The Grey
10/10Il va être difficile de passer après tout ce qui a été dit sur la dernière péloche de Joe Carnahan. Mais malgré tous ces avis finalement très disparates, je m’agenouille devant ce qui semble être la plus grosse claque de 2012.
Joe Carnahan est finalement un réalisateur polyvalent, tendance touche à tout, mais recentrant systématiquement ses œuvres sur l’homme et ses erreurs. Hormis le très sympathique A-team qui répondait plus à un besoin de reconnaissance internationale, Smokin’ Aces (polar à tiroirs), Narc (polar sec) et The Grey (survival) ont tous pris aux tripes proposant des galeries de personnages malmenés par leur existence et qui vont devoir se prouver quelque chose pour rester en vie. Nick Tellis bute une femme par accident, l’agent Messner va devoir survivre après l’échec de son opération ou il y perd son ami et ses convictions et John Ottway livrera son dernier combat avant de retrouver sa femme. La voilà l’essence du cinéma de Carnahan, prendre un homme, le mettre face à ses échecs et lui proposer plusieurs voies à suivre. Il est important de répéter que Joe Carnahan duplique un schéma en puisant ses histoires dans des genres tout à fait hétéroclites pour en sortir toujours la même chose. Et ce n’est pas péjoratif de dire cela ! Je trouve cela couillu de se fondre dans des moules cinématographiques très marqué avec des codes clairs et de les détourner subtilement vers le drame humain. Et finalement the Grey confirme cette tendance. Car au-delà du crash aérien clautrophobique et des attaques de loups affamés, le survival y est finalement effleuré car le film rend plutôt hommage aux hommes et à leur choix devant l’adversité. Certains vont se battre pour leur honneur, d’autres pour leurs familles, d’autres se laisseront mourir. Tout est une question de choix face à une mort quasi annoncée. Car soyons clair, on sait très vite que personne n’en sortira indemne et l’on a même une longueur d’avance sur la mort de chaque personnage. Mais là n’est pas l’intérêt du film. Le but est de pouvoir jauger de la réaction de ces hommes, au passé compliqué, face à un évènement qui va dépasser leur petite existence.
Et Carnahan l’a bien compris privilégiant ainsi les plages intimistes aux attaques des loups. Chaque personnage va se livrer par petites touches créant une empathie totale. Le piège se referme donc sur le spectateur qui va souffrir à leur cotés et être pris aux tripes à chaque mort. La séquence avec Franck Grillo qui reste sur le carreau est peut être l’une des plus belles de l’année. Pas besoin de s’appesantir des heures. La seule force des images et du silence suffit à émouvoir au plus profond. Au-delà des riches thématiques et des personnages magnifiquement écrits, la partie « action » se révèle être la plus décevante. Mais cela ne me surprend guère puisque le survival n’est utilisé que comme toile de fond. Même chaperonné par les frères Scott, la technique est plutôt défaillante avec des loups vraiment limites et des incrustations qui pique les yeux (le résulta du crash clairement !). Malgré tout, on notera quand même un crash d’une puissance incroyable avec le choix de rester avec les passagers en vivant le choc de l’intérieur. Le choix d’une réalisation shaky prend donc tout son sens même si son recours permet par moments de masquer la misère avec les loups. Cet écueil technique n’écorne en rien la dramaturgie du film, à l’image de ce final au carrefour de multiples émotions. La séquence des portefeuilles prend aux tripes et démontre ce qu’est qu’un personnage bien écrit. Il peut être premier, second ou troisième couteau, être présent que 5 minutes ou n’avoir qu’une ligne de dialogue. L’essentiel est qu’il marque le spectateur et que son ombre plane sur le reste du métrage. Cette poignante conclusion emporte le morceau nous rappelant, une à une, chaque victime par le biais photos personnelles. Cette scène ressemble à un véritable crève cœur immédiatement contrebalancée par une rupture de ton assez jouissive. Carnahan pose un regard narquois et acerbe sur les choix d’Ottway puisque ce dernier
. Chacun l’interprètera comme il le sent mais la pique est appréciable même si l’on sent que le réalisateur aime ce personnage d’homme brisé. Je rebondis donc sur la prestation d’un Liam Neeson magnifique (le parallèle avec sa vie privée décuple l’empathie) qui livre, à mon sens, sa plus belle composition. C’est les yeux plein de larmes avant son ultime combat que Liam nous met KO avec une interprétation à l’opposé des bourrins que l’on aurait pu voir dans sa défroque. On boucle donc le film sur les rotules, le cœur serré sachant pertinement ce qu’il va advenir de cet homme. Les interprétations peuvent être nombreuses après le plan final mais il est clair qu’Ottway aura livré sa dernière bataille et qu’il aura rejoint sa femme.
A l’instar de Warrior, The Grey est une vraie claque d’émotions qui prend racine dans un genre binaire (des hommes doivent survivre aux loups) pour nous amener vers des terres d’émotions immenses d’une finesse absolue. Il n’y a pas de surnotage ou quoique soit. Je parle juste d’un film qui m’a pris aux tripes pour me laisser 120 minutes plus tard pantois, admiratif et remué. Je n’attend que ça d’un film lorsque je ne regarde pas de slashers ou de plaisirs coupables 80's. Donc pour moi, la note maximale est amplement méritée !