Si il y a bien une chose que l'on ne peut retirer à ce Batman version Christopher Nolan, c'est d'avoir instauré de nouveaux standards pour les films de super héros. Nous sommes ici à l'opposé de l'esprit Marvel et de son parti-pris beaucoup plus léger, coloré voire par moment aseptisé (même si quelques réussites ne sont pas négligeables comme X-Men First Class, Kick Ass, Spiderman 2). Même s'il ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté des adorateurs du Dark Knight version papier (difficile de plaire à tout le monde), une relecture du premier volet de cette nouvelle saga s'apprécie encore plus lorsque l'on fait fi de toutes les sources d'inspiration (et elles sont nombreuses) accessibles.
En marge de son lourd héritage dans l'univers foisonnant du comics, les réalisateurs qui se sont frottés au plus iconique des vengeurs masqués n'ont jamais dérivé de leurs visions personnelles du personnage créé par Bob Kane (Burton et son approche gothique/foire aux freaks, Schumacher et se vision nanaresque à tendance crypto gay et enfin Nolan et sa patte emprunte de noirceur mais aussi reflet de notre époque). Batman sur le papier, c'est une chose. A l'écran, ça en est une autre.
En décidant de nous conter les origines de l'alter ego de Bruce Wayne, Nolan prend son temps mais le fait bien. Les 45 premières minutes du film sont une mise en bouche de premier choix qui martèlent puissamment le message souhaité par les scénaristes (faisons table rase du passé). Traumatisé par la mort de ses parents lorsqu'il était enfant, Bruce Wayne est un homme en quête d'identité, qui cherche sa voie dans un monde qu'il ne comprend pas. Sa chère Gotham City est vérolée, rongée jusqu'à l'os par le crime et sous le joug de la corruption qui gangrène toutes les instances dirigeantes, autoritaires et financières. Sa rencontre avec Ra's Al Ghul, son parcours initiatique, l'affrontement de ses peurs primales, tout dans ce long épilogue carré contribue à la richesse et la cohérence du Batman nouveau, du plus petit détail (les armes, manier l'artifice et le théâtral) au leitmotiv idéologique (tomber pour apprendre à se relever, seule compte la volonté d'agir).
De retour à Gotham City, il est dorénavant temps de mettre en pratique tous ces enseignements. Continuant de tracer son sillon dans une veine réaliste, le film prend presque des allures de polar poisseux, bien aidé par l'armée de décorateurs qui ont fait