[Cinemarium] Mes critiques en 2012

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[Cinemarium] Mes critiques en 2012

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:25

En vert, les films sortis en cette année 2012
-> Toutes les critiques sont issues de mon blog: cinemarium.fr

Nouveau départ, de Cameron Crowe : 2/10
L'insoutenable légèreté de l'être, de Philip Kaufman : 7.5/10
Twixt, de Francis Ford Coppola : 8/10
Dark Shadows, de Tim Burton : 3/10
De rouille et d'os, de Jacques Audiard : 9/10
Moonrise Kingdom, de Wes Anderson : 9/10
Au delà des collines, de Cristian Mungiu : 9/10
Take shelter, de Jeff Nichols : 9/10
The We and the I, de Michel Gondry : 2/10
Sur la route, de Walter Salles : 7.5/10
The green hornet, de Michel Gondry : 7/10
The Dark Knight Rises, de Christopher Nolan : 6.5/10
Holy Motors, de Leos Carax : 8.5/10
Oslo, 31 août, de Joachim Trier : 7.5/10
Nous York, de Géraldine Nakache et Hervé Mimran : 1.5/10
Les sentiers de la gloire, de Stanley Kubrick : 7.5/10
La part des anges, de Ken Loach : 8.5/10
Amour, de Michael Haneke : 8/10
Le Capital, de Costa-Gavras : 7.5/10
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Nouveau Départ - 2/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:28

Nouveau départ
Un film de Cameron Crowe

2/10


Image


A travers l'histoire d'une famille réunie autour d'un but salutaire, Cameron Crowe réalise un film extrêmement creux dénué de toute tension dramatique.


Alors qu’il vient de perdre sa femme, Benjamin est confronté à la difficulté du rôle de parent unique qu'il doit endosser auprès de ses deux jeunes enfants que sont Dylan et Rosie. Fatigué du quotidien, il décide de tout quitter pour emménager dans une vieille maison qui abrite en réalité un zoo. Avec l’aide des employés, de ses enfants mais aussi de son frère, le père fatigué qu’est devenu Benjamin va tenter de relancer le zoo délabré, fermé depuis plusieurs années. Ne riez pas, ceci est une histoire vraie.

Récupération politique d’un thème désormais ancré dans les esprits de tous – l’écologie –, le film de Cameron Crowe est un modèle du film hollywoodien bancal proposant une morale rudimentaire basée sur l’absence de toute réflexion. Nouveau départ se résume en effet à hisser le paradigme de la beauté à son apogée – le père idéal, le fils façon Justin Bieber, l’employée de zoo belle et authentique – afin de déployer un message prémâché au possible digne d’une pathétique publicité. La vente du bonheur – concept inventé par le marketing de masse – colle alors à l’essence-même du film tant son déroulement semble être construit sur l'apologie d'une promesse utopique. Dans ce contexte, il n’est nullement étonnant de remarquer que le thème principal de la bande-sonore – usé jusqu’à satiété – est une copie éhontée de celui qu’utilise l’opérateur Free dans ses publicités. De même, il parait presque logique de voir apparaitre dans ce récit imaginaire le personnage de la fillette intelligente, parlant une langue aussi évoluée que celle de son père et chez qui les propos apparaissent comme sensés et vertueux – à l’image, encore, de nombreuses publicités qui utilisent l’enfance comme une des pièces centrales de la famille fantasmée.

Le casting est parfaitement à l’image de ce film creux préférant le conformisme à une quelconque prise de risque. Le couple à distance que forment Matt Damon et Scarlett Johansson ne brillera jamais par sa crédibilité tant son ancrage dans un récit aux antipodes de son appartenance apparait comme burlesque. De même, voir Elle Fanning – la jeune actrice bankable par excellence – dans cette fiction principalement composée de chimères conforte l’idée que Nouveau départ reste un film basé sur une approche visuelle du récit cinématographique, où le spectateur s’identifie d’abord à des figures connues et non à des personnages qu’il découvre.

A tous les niveaux, le film manque cruellement d’enjeux. La relation paternelle est abordée de la manière la plus simple possible – le film se contente de montrer, péniblement, que le père est un homme bon et le fils un enfant faussement incompris – tandis que la trame romantique ne se résume qu’à un vulgaire jeu de cache-cache amoureux dont le dénouement est déjà connu du spectateur dès la première rencontre. Quant à l’enjeu principal, celui concernant la réouverture imminente du zoo, celui-ci se montre encore plus sommaire, tant les évènements qui viendront agrémentés le récit d’une quelconque tension semblent avoir été écrits par un enfant âgé de dix ans – mention spéciale à la fin, où, le jour de la réouverture, un arbre arraché par la foudre bloque la route menant au zoo. Pendant deux heures, le film jongle ainsi de façon très maladroite entre plusieurs trames qui, à l’arrivée, n’auront jamais eu l’occasion de dévoiler le dixième de leur potentiel. Le pathétisme voulu des différentes situations – la mort de la personne aimée, les difficultés financières – ne prendront ainsi jamais forme, tant l’accumulation des extrêmes privera le film de tout pouvoir d’immersion.

Comme nombre de films surproduits par une profusion démesurée de sensationnalisme, le pitch de Nouveau départ reste avant tout un mensonge. Et si le générique arbore fièrement, sur fond de musique épique, la fameuse phrase « inspiré d’une histoire vraie », personne ne sera dupe. Personne, en effet, ne peut être dupe face à une volonté autant incontrôlée de vendre, en permanence, l’archétype idéal du rêve américain – celui de la famille, de l’entreprise, de la réussite. Personne ne peut être dupe devant une trame autant stéréotypée, aux personnages gras et aplatis au possible par une envie folle d’en faire des symboles universels – chose qu’ils ne sont pas –, et aux causes, d’un point de vue moral, exceptionnelles car utopistes, grandioses et définitivement unanimes. Non, Nouveau départ n’est pas le modèle qu’il pense être – celui du film hollywoodien gentil mais dénonciateur – c’est d’ailleurs tout le contraire : il s’agit d’un film plus que paresseux sur la question de la reconstruction, du combat contre la déliaison sociale et du pouvoir financier. Tout est beaucoup trop lisse pour donner au film une once de véracité.
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Insoutenable légèreté de l'être (L') - 7,5/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:32

L'insoutenable légèreté de l'être
Un film de Philip Kaufman

7.5/10


Image


Érotique et sensuel, L'insoutenable légèreté de l'être est un film porté par une sublime trame romanesque sur fond de conflit politique majeur. Les acteurs sont géniaux.

Tout commence par un échange, celui de regards conjointement intimes et véritables. Près de Prague, en 1968, le jeune médecin qu’est Tomas rencontre, donc, la jeune serveuse qu’est Teresa. De cette union naitra un amour fou et incontrôlé, probablement condamné par l’invasion de la République Tchèque par une URSS dominatrice et impérialiste. Les sentiments résisteront-ils à l’épreuve du temps et du fatalisme politique ?

Adaptation du roman culte de Milan Kundera, le film de Philip Kaufman raconte donc l’histoire commune de destins brisés par la guerre et l’exode politique. Film ambitieux s’il en est, L’insoutenable légèreté de l’être brille principalement par sa capacité à dépeindre l’atmosphère si particulière du roman de Kundera avec une souplesse des plus remarquables. L’attrait de Kaufman pour le mouvement – il suffit d’observer la passion sauvage qui se dégage de chaque scène, de chaque plan, de chaque dialogue – offre au film et à ses protagonistes un moyen d’expression unique avant tout basé sur la gestuel et les regards. De ce parti-pris scénique naitra la beauté du film, qui ne cesse de proposer à son spectateur une image photographique très travaillée, tant celle-ci apparaît comme ambigüe dans ses intentions mais explicite dans son propos. Ainsi, l’engagement politique de la mise en scène est permanant mais celle-ci s’amuse indiscutablement à jouer avec les tons et les genres, tant le coté historique et documentaire est évident et assumé – spécialement lors du siège de Prague – alors que certains moments sont clairement romanesques – notamment la dernière scène, au symbolisme presque religieux. Dans la quasi-totalité des scènes, les corps brillent par leur élasticité et leur liberté d’entreprendre à un point que l’imaginaire, que représente, par nature, le cinéma, semble disparaître au profit d’une retranscription iconophile mais très réaliste du fait historique décrit. Toute la virtuosité du film se situe alors dans cet aller-retour incessant entre fiction et réalité, permettant de faire naitre dans l’esprit du spectateur le sentiment amer de la fatalité qu’impose la terrible confrontation entre une révolte amoureuse accomplie mais fictionnelle et une révolte politique avortée mais réaliste.

