussi ne résisté-je pas à vous faire partager ces quelques moments de bonheur.
Je précise aussi que Saada travestit parfois les résumés des films, qui n'ont plus grand chose à voir avec la réalité. Les critiques seront postées petit-à petit car c'est assez longs.
Allan Quatermain et les mines du roi Salomon + Allan Quatermain et la cité de l'or perdu (1985 - 1986)
"Richard Chamberlain évoque avec aisance celui que, à l'image de Stanley rencontrant Livingstone, il ne serait pas autrement surpris de croiser, dévalant une piste, talonné par un bloc de pierre, son compère Indiana Jones...
Mais ce luxuriant diptyque permet surtout à Sharon Stone de puiser avec génie dans son immense registre, pour nous offrir une de ses plus étourdissantes compositions drolatiques avec celle, empreinte toutefois de gravité, de Linda dans He Said, She Said, 1991. Elle en reprendra la structure du combat aérien pour la poursuite aérienne finale de Police Academy 4 : aux armes citoyens ! (1987).
Environnée du très beau leitmotiv wagnérien que lui dédie Jerry Goldsmith, Sharon se révèle la plus séduisante et subtile des héroïnes d'action. Nous ne nous étonnerons donc pas qu'elle réussisse, magistralement, à marquer de sa griffe d'auteur ces brillantes variations sur le thème de l'aventure, leur conférant l'empreinte initiatique, rituelle et sacrale de sa course mythologique irradiée par le fantastique stonien..."
Voilà, Sharon Stone passe donc de second rôle à auteur, sous la plume de Saada. De même, ceux qui ont assisté à la fin de "Police Académy 4" en montgolfière apprécieront la prise d'ampleur de cet exploit.
Cold Steel : Sur le fil du rasoir (1987)
"Dans ce film, Sharon Stone fait allusion à son propre passé. Comme dans La ferme de la terreur (1981) et Diary Of A Hitman (1991), elle se réfère à sa Pennsylvanie natale lors de la première rencontre de son personnage avec Johnny Modine le soir dans un bar ("Je viens de Pennsylvanie"). Et elle interprète superbement le désarroi de Kathy qui connaît enfin le bonheur d'une étreinte retrouvée dans le cours de son errance, un personnage mélancolique, allusion à l'Irina songeuse et rêveuse des Trois soeurs de Tchekhov. Mais dans le final apocalyptique, Sharon, anticipant sur le châtiment infligé par Carly à l'humanité décadente à la fin de Sliver, nous apparaît pour la première fois en ange exterminateur investi de la puissance des dieux."
N'ayons pas peur d'en rajouter, et vous verrez encore la différence quand on sera à Basic Instinct ou Sliver... Ici, on est encore dans la modération.
Nico (1988)
Je précise ici que, d'abord, "Nico" est un film d'action avec Steven Seagal - un bon Seagal mais un film d'action conventionnel et pas spécialement brillant, ensuite, Sharon Stone a le rôle très secondaire de l'épouse de Nico, le héros du film. Elle n'a que quelques scènes pour lesquelles on ne la voit que quelques minutes à l'écran.
"Excellent film d'action, comportant des scènes remarquables, par exemple l'attentat dans l'église. Steven Seagal y est remarquable d'aisance et d'autorité. Là encore, Sharon Stone nous bouleverse, comme une héroïne d'Andersen ou de Tchekhov : en quelques touches visuelles et vocales nous avons le portrait inoubliable de cette jeune mère, hantée, fragilisée par la peur d'une menace environnante prête à fondre sur son bonheur. Sharon Stone ou le talent et la beauté à l'état pur."
Voilà, rien par exemple sur la scène où Seagal se fait péter les pieds à coups de marteau par Henry Silva...
Action Jackson (1988)
Sorti la même année, Action Jackson est une bonne série B avec un Carl Weathers en pleine forme. Le film est essentiellement porté par les muscles de Weathers et par un rythme assez soutenu (en plus d'une bonne dose d'humour). Sharon Stone y tient le rôle archi-secondaire de Patrice Dellaplane, la femme du méchant, Peter Dellaplane (Craig T. Nelson), et qui sera assassinée par ce dernier. Je vous mets aussi le résumé de Saada, qui n'a plus grand chose à voir avec l'original, on y passe de l'action de série B à une tragédie sentimentale, au centre de laquelle se retrouve Sharon Stone, et non plus Carl Weathers.
Résumé : "Patrice Dellaplane, femme comblée d'un homme d'affaires influent et sans scrupules, prêt à tout pour satisfaire ses ambitions politiques, découvre avec amertume les menées criminelles de celui-ci. Pour le ramener à la raison, elle prend le risque d'offrir son concours au policier "Action" Jackson, chargé d'enquêter sur les agissements de son mari. Ce dernier la tuera en un ultime baiser."
Et la critique : "Dans cette oeuvre remarquable, Patrice Dellaplane permet à Sharon Stone de poursuivre la mise en place des structures de sa dramaturgie : ainsi, l'admirable scène de la salle de bains est, à bien des points de vue, l'esquisse de celle de Sliver.
Par sa fin quasi mystique, qu'accompagne un sublime regard dirigé vers l'au-delà, Sharon Stone, transfigurant sa fulgurante beauté, confère à Patrice Dellaplane, comme pour Carly Norris dans Sliver, les résonances de l'Isolde de Wagner, là où l'amour, la vie et la mort fusionnent en une harmonie nouvelle".