Invictus, Clint Eastwood (2009)
Invictus est la preuve qu'un bon sujet ne suffit pas pour faire un bon film. Malgré toutes les bonnes intentions qui l'animent, et parmi elles, dépeindre le grand désir de réconciliation inter-ethnique de Mandela qui passera par le sport national (et avant ça les gardes du corps, montrant en filigrane que l'unité compte plus aux yeux de Mandela que sa sécurité personnelle), Clint Eastwood rate ici son coup, et amorce apparemment sa lente descente artistique (j'ai pas encore vu ses films d'après). Pour cause, il avait déjà réalisé ce voeu de réconciliation avec son précédent opus, Gran Torino, qui aurait du être en quelque sorte son adieu au cinéma tant il concentrait les démons de ses personnages passés pour enfin les exorciser. Au lieu de cela, il se répète sans transformer son essai. Cela se ressent aussi au niveau de la réalisation, qui est plate, sans envergure, accompagné de son fils pianiste qui signera désormais sa musique qui préfigure le tic-tic de son horloge biologique. Si le choix du piano avait un sens dans d'autres films, ici il ne fait qu'alourdir une mise en scène manquant déjà de rythme. Le pire est atteint avec toutes les séquences de rugby. Sens du rythme, de l'espace, de la stratégie (la clé de réussite pour l'Afrique du Sud, équipe au bas de l'échelle internationale à l'époque, semble être la forme physique, la bonne blague), du "point important", bref de la lisibilité de l'action, tout est éclipsé au nom du sujet. Vaut mieux pour cela se regarder la VHS de la vraie finale entre Afrique du Sud et Nouvelle-Zélande. Concernant la dimension politique qui est finalement première par rapport à celle du sport, elle est franchement mince, réduite au minimum, et ce n'est pas la fin digne de la première trilogie de la Guerre des étoiles qui viendra me le contredire. Enfin, les deux acteurs-star signent une prestation médiocre, ne semblant pas y croire, malgré la présence de Morgan Freeman à la production. Bref, Invictus est l'oeuvre d'un vieil homme, et cela s'en ressent dans la forme et dans le fond (Mandela c'est lui-même, et ses derniers mots le prouvent), malheureusement pour nous. Cela a pour effet de nous mettre à distance du film, digne d'un docu-fiction. RIP Clint ? Bon, je noircie volontairement le tableau d'un film qui se laisse regarder, mais qui n'est absolument pas à la hauteur des films précédents du bonhomme.
Un film octogénaire dans le fond et la forme. Utile pour palper la forme artistique du pauvre vieux Clint. Plus grave lorsque cela porte sur un sujet aussi passionnant que l'Apartheid, et sur un sport aussi dynamique que le rugby.