Apparaît alors, au sein de cette éblouissante beauté visuelle, des figures au charisme éloquent. Si Daniel Day-Lewis et Lena Olin permettent au film de posséder un aspect érotique sauvage et extrêmement touchant de révolte, c’est d’abord la performance irréprochable de Juliette Binoche qui permet aux situations de dévoiler toute leur puissance émotionnelle. Armé d’une sincérité édifiante, son personnage diffuse en effet tout au long de ce récit fataliste une émanation naïve et sensuelle qui offre au film ses moments les plus touchants et les plus réussis – mention spéciale à la séquence du shooting photo improvisé où les deux corps nus de Sabina et Teresa dialoguent avec une rare éloquence. De même, la quête d’idéaux chimériques – ceux de l’amour et de la liberté – que pratique continuellement son personnage est d’une force des plus touchantes, tant l’empathie créée par les multiples confrontations du monde liberticide dépeint se retrouve considérablement sublimée par la simplicité de ses actes souvent désespérés mais assurément salutaires.

Le prolongement des différentes histoires de chacun dans l’Histoire d’une nation meurtrie par la guerre et le totalitarisme agrémente quant à lui le propos central du film, à savoir l’amour, d’une sublime touche d’amertume. L’amour d’une patrie, l’amour des semblables, l’amour de la liberté et des idéaux se retrouvent ainsi intimement liés par un destin commun qui s’impose de manière brutale. Si la fin du film se veut d’une certaine façon pessimiste – l’amour aura survécu à tout sauf à la banalité de l’imprévu, d’où le titre du film –, l’énergie avec laquelle sont présentées les relations amoureuses de chacun est sublime et offre au film un aspect salutaire envers ces hommes et ces femmes vivant au gré des sentiments, de la passion et, finalement, du bonheur. «Je dirais que je suis un hédoniste piégé dans un monde politisé à l'extrême», écrivait en 1981 Kundera ; des propos qui tombent sous le sens tant ceux-ci représentent à merveille la philosophie qui anime les protagonistes de L’insoutenable légèreté de l’être. Et dont le spectateur ne peut qu’apprécier la nature, noble et distinguée.
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Twixt - 8/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:36

Twixt
Un film de Francis Ford Coppola

8/10


Image


Film polymorphe à l'atmosphère unique, Twixt est le fruit le plus véritable d'une liberté artistique réjouissante qui érige la folie au rang d'art. Francis Ford Coppola n'en finit plus de nous étonner.

Dès son commencement, Twixt évite les ambiguïtés en affirmant clairement son coté des plus fantaisistes : la voix d’un homme présente au spectateur, d’une manière très imagée et énigmatique, le contexte du film qui commence : Hall Baltimore, un écrivain qui connu le succès il y a fort longtemps, vient présenter son dernier roman fantastique aux habitants d’une mystérieuse petite ville américaine où règne une atmosphère très étrange. Alors qu’il tient son stand de signatures dans une vulgaire droguerie, le vieux sheriff lui demande d’enquêter sur une série de meurtres qui touchent actuellement la ville afin d’en écrire un livre.

Cette manière particulièrement romanesque d’introduire le récit permet à Francis Ford Coppola de fixer très rapidement le périmètre de son film, notamment en établissant, de façon directe voire brutale, la proximité propre aux contes qu’il existe entre l’histoire et le spectateur. Faisant appel à l’intermédiaire que représente ce narrateur impersonnel, le cinéaste parvient alors à installer le conditionnement nécessaire à l’adhésion du public à une histoire qui s’annonce d’emblée plus qu’étonnante. Cette intelligence de traitement va alors permettre au réalisateur de faire passer, de manière étonnement crédible, toutes sortes d’extravagances qui viendront pimenter un film haut en couleur et riche en évènements.

Extravagance est d’ailleurs le mot qui convient surement le mieux à Twixt. Car si son intrigue apparaît, dans un premier temps, extrêmement classique que ce soit dans son déroulement ou dans sa consistance – quoi de plus classique, en effet, que l’histoire d’un écrivain enquêtant sur des meurtres pour en faire un livre ? –, de nombreux évènements viendront rapidement conforter l’idée que Twixt reste avant tout un film qui transpire l’amour du récit cinématographique et de la narration par l’image. Film hommage par excellence, Twixt use de ses nombreuses références littéraires et cinématographiques pour dépeindre un monde fantaisiste et horrifique avec une habilité certaine. L’étirement du temps, l’ingénieuse mise en abyme – l’écrivain devient lui-même l’objet de sa quête – ou encore son caractère pathétique – le père alcoolique depuis la mort de sa fille – donne au film de multiples aspects qui tendent aussi bien vers l’humour – la dérision, le second degré –, l’horreur, le suspens, le drame ou encore le film policier. De ce mélange de genre parfaitement maitrisé découle la grande force du film qui est, incontestablement, sa puissance narrative.

Derrière l’extravagance d’un récit conditionné par une volonté féroce de tenir à une distance une intrigue simple mais terriblement efficace, se cache alors l’audace, voire le courage, d’une mise en scène aux antipodes de la nature à laquelle appartient le film. Car si Twixt est à la fois héritier de l’œuvre de son créateur, maître incontesté du cinéma américain, mais aussi d’une longue série de films de genre, il n’en reste pas moins un film qui a su se détacher de ses racines, tant le parti pris scénique de Coppola brille pour son impertinence, pour son envie continue de transgresser des codes dictés par l’industrie liberticide que représente Hollywood. Certains crieront au scandale devant, il est vrai, ces nombreuses séquences numérisées au possible – et très souvent vulgaires – tant leur apport au film reste plus que contestable – exemple parmi tant d’autres, la scène se déroulant au sommet d’une falaise, visuellement grotesque. Néanmoins, il parait évident que c’est de cette excentricité visuelle que découle la capacité d’attraction unique du film. Twixt est un film résolument moderne qui use d’un formalisme rétro pour se créer une identité propre. Toute la virtuosité de Coppola vient de cette confrontation, entre passé et futur, dont il est lui-même le symbole le plus frappant, lui qui a su offrir à Hollywood ses années les plus grandioses – désormais lointaines – et qui ne demande qu’à embrasser l’avenir d’un art qui connaît une multitude de bouleversements. La beauté du film réside alors dans son imperfection troublante. Comme écrit précédemment, il suffit d’observer ces nombreuses séquences, à l’intérêt quasiment nul et au rythme atrocement lent, pour se persuader que le film reste une expérimentation partiellement aboutie mais néanmoins réjouissante de caractère.

Troisième film d’une trilogie amorcée par L’homme sans âge et Tetro, Twixt ne peut donc laisser indifférent. S’il ne pourra évidemment pas satisfaire tout le monde – et c’est un euphémisme –, le film de Francis Ford Coppola a le mérite de proposer une vision totalement décalée, voire unique en son genre, du thriller fantastique. Cette audace, venant de l’un des plus grands maitres hollywoodien encore en activité, balaye ainsi à coups d’effets numériques jugés ringards par beaucoup toutes les conventions actuellement établies par un paradigme que l’on croyait imposé à tous. Coppola prouve alors que le cinéma reste avant tout, pour l’artiste, un moyen d’expression totalement libre, pouvant être guidé par la simple force de la volonté. En sortant de la salle, le cinéphile ne pourra que s’en ravir, réjouit d’avoir assisté à une renaissance aussi sincère dans ses intentions que rayonnante dans son résultat.
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Dark Shadows - 3/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:40

Dark Shadows
Un film de Tim Burton

3/10


Image


Tim Burton renoue avec la comédie fantastique en s'attaquant à l'adaptation de la série télévisée Dark Shadows. Hélas, le résultat peine à convaincre.

Fruit de la huitième collaboration entre Tim Burton et Johnny Depp, Dark Shadows a la lourde tâche de faire oublier l’incroyablement mauvais Alice au pays des merveilles, sorti en 2010, qui fut incontestablement le projet le plus raté du cinéaste. En pariant sur Dark Shadows, adaptation assez libre d’une série télévisée américaine de la fin des années 60 – riche de plus de 1200 épisodes –, Tim Burton mise avant tout sur un univers qu’il connaît parfaitement et à qui il a voulu rendre hommage à travers un film résolument moderne et nostalgique.

Dark Shadows est l’histoire de Barnabas Collins, un bourgeois anglais du XVIIIème siècle qui fut transformé en vampire par Angelique Bouchard, une sorcière amoureuse de lui dont il ne voulait pas. Désireuse d’accentuer son châtiment, cette dernière l’enferma vivant dans un cercueil dans le but de lui infliger une souffrance éternelle. Près de deux siècles plus tard, en 1972, son cercueil est retrouvé par des ouvriers et le vampire qu’est devenu Barnabas doit réapprendre à vivre dans le monde moderne du XXème siècle.

Il faut savoir que, depuis sa plus tendre enfance, Tim Burton est un fan inconditionnel du genre auquel appartient Dark Shadows, à savoir la comédie fantastique. Sa passion pour le cinéma n’est pas d’ailleurs pas étrangère à ce genre atypique qui fut, à cette époque, très prolifique.

Les années 70 de sa jeunesse, l’humour loufoque – très proche de celui de Mars Attacks! -, le second degré permanant, ou, évidemment, la présence de Johnny Depp, sont autant d’éléments qui montrent que Dark Shadows est un projet très personnel qui tient très à cœur au cinéaste, désireux de se racheter après son calamiteux Alice. Les références sont d’ailleurs extrêmement nombreuses, la première étant l’allure de Barnabas, véritable version comique de Nosferatu dont Tim Burton est un fan inconditionnel. Il en va de même des musiques – encore composées par Danny Elfman –, des décors rappelant ses précédents films – du port de Sweeney Todd à la forêt d’Alice –, des histoires de certains personnages qui font miroir à sa propre vie – notamment celle du jeune David – ou encore de cette manière si particulière d’accentuer au possible les dualités qui bâtissent l’univers du film et, finalement, de toute son œuvre.

Pour autant, il serait difficile de qualifier Dark Shadows de film purement burtonien - dans le sens le plus noble du terme. S’il est évident que le style du réalisateur colle à l’essence même du film, ce dernier ne reste pas moins orphelin d’une certaine magie à laquelle Tim Burton nous avait habituée dans nombre de ses films. C’est d’ailleurs l’une des grandes forces de son cinéma qui, malgré un univers des plus fantaisistes, ne tombait jamais dans la vulgarité, ni dans la simplicité narrative et encore moins dans le grotesque. Avec Dark Shadows, force est de constater que de nombreuses séquences paraissent veines, tant leur apport au récit est d’un intérêt plus que contestable. Exemple parmi tant d’autres, la séquence finale est incroyablement naïve, avec ses lots de révélations qui n’en sont pas et sa réalisation digne d’un vulgaire blockbuster cherchant le sensationnalisme dans le moindre de ses plans. Pis, le rythme y est incroyablement mal maitrisé tant la séquence traine en longueur, entre la mise en place du combat final et de l’épilogue qui se veut faussement émouvant. Finalement, Dark Shadows est un film outrageusement conformiste qui propose une réalisation très terne et sans aucune originalité. A l’image du casting, la prise de risque est quasiment nulle – un comble pour Burton –, le film se contentant, péniblement, de remplissage. Tout est trop lisse et trop simpliste pour réellement convaincre.

En jouant constamment sur les mêmes effets comiques – pas toujours réussis, certes –, le film fait néanmoins preuve d’une très grande habilité à jouer avec les tons en proposant un second degré diablement efficace. Comme à son habitude, Burton use de la figure de son personnage principal pour imposer un pathétisme comique. Las, le film n’arrivera jamais à pleinement exploiter la dramaturgie de son récit, pourtant réelle.
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De rouille et d'os - 9/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:43

De rouille et d'os
Un film de Jacques Audiard

9/10


Image


Trois ans après le magistral Un prophète, Jacques Audiard prouve, une fois de plus, qu'il est l'un des meilleurs cinéastes français de sa génération. La réussite est totale.

De rouille et d’os est un film mystérieux. D’abord, ce titre, brutal, à la formule inhabituelle, désignant avec froideur cette opposition de matières qui, assurément, définit le film. Ensuite, il y a ce parfum de secret qui accompagne sa sortie : peu d’informations ont filtré sur son contenu, seul le synopsis a été plus ou moins dévoilé par une vague bande d’annonce assez exigüe, qui ne dévoile pas grand chose sinon l’existence d’une histoire d’amour entre un boxeur et une jeune femme en fauteuil roulant, victime d’un accident. Enfin, il y a ces histoires, toutes ces histoires, qui gravitent autour d’une sortie saupoudrée d’une certaine dose de folie : on raconte, par exemple, que Marion Cotillard a tourné ce film dans le plus grand des secrets, sans le signaler à ses employeurs américains qui lui aurait interdit le déplacement – au même moment, elle tournait The Dark Night Rises de Christopher Nolan.

Mais que se cache-t-il derrière l’un des films les plus attendus de la sélection cannoise ? Finalement, pas grand-chose. De rouille et d’os est un film fin, complexe dans ses mécaniques, un film qui ose dévoiler, sans retenue, toute la puissance émotionnelle de ses composantes – je parle de ces situations terribles, de ces personnages détruits par la vie, l’injustice et l’absurde. C’est un film suspendu dans le vide où tout y est décrit d’une manière brève mais concrète, comme Jacques Audiard a l’habitude de le faire. Oui, De rouille et d’os est un grand film, un grand mélodrame, une magnifique partition de cinéma d’auteur animée par une mélancolie majestueuse et une envie irrésistible de créer de l’émotion et du pathétisme. C’est d’ailleurs cette envie, permanente et continue, qui guide le film, qui lui sert de fil conducteur et qui l’alimente en séquences fortes, contractées au possible par des ralentis contrôlés mais généreux, explicites mais délicats.

Si Jacques Audiard a déclaré ne pas aimer la violence, c’est néanmoins celle-ci qui guide les drames qui se nouent et se dénouent sous nos yeux troublés et impuissants. Qu’elle soit physique ou morale, la violence fait partie intégrante des personnages de son cinéma et De rouille et d’os ne faillit pas à la règle. Audiard sait filmer cette brutalité avec majesté, contraste et spontanéité. Il sait la rendre belle et émouvante tout en la repoussant avec force. Il suffit de voir ces magnifiques séquences de combats de rue, organisés pour de vulgaires paris, dont Ali prend part avec une excitation certaine. La caméra du réalisateur s’y fait absente, douce, voire poétique ; les coups sont brutaux et ignobles mais ils portent un espoir, celui de la révolte, du changement et de la fuite en avant.

De rouille et d’os est un film délicat, bénéficiant d’une écriture extrêmement précise. L’enclenchement des évènements se veut direct, porté par la logique d’une histoire incontrôlée qui, au fil des minutes, semble s’émanciper de ses frontières et de son périmètre. Si les personnages bénéficient d’une profondeur incontestable, c’est surtout leur mise en relation qui brille par sa spontanéité et par sa simplicité. Comme toujours chez Audiard, les petites histoires font la grande, et l‘apparition d’une multitude de messages à caractère politique rend son spectacle encore plus savoureux : le film s’engage constamment, en filmant, d’une manière extraordinairement subtile, la misère de chacun dans sa singularité la plus propre.

Enfin, De rouille et d’os est un film fait de mouvements, d’oppositions et de fatalités ; en ce sens, il s’agit du digne héritier de la filmographie de son réalisateur. Audiard fait du Audiard, diront ses détracteurs : ils auront raison. A la source de tout, il y a toujours cette rencontre hasardeuse, pour ne pas dire improbable, entre le puissant et le faible. Encore et toujours, cette histoire d’amour, folle car instable, magnifique car avortée ; aussi, on dira que des séquences de ses précédents films se répètent, comme celles situées en boite de nuit, aux musiques sourdes et envahissantes, dont Audiard raffole pour filmer les regards et les mouvements. Mais, par-dessus tout, il y a ces scènes à l’intensité folle, qui vous nouent le cœur avec une incroyable facilité, et qui montrent qu’Audiard reste d’abord un conteur d’histoire au talent exceptionnel.

Ce qui manque à ce film choc, c’est peut-être cette forme de marginalité qui, de manière inéluctable, disparaît avec le temps et l’évolution du statut de son cinéaste. Bien sûr, Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts sont géniaux, voire parfaits, mais il est vrai qu’il existe dans ce film une tendance presque obsessionnelle d’en faire, faussement, des gens du quotidien, assaillis malgré eux par le malheur et écrasés par la fatalité de la coïncidence. Ainsi, il est évident qu'Ali porte sur ses épaules un poids excessivement lourd, surchargé par tant d’enjeux et de responsabilités, quitte à devenir un personnage sur lequel le sort s’acharne avec une certaine provocation. Néanmoins, si l’accumulation des extrêmes provoquerait presque une banalisation du malheur et donc un affaiblissement de son intensité, la grande force du film est de ne jamais tomber dans la caricature ni dans le grotesque : De rouille et d’os bénéficie toujours de cette crédibilité propre aux films du réalisateur français qui, encore une fois, parvient à transformer la banalité d’un scénario simpliste au possible en véritable moment de cinéma, aussi bien destiné aux cinéphiles avertis qu’au grand public désireux d’émotions et de saisissement. Et là est surement la plus grande noblesse du film.
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Moonrise Kingdom - 9/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:46

Moonrise Kingdom
Un film de Wes Anderson

9/10


Image


Avec Moonrise Kingdom, film racontant l'histoire d'amour de deux enfants fuyant le monde, Wes Anderson signe une brillante comédie disposant d'une mise en scène succulente.

Avoir choisi Moonrise Kingdom comme film d’ouverture du festival de Cannes est une merveilleuse idée. D’ailleurs, à l’image de l’ensemble des films de son réalisateur, le stupéfiant Wes Anderson, Moonrise Kingdom est une idée à lui tout seul, une vision du cinéma unique et réjouissante qui repose sur la simple pensée d’une utopie folle. En seulement 90 minutes, le réalisateur américain, auteur du génial Fantastic Mr. Fox, prouve, une fois de plus, que son œuvre n’a nul équivalent, que ce soit dans sa forme comme dans son fond.

L’histoire se déroule en 1965, sur une île située au large de la Nouvelle-Angleterre. Sam, un enfant scout armé de grosses binocles et d’une carabine, et Suzy, une jeune fille habitant l’île, sont amoureux l’un de l’autre depuis leur première rencontre. Pour vivre pleinement leur amour, ils décident de fuir leur domicile respectif – la maison de ses parents pour Suzy, le camp de scout pour Sam – en se donnant rendez-vous dans un lieu qui n’a ni nom, ni histoire. Très vite, les deux tourtereaux deviennent des fugitifs, poursuivis par toute une horde d’adultes et d’enfants voulant empêcher leur union.

Dans cet univers des plus fantaisistes, où tout semble soumis à un règlement strict, Wes Anderson utilise l’insolence de l’enfant pour créer de l’espoir et de la folie. L’histoire d’amour entre Sam et Suzy brille par sa simplicité attendrissante, tellement folle par sa naïveté – le moment du baiser est génial – qu’il parait évident que leur fuite est vouée à l’échec. L’utopie anime donc ces personnages qui souhaitent jouir d’une liberté totale pour pouvoir vivre pleinement leur amour, amour qui est né du hasard d’une rencontre insolite dans les loges d’un spectacle où, Suzy, déguisée en oiseau, a frappé Sam par son charme. Certaines séquences tendent même vers une certaine apologie du communisme, utopie politique par excellence, notamment lors de la découverte d’un lieu vierge de toute activité humaine que le couple veut renommer et s’approprier, comme si l’endroit n’avait pas de propriétaire. A l’image des autres films du cinéaste, l’enfant rayonne donc par sa vision simpliste de l’existence que l’adulte a, hélas, définitivement perdue. « Pourquoi voulez-vous nous empêcher de vivre notre amour ? » s’indigne Sam, désespéré. La réponse semble bien difficile à trouver. Le rapport de force entre l’enfant et l’adulte s’inverse, faisant de ce dernier un être presque dénué de logique et de sens critique, devenu incapable d’abattre un arbre.

Tout en étant linéaire dans son déroulement, Moonrise Kingdom est un film bâti sur une idée très singulière de la narration cinématographique. Le film est très bavard, puisque l’histoire nous est directement racontée par un personnage extérieur à celle-ci, qui y pose son regard critique en s’adressant directement à la caméra et donc au spectateur. D’ailleurs, celui-ci n’hésitera pas à porter secours à des personnages de l’histoire, créant ainsi une faille entre le monde réel et celui du film. Conte moderne dénué de tout négativisme, qui ose aborder la violence et la mort avec humour, Moonrise Kingdom raconte donc une histoire hors du temps, dans un lieu totalement déconnecté du monde extérieur et où la mémoire collective n'existe pas ; l’île en devient une prison, une sorte de dystopie écrasée par la fatalité et la folie de l’adulte que seule une tempête inéluctable pourrait ébranler.

Pour appuyer son propos, le cinéaste use d’un second degré ravageur en offrant à chacune des situations le moyen de se prendre à la légère tout en respectant le schéma narratif précis du film. Ce second degré passe à la fois par l’absurdité permanente des évènements et des comportements – exemple parmi tant d’autres, le mariage qui se déroule dans une tente –, par la brutalité de certains dialogues et, surtout, par une réalisation atypique et impressionnante de maitrise. Moonrise Kingdom resplendit par sa mise en scène sucrée, rétro et colorée. La précision de l’image est incroyable tandis que les multiples travellings apportent une succulente touche d’animation à l’ensemble, proche des films réalisés en stop motion. Quant au montage, il devient le moteur principal du rythme en provoquant une accentuation volontaire, et judicieuse, des effets comiques. Difficile ainsi de ne pas succomber à cette avalanche de couleurs, de créativité et finalement d’audace. Car, oui, Moonrise Kingdom fait partie de ce genre de film audacieux qui ose offrir des seconds rôles grotesques – mais savoureux – aux stars planétaires que sont Bruce Willis, Edward Norton et Bill Muray. Moonrise Kingdom, c’est finalement une géniale partition de cinéma d’auteur américain qui ferait, assurément, une très belle palme d’or.
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Au-delà des collines - 9/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:49

Au delà des collines
Un film de Cristian Mungiu

9/10


Image


Une religieuse confrontée à l'amour d'une femme. Une femme confrontée à l'amour de Dieu. Film marquant, au sujet vaste et délicat, Au-delà des collines est une réussite totale. Terrifiant.

C’était il y a 5 ans. Le roumain Christian Mungiu faisait sensation en obtenant, à la surprise générale, la palme d’or pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, poignant drame humain racontant l’histoire, affreuse, d’une femme obligée d’avorter dans la clandestinité. Par sa capacité à diviser, Christian Mungiu est un cinéaste atypique. Tout a déjà était lu ou entendu à son sujet. Certains le trouvent génial, véritable flambeau d’une nouvelle vague roumaine ; tandis que d’autres voient en lui le représentant d’un cinéma dit laxiste, défendeur d’une vision minimaliste de la mise en scène cinématographique, quitte à rendre parfois ennuyeuses les situations filmées. Avec Au-delà des collines, le réalisateur roumain n’étonnera personne, puisqu’il reprend exactement les mêmes ingrédients qui composent ses 2 précédents films : une histoire terrible, des acteurs fantastiques et, surtout, cette manie si particulière de nouer, minute après minute, un drame inéluctable que le spectateur refuse de voir et d’accepter. N’en déplaise à ses détracteurs, Mungiu signe avec Au-delà des collines un film remarquable.

Inspiré d’une histoire vraie, le film raconte les retrouvailles de Voichita et Alina, deux jeunes amies qui ont grandi ensemble dans un orphelinat et où un amour est né entre elles. Alina vit désormais en Allemagne, tandis que Voichita est devenue religieuse dans un couvent à l’écart du monde, au sommet d’une colline. La première rend visite à la seconde, dans l’espoir de l’extirper de ce lieu en lui proposant de la rejoindre en Allemagne, où un travail l’attend. Mais les choses ne sont pas si simples et Alina va devoir user de toute son énergie pour libérer Voichita de son amour extrême de Dieu.

Au-delà des collines n’est pas un film politique qui userait de sa trame édifiante pour établir une quelconque critique de l’extrémisme religieux. Ce n’est pas l’objectif de Mungiu qui, grâce à une caméra intime qui caresse les situations sans jamais les déformer, décrit une histoire avec un regard totalement neutre et extérieur. Toute l’intelligence du réalisateur réside en cette objectivité qui laisse aux situations la chance de pouvoir s’exprimer d’elles-mêmes, sans sensationnalisme ou artifice providentiel : pas de musiques, mais des dialogues aux voix résonnantes et des bruitages accentués par un silence permanant. A de nombreux moments, le spectateur partage l’intimité de ces deux femmes à la conscience meurtrie, véritables victimes d’un système qui s’impose à eux, avec une délicatesse très subtile qui n’ose censurer les émotions. Le film reste néanmoins très pudique, et les longs plans fixes, dévoilant par une mise au point ingénieuse les regards de chacun, prennent ainsi tout leur sens puisqu’ils permettent d’agrémenter le récit d’un réalisme nécessaire, voire indispensable, à l’établissement de l'immersion.

Se dégage alors des images une réelle puissance émotionnelle, basée sur l’empathie et le saisissement que provoquent, inévitablement, l’absurdité des évènements filmés, de ces colères qui éclatent au milieu du vide, et des effrois de nones choquées par la conviction folle d’une femme amoureuse. La détresse de deux femmes que tout semble opposer est désarmante, tant les idéaux de chacune se retrouvent confrontés à l’absence totale de raisonnement et, finalement, à la fatalité d’une situation que rien ne semble pouvoir arranger. D’un côté, l’amour du même sexe, la folie du désir sexuel en terre chrétienne ; de l’autre, l’amour aussi, d’un Dieu qui refuse la liberté mais qui donne à l’existence une raison d’être ; entre ces deux extrêmes, une route, une utopie, impossible à construire.

L’étonnante facilité de Mungiu à ériger un récit à partir d’une simple idée est véritablement prodigieuse et représente, sans aucun doute, la plus grande force de ce film qui ne part de rien mais qui arrive à s’étaler sur près de 2h30 sans aucun temps mort ni scène futile. Basé sur un schéma narratif finalement assez simple, qui enchaine, à rythme constant, les moments forts, le scénario d’Au-delà des collines est le fruit d’une écriture des plus précises. En ce sens, les personnages disposent d’une véritable profondeur à laquelle vient s’ajouter l’impressionnante performance des actrices que sont Cosmina Stratan et Cristina Flutur, exceptionnelles de naturel et de justesse. Les séquences fortes, nombreuses, tirent d’ailleurs toute leur énergie de cette alchimie parfaite entre la sobriété de la mise en scène et la prouesse des actrices, véritables pierres angulaires du film.

Si l’on peut regretter qu’il ait parfois tendance à oublier certains aspects de son scénario dans sa dernière heure – la problématique de l’homosexualité face à la religion n’est en fait que très peu abordée –, Au-delà des collines est film sur l’amour qui ne peut laisser indifférent, tant sa faculté à créer de l’émotion est réelle et la froideur de son propos est terrifiante.
Critiques similaires
Film: Au-delà des collines
Note: 7/10
Auteur: sylclo

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Take Shelter - 9/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:51

Take Shelter
Un film de Jeff Nichols

9/10


Image


Deuxième long métrage de l'américain Jeff Nichols, Take shelter est un film puissant qui dispose d'une tension incroyable. Un implacable chef-d'œuvre

Oui, Take Shelter sera l’un des plus grands films de l’année. N’ayons pas peur de pousser la logique un peu plus loin : Take Shelter sera l’un des films de la décennie. Il n’y a aucun doute là-dessus. Quand le générique de fin apparait, quand le film se termine par une claque si violente qui fait éclater en quelques longues secondes toutes les vérités établies, le spectateur ne pourra qu’être fasciné par l’expérience qu’il vient de pratiquer malgré lui, par ce voyage au pays de la démence incomprise où, sous un ciel qui annonce le désastre du monde, un homme, terriblement seul, refuse de croire aux jugements que lui assignent ses semblables qui, pour le coup, prennent des allures d’opposants. Curtis LaForche est-il vraiment le malade que semble décrire son comportement schizophrénique ? A cette question, Jeff Nichols refuse de répondre. Seule la vérité du spectateur demeurera.

C’est en misant sur les nombreuses dualités de son film que Jeff Nichols est parvenu à lui donner toute l’ampleur qui lui était nécessaire, tant son enjeu apparaît comme majeur – l’imminence d'une terrible catastrophe naturelle annoncée par un homme ayant des visions. Cette confrontation, directe et frontale, de la réalité avec l’imaginaire est d’ailleurs mise en avant dès les premières séquences du film, où la pluie diluvienne et boueuse des hallucinations de Curtis laisse place au soleil radieux qui brille en réalité dans un ciel peu nuageux. Le cinéaste fait de cette opposition autant visuelle que symbolique la base de son schéma narratif, qui ne cessera de jouer sur les contrastes du comportement d’un homme confronté à une démence tant redoutée – sa mère vit dans un hôpital psychiatrique suite à des problèmes comportementaux similaires. Film empathique s’il en ait, Take Shelter confronte alors les destins du monde et de Curtis dans le but de les lier et d’accentuer, une fois encore, toute la pitié que le spectateur ressentira envers ce personnage terriblement affectif. Quand celui-ci creusera un trou dans son propre jardin – dans le but d’y construire un abri, d’où le titre du film –, c’est d’abord la pitié et la compensation qui priment dans l’esprit du spectateur, tant cette tâche semble vertueuse au vu des visions mais finalement pathétique tant les moyens déployés paraissent totalement démesurés et surtout lourds de conséquences.

Take Shelter prend donc son spectateur par les tripes en usant de la gueule cassée de son personnage principal, véritable figure de cinéma sur laquelle gravitent l’ensemble des enjeux de ce récit profondément dramatique. Il faut dire que Michael Shannon dévoile avec ce rôle fort singulier un incroyable talent scénique qui permet de faire peser sur ses seules épaules toute la dramaturgie du film. A chaque séquence et sous tous les angles, l’acteur présente en effet une facette inédite et terrifiante d’un personnage qui se dégrade au fil du récit pour finalement tomber dans une sorte de fanatisme terriblement émouvant. Sa descente aux enfers, qui commence par l’incompréhension de sa femme et se termine par un licenciement absurde, relève finalement d’une exclusion sociale totale. C’est de ce pathétisme incroyablement appuyé que le film tire toute son émotion, en posant un regard dénué de tout jugement sur ce personnage victime et symbolique, père d’une jeune fille qui a besoin de soins médicaux devenus inaccessibles, faute de ressources économiques suffisantes. Si les séquences, très bien réalisées, qui ont pour objet les visions de Curtis lors de ses hallucinations pourraient remettre en doute cette affirmation, il parait néanmoins évident que le regard du cinéaste – et donc du spectateur – reste externe aux situations filmées – une séquence voit d’ailleurs Samantha, sa femme, parler de lui avec des amies. Le pathétisme de cette situation cruelle n'en est qu'accentuée: comment en vouloir à cet homme prêt à tous les sacrifices pour protéger sa famille d’une catastrophe qu’il juge imminente ?

En choisissant de tourner dans des plaines étendues et désertes, Jeff Nichols offre à son film le moyen d’établir cette atmosphère si particulière où règnent les faux semblants et où le temps semble s’étirer à l’approche d’un drame inéluctable. C’est d’ailleurs l’une des forces incontestables du film, qui parvient à constamment tenir à distance ses enjeux et son dénouement, à l’image de nombreux films à suspens dont il s’inspire. Le rythme, parfaitement maitrisé, calqué sur l’évolution comportementale de Curtis, donne au récit une tension exceptionnelle, une force de persuasion remarquable tant la précision de la mise en scène laisse de marbre. Quant aux musiques, elles sont magistrales et ne trahissent jamais le propos du film en évitant d’user d’un sensationnalisme providentiel. Et même si Nichols privilégie une vision finalement réaliste du récit cinématographique, le cinéaste n’hésite pas à user du symbolisme pour imager la conscience de son personnage principal, sur lequel repose ce film aux enjeux multiples. Il serait injuste de ne pas souligner l’intelligence de traitement dont bénéficie Take Shelter tant l'immersion est totale.
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We and the I (The) - 2/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:54

The We and the I
Un film de Michel Gondry

2/10


Image


Après un passage fructueux par Hollywood, Michel Gondry revient avec The We and the I, film artisanal se déroulant dans un bus du Bronx. Original sur le papier, le film brasse du vide.

Film d’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, The We and the I se positionne comme l’un des longs métrages les plus singuliers du festival de Cannes, principalement pour deux raisons. La première, évidente, est que son réalisateur, le français Michel Gondry, est un cinéaste des plus atypiques, tournant principalement aux Etats-Unis des films au budget conséquent et au casting fameux – Jim Carrey, Jack Black, Kate Winslet. Et même s’il nous avait habitués à quelques projets insolites – l'Usine de films amateurs, le videoblog pour le site des Inrocks –, le voir débarquer sur la croisette avec un film aussi artisanal, interprété par des acteurs amateurs et présenté dans une compétition parallèle, relève véritablement d’un évènement en soi – l’impressionnante audience présente lors de la présentation officielle du film ne viendra pas contredire ce propos. La seconde raison, qui découle finalement de la première, est la nature même du film, puisque celui-ci a pour sujet l’histoire d’un bus du bronx occupé par des adolescents dont la turbulence n’a d’égal que leur excitation à l’idée des vacances scolaires d’été qui débutent.

Décor unique d’un spectacle durant près de deux heures, le bus New-Yorkais est transformé par Gondry en une maison monde où les personnalités, chacune définies par une culture et un comportement propres, s’entrechoquent par des visions de l’existence diamétralement opposées. Au fond du bus, les perturbateurs, irrespectueux de leurs camarades et des autres passagers, bruyants comme si de la hauteur de leur parole dépendait l’avancement du bus. A leurs cotés, deux jeunes filles organisant une soirée d’anniversaire, un couple homosexuel, un guitariste, un autre couple – hétérosexuel cette fois-ci – et, évidemment, l’incontournable tête de turc du collège, mal aimé de tous. A travers ces portraits volontairement stéréotypés, le film enchaine les gags, plus ou moins réussis, avec une certaine obsession pour l’obscène et la cruauté, quitte à perdre toute crédibilité tant l’accumulation des situations extrêmes provoquera inévitablement une rupture dans le récit, le faisant basculer dans la comédie burlesque et non dans la comédie sociale comme ses premiers instants pouvaient le laisser croire. Ce constat est d’autant plus regrettable que la volonté de Gondry est assez énigmatique car, en jouant constamment avec les genres et les tons, force est de constater que The We and the I apparait comme un film dénué de tout enjeu. Est-il à prendre au second degré comme le suggère de nombreuses scènes surréalistes ou, au contraire, serait-il le représentant d’une minorité oubliée que Gondry a souhaité mettre en avant, comme semble le souligner ses interprètes qui, finalement, jouent leur propre rôle ?

Plus dérangeant, le film éprouve toutes les difficultés à exploiter les dramaturgies de son récit aux multiples points de vue, celles-ci ne trouvant malheureusement aucun écho dans la trame narrative. L’amour, l’exclusion, la pitié et même la mort sont autant de thèmes abordés de manière très maladroite, sans véritables conséquences scénaristiques. L’annonce de la mort d’un jeune, en guise d’épilogue dramatique, n’aura par exemple que peu d’intérêt et paraitra extraordinairement providentielle, comme si sa présence n’était là que pour justifier du contenu – pour ne pas dire du remplissage. La capacité du film à émouvoir est ainsi totalement nulle et là réside, incontestablement, sa plus grande faiblesse : dans le moindre de ses plans, The We and the I essaye de transmettre un saisissement qui restera éternellement étranger au spectateur. Faute à un contenu très épais mais finalement très superficiel, Gondry exclut, sans le vouloir, son spectateur des histoires qu’il raconte.

The We and the I serait-il pour autant un « petit » film, un projet secondaire réalisé un peu trop rapidement par un réalisateur ayant la tête ailleurs ? Difficile à dire, mais il est certain qu’il s’agit d’un film qui manque cruellement de profondeur et de consistance pour séduire.
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Sur la route - 7,5/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:56

Sur la route
Un film de Walter Salles

7.5/10


Image


Adaptation du roman culte de Jack Kerouac, Sur la route retrace avec franchise le road trip d'une jeunesse guidée par la quête de la liberté.


Tout débute par des pas sur un goudron que l’on devine brûlant. Des pas nombreux, longs, identiques, monotones, anonymes. Un chant, fredonné par la voix rauque et mélodieuse d’un homme que l’on imagine jeune, rythme l’image, lui donne du sens, agrémente son sujet d’une douce mélancolie. « Jamais je ne serai chez moi, jamais je ne serai chez moi ». Le film commence par le premier pas d’un long voyage.

Adaptation du roman éponyme de Jack Kerouac publié en 1957, Sur la route dépasse clairement le cadre des frontières cinématographiques tant son histoire très mouvementée a alimenté une série interminable de fantasmes. Déjà, il y a ce roman culte, fondateur de cette fameuse beat generation, terme utilisé par Kerouac lui-même pour décrire cette génération fatiguée, détruite par le spleen et écrasée par le non-sens de l’existence. Vient ensuite cette envie folle d’adapter au cinéma ce roman si riche et si simple à la fois, fait de grands espaces, de réflexions philosophiques subjectives et, surtout, d’amour et d’amitié. En 1968, Francis Ford Coppola achète les droits du livre, fait remanier son scénario et, plus de trente ans plus tard, en 2001, prévoit un tournage qui ne commencera jamais. L’enjeu est trop grand, la responsabilité trop lourde. Finalement, en 2004, le brésilien Walter Salles se voit accordé la réalisation du film par Coppola, dont il sera le coproducteur. Le film était donc particulièrement attendu, que ce soit par les fans de l’écrivain – qui auraient toutes les raisons pour trouver la distribution étonnante, entre un réalisateur brésilien et un interprète anglais dans le rôle de Kerouac – et les cinéphiles les plus avertis, voyant enfin prendre forme un film que même Coppola s’est résigné à ne pas réaliser, surement par faute d’inspiration devant un projet d’une telle ampleur.

Walter Salles fait de Sur la route un film volontairement abordable, dont la trame initiale – celle du livre – a été revue et corrigée afin d’en éclaircir les contours. D’un coté, le film raconte ce voyage initiatique, ses aléas, l’ivresse d’une jeunesse à la quête indéfinie et dont le véhicule file sur des routes désertiques au bitume glacé et brûlant. De l’autre, l’histoire de deux jeunes amis, Sal et Dean, dont la rencontre, exposée de manière mouvementée, commence par la chaleur d’une scène sexuelle interrompue et se termine par le bruit d’un délire sous acide interminable : les corps luisent, tremblent, les joies s’expriment. Tout au long du film, ce schéma narratif sert de fil directeur au récit qui alterne, à rythme inconstant, les séquences de groupe, où les images se font objectives, et les séquences qui concerne directement Sal et son désir d’écriture. Conformément au livre, le point de vue reste cependant celui de Sal, puisque sa pensée se traduit par une voix off venant très souvent rythmer les images. De ce parti pris scénique naitra les plus beaux moments du film qui voient le spectateur partager l’intimité de ce jeune auteur pour qui l’écriture constitue une forme de carnet intime mis à la disposition du monde.

Selon le réalisateur brésilien, la principale difficulté était donc de respecter la spontanéité avec laquelle Kerouac a bâti son roman, spontanéité qui lui a permit de prolonger sa propre histoire dans celle de ce mouvement utopiste guidé par l’envie folle du voyage. Fort de sa propre expérience, notamment avec Carnets de voyage, Salles fait du road-trip de ces personnages le moyen de perpétuer les histoires de chacun dans l’histoire d’un groupe, d’une ambition, d’un pays. En ce sens, la voiture de Dean – une sublime Hudson – devient l’objet fondateur, voire symbolique, de l’union des membres du groupe. En toute logique, c’est dans cet objet phare des 30 glorieuses, synonyme de liberté, que l’équipe du film a cherché cette fameuse spontanéité du roman dont certaines séquences, tournées avec une équipe très réduite et dans des conditions artisanales, ont hérité. « Avec Garrett et la vieille Hudson, nous sommes partis de New York et avons gagné la Côte ouest, en sillonnant encore une fois les routes du livre pendant trois semaines. On était à cinq dans la voiture, on ne savait pas où on allait dormir, nous étions complètement libres, c'était assez unique », s’amuse à raconter le cinéaste dans un entretien accordé au Nouvel Observateur.

Alors, pour beaucoup, Sur la route est un film inachevé, incontestablement maladroit dans l’approche parfois réductrice de ses personnages, brouillon dans son montage quelque peu saccadé, trop simpliste dans sa narration et, finalement, sans véritables surprises. Ils n’auront pas tort. Mais, derrière ces imperfections qui rendent encore plus beau le résultat, persiste aussi cet idéal de liberté qui guide la caméra et ses acteurs stupéfiants. Oui, Sur la route regorge de scènes géniales qui transpirent l’amour du voyage et qui rend encore plus belle cette jeunesse que l’on se plait à admirer.
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Green Hornet (The) - 7/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 15:58

The green hornet
Un film de Michel Gondry

7/10


Image


Michel Gondry à la réalisation d'un blockbuster hollywoodien ? Rien de moins étonnant. Le résultat dépasse néanmoins toutes les attente

Adaptation cinématographique d’un comic book pas très populaire, The Green Hornet est un film qui colle parfaitement à l’image de son réalisateur, maitre du bricolage et du second degré assumé. Car si les observateurs pourront le qualifier de blockbuster hollywoodien, affirmation exacte tant les moyens sont importants et les effets spéciaux nombreux, il parait néanmoins évident que The Green Hornet est surtout caractérisé par son ton des plus fantaisistes, berçant à la fois dans l’absurde et dans le potache. En ce sens, le film ne rentre pas totalement dans les sentiers battus des productions habituelles de super-héros, qui préfèrent généralement privilégier une approche idéalisée et crédible d’un personnage auquel le spectateur peut – et souvent souhaite – s’identifier. Ici, le déroulement de l’intrigue est simplifié au possible, se limitant généralement à un enchainement de scènes d’action qui viennent entrecouper des séquences humoristiques ayant pour objet la relation entre les deux personnages principaux que sont Brit et Kato.

Le second degré est ainsi l’angle choisi par Michel Gondry pour raconter cette histoire qui reste totalement irréaliste alors bien qu’aucun de ses personnages ne disposent de pouvoirs extraordinaires. Brit, fils unique d’un patron de presse tout juste décédé, rêve de devenir un justicier masqué et va profiter de sa position de directeur de journal – statut dont il a hérité de son père – pour médiatiser les sorties de son personnage, le fameux frelon vert, dont l’identité est inconnue du plus grand nombre. Sa rencontre avec Kato, ancien employé de son père défunt, va alors lui donner tous les moyens de ses ambitions puisque ce dernier, en tant que véritable génie en mécanique, bricolage et arts martiaux, va lui confectionner toute une panoplie d’accessoires allant de la voiture blindée au pistolet à gaz. A travers le couple décapant que forment les deux hommes, Michel Gondry expose une vision très américaine du duo cinématographique, puisque celui-ci répond parfaitement aux critères de la fameuse bromance, mot formé des contractions de «brother» (frère en anglais) et romance, qui désigne cette alliance amicale entre deux personnages masculins que tout semble opposer. La relation entre les deux personnages principaux forme ainsi le pilier majeur du film, qui fait de leur opposition aussi bien physique que comportementale la source privilégiée de nombreuses blagues et autres situations cocasses. D’une manière finalement assez simpliste, l’humour marche à plein régime, d’autant que les personnages disposent d’une réelle psychologie qui leur confère une épaisseur indispensable au succès des effets comiques dont ils sont la matière.

Cette simplification extrême de la trame narrative se retrouve aussi dans ces évènements volontairement inexpliqués – et inexplicables – qui voient Kato puis, plus tard, Brit, disposé de pouvoirs surnaturels qui leur donnent une vision accrue et un sens du combat digne des protagonistes de Matrix. Dans la dernière heure, le délire devient alors l’unique élément animant les protagonistes, qu’ils soient bons ou mauvais, et provoquera des séquences complètement extravagantes et, avouons le, remarquablement amusantes : par exemple, une d’elles voit les deux complices prendre l’ascenseur d’un immeuble à bord d’une voiture coupée en deux.

Film totalement décomplexé dans son déroulement et le traitement de son intrigue, The Green Hornet bénéficie d’une mise en scène savamment orchestrée autour de cette envie audacieuse de faire du neuf avec du vieux. Car si la banalité des effets spéciaux employés – les ralentis et autres explosions – pourrait faire penser que le film répond parfaitement aux codes hollywoodiens actuels, l’originalité avec laquelle ceux-ci sont employés force l’admiration tant ils parviennent à donner au film une identité propre, rendant hommage de la plus belle des manières à sa nature première, c'est-à-dire le comics, avec ses effets très stylisés et son patchwork particulièrement travaillé. Comme dans tout film de Michel Gondry, en somme.
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Dark Knight Rises (The) - 6,5/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 16:01

The Dark Knight Rises
Un film de Christopher Nolan

6.5/10


Image


La trilogie s'achève dans un contexte de chaos. The Dark Knight Rises convainc, mais n'étonne pas.

Film le plus attendu de l’été et, pour certains, de l’année, The Dark Knight Rises n’aura cessé ces dernières semaines d’animer l’actualité cinématographique à grands coups de bandes annonces tapageuses, d’images inédites de tournage, de révélations plus ou moins excitantes, et même d’un making-off inattendu mis en ligne avant la sortie du film – dévoilant ici et là des détails supplémentaires sur l’intrigue. Derrière cette communication monstre, pour ne pas dire envahissante, symbole des temps actuels, se cache surtout l’aboutissement d’une trilogie qui, au côté des Spider-Man de Sam Raimi, aura incontestablement marqué son époque faite d’une avalanche de films plus ou moins bons de super-héros et qui n’aura laissé que peu de répit aux inconditionnels du genre. Mais si les Hulk, Iron Man, Green Lantern, Daredevil et autres Captain America misent d’abord sur une sacralisation classique et habituelle de l’Héros – avec ou sans supers pouvoirs –, le Batman de Christopher Nolan reste le reflet métaphorique de l’homme occidental, armé de son abondance de capital et de savoir. En faisant de Batman une personnification ultime de la morale au sens large du terme, Nolan est parvenu à adapter son cinéma de toujours – celui de la manipulation et du déséquilibre psychologique – au cinéma typiquement hollywoodien, fait de personnages désireux et désirables, de révélations successives et de scènes d’action effrénées. Cette prouesse autant scénaristique que technique aura fait de sa trilogie l’une des plus singulières des dernières décennies, tant la manière dont Batman, héros jouissant d’une popularité inégalée, aura été traité relève véritablement de l’exploit – surtout à une époque où le cinéma devient un art de moins en moins suggéré, écrasé par l’importance de l’image et du progrès technique.

Après la naissance dans Batman Begins et la mort dans The Dark Knight, c’est avec logique que ce troisième volet traite de la renaissance de Bruce Wayne, détruit par la mort de Rachel Dawes causée par le Joker. Huit années se sont déroulées depuis, huit années où Batman n’est pas apparu puisque celui-ci s’est volontairement accusé du meurtre du procureur Harvey Dent, véritable héros populaire qui, pour l’opinion, a réussi à rétablir la sécurité et la justice dans la ville de Gotham, autrefois rongée par le crime et la corruption. C’est dans ce contexte de doutes et de questionnements existentiels – Bruce Wayne peut-il survivre sans Batman, et inversement ? – qu’un nouveau danger menace la ville, celui d’un mercenaire, Bane, appelé aussi l’homme masqué. Alors que les attaques de ce dernier se multiplient, Wayne décide de renfiler le costume pour retourner protéger une ville aux abois.

A la manière d’une grande partie des films de son réalisateur, The Dark Knight Rises reste ancrée dans l’actualité et le quotidien. Dans The Dark Knight, chacun des plans évoquait le spectre de l’attaque terroriste et, plus précisément, du 11 septembre où les buildings enflammés faisait résonner en nous la terrible journée qui fit définitivement entrer le monde dans le XXIème siècle. The Dark Knight Rises est quant à lui un film purement capitaliste, traitant de la crise actuelle – et éternelle ? – avec alarmisme et défaitisme : corrompue, égoïste et esclavagiste, l’élite est décriée avec hargne – la bombe nucléaire déployée par Bane constituerait alors la seule solution au problème tant le mal semble enraciné. Dans ce contexte, le millionnaire Bruce Wayne apparaît, une fois de plus, comme l’anti-héros par excellence. L’enjeu du scénario repose alors dans la condition de héros que le Batman implique à Wayne, véritable pierre angulaire de la trilogie, qui a perdu foi en la vie et en son utilité. Comme lui affirme Alfred, son majordome, Bruce Wayne pourrait voir en Bane un moyen d’offrir sa vie à une cause noble afin de lui donner un véritable sens : « je n’ai pas peur que vous disparaissez, j’ai peur que vous le souhaitez ». Néanmoins, si le film se veut évidemment psychologique, son penchant dramaturgique se montre nettement moins profond que dans les deux premiers épisodes, notamment car ceux-ci osaient aborder l’histoire avec noirceur abyssale, presque crépusculaire, tandis que ce dernier volet reste, indiscutablement, beaucoup plus accessible et grand public. A l’image de sa fin avortée, il manque au film l’audace de ses prédécesseurs, que ce soit dans son traitement ou dans son écriture. L’omniscience des personnages – combien de séquences où Batman se trouvera au bon endroit au bon moment sans réelles explications ? –, l’extravagance de certaines révélations ou encore l’extrême simplicité de nombreuses situations – encore et toujours la fin – rappellent ainsi que The Dark Knight Rises reste, avant toute chose, l’adaptation d’un comic.

Si le scénario déçoit quelque peu dans ses aboutissements, tout en étant très largement au dessus des habituelles productions du genre, Nolan parvient à décrire ses personnages avec une stupéfiante parcimonie en les érigeant en véritables figures cinématographiques. Force est de constater que les nombreux nouveaux personnages sont intégrés avec une intelligence remarquable, respectant les standards aussi bien graphiques que narratifs du comic. Catwoman, interprétée avec perfection par l’élégante Anne Hathaway, Bane ou encore Blake disposent chacun de la profondeur nécessaire à leur bonne intégration dans le récit, tandis que leurs corps sont filmés avec grâce, de manière à bâtir la mythologie indispensable au genre auquel appartient le film.

Fait d’une succession de scènes d’action enivrantes – malgré les musiques envahissantes de l’incontournable Hanz Zimmer – et de paroles en quantité contrôlée, The Dark Knight Rises clôt la trilogie avec une certaine amertume. Et si le film regorge de maladresses très regrettables, force est de constater qu’avec Nolan, le blockbuster se veut intelligent.
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Holy Motors - 8,5/10

Messagepar cinemarium » Sam 11 Aoû 2012, 16:05

Holy Motors
Un film de Leos Carax

8.5/10


Image


Douze années après Pola X, son dernier long métrage, Leos Carax filme les entrailles de son art dans ce film à l'apparence folle.


Holy Motors. Un film, deux mots, deux mondes.

D’abord, celui du cinéma, de l’Hollywood bancal qui, fatigué, accusé par le poids de l’âge, vient de perdre son premier, ou peut-être son second, "L" : Holy. Les hommes vieillissent, meurent. Le cinéma aussi.

Holy Motors, c’est aussi, et surtout, le monde de Leos Carax, homme maudit, artiste incompris, écrasé par la logique, implacable, de la performance. En 1991 sortait Les amants du pont-neuf, sublime fresque sentimentale portée par Juliette Binoche et Denis Lavant, double du cinéaste. Dans les commentaires de la bande-annonce postée sur YouTube, un internaute anonyme écrit : « This is the film that made me want to go to Paris. I finally did in 2000. On my last day in the city, I woke up early to watch the sun rise. I walked over Pont-Neuf bridge, a croissant in one hand and a cappucino in the other. » La magie du cinéma, décrite en trois phrases, capable de tout. Las, à sa sortie en 1991, le film ne reçoit pas le succès mérité alors que la critique, elle, est élogieuse. Pis, il représente un gouffre financier que l’industrie ne pardonnera jamais. Blessé, rejeté, Carax mettra huit ans à se relever pour sortir, en 1999, Pola X, une adaptation libre du roman de Herman Melville, Pierre ou les Ambiguïtés. Une fois de plus, le film est un échec, commercial mais aussi critique. Seconde traversée du désert qui, cette fois, durera douze ans. Une éternité. Carax n’en peut plus. Il veut tourner. Encore. Et toujours.

Arrive alors Holy Motors, enragé, bâti sur cette mouvance que représente le cinéma. Le film est une ellipse immense, il commence et se termine par le confinement d’hommes, de femmes et de machines. On y découvre Oscar, personnage aux formes multiples, autant banquier que clochard, autant vieillard qu’assassin. Assis dans une limousine, allant de mission en mission, l’homme se maquille et se transforme dans cette loge mobile et sinistre. De quoi parle donc Holy Motors ? Surement de lui même, de sa nature première, du cinéma. Oscar doit être acteur. On ne sait pas et là n’est pas l’importance car le film ne s'explique pas: il se regarde et offre, à chacun, une interprétation. Dans une des scènes, à la plasticité sublime, Oscar tourne une séquence en motion capture, dans une salle où seuls ses capteurs le font exister : il virevolte, frappe des ennemis invisibles, tire sur des cibles imaginaires. L’Acteur est mort, croqué par la surpuissance du numérique, fade et indifférent. Arrive alors une femme, puis la séduction, puis la scène sexuelle, réduite, elle aussi, à l’imitation.

Le film brasse la crasse, la beauté, l’amour, la haine, la tristesse. Il passe par tous les états possibles, porté par un Denis Lavant exceptionnel qui offre ici l’une des belles performances de l’année – la séquence de l’homme qui meurt, extraordinaire. Carax en profite pour cracher dans la gueule de son industrie – dans la notre, finalement : le cinéma se meurt, les spectateurs ne veulent plus voir la beauté du monde, les machines sont saintes et donc immortelles, contrairement à l’homme. Oscar est formel : au début, les caméras faisaient notre taille, puis elles se sont faites plus petites pour finalement devenir, aujourd’hui, invisibles.

Leos Carax n’hésite pas à jouer sur nos codes, nos peurs, avouées ou non, pour construire son récit. Oscar ne vit que par son image, puisqu’elle constitue son unique identité. D’ailleurs, l’homme, réactionnaire, n’hésitera pas à enfiler une burqua à Eva Mendès puis, se mettra, lui, à poil, laissant apparaître son érection devant l’absence de chair que représente le voile intégral. L’image, encore et toujours, l’identité, aussi, définitivement au cœur du film et, finalement, de Carax lui-même puisque c’est l’image, son image, qui l’a détruit, qui a gâché, à jamais, une grande partie de sa carrière.

La difficulté était alors de terminer ce film au déroulement linéaire, fait de peu de détours. Faire parler des machines sur la question existentielle de la mort sans sombrer dans l’absurde relevait de l’exploit. Mais Holy Motors, sans être un chef-d’œuvre, est un exploit. Exploit de la forme, exploit du fond – faire parler le cinéma sur le cinéma, idée merveilleuse de la transgression.
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Re: [Cinemarium] Mes critiques en 2012

Messagepar zack_ » Sam 11 Aoû 2012, 16:06

Un retour fracassant qui me fait mais plaisir! Grave plaisir! Merci cinémarium, you're sexy :super:
Surtout que je t'approuve à 100% avec les critiques des deux Gondry, de Take Shelter et de rouille et d'os :super:
zack_
 

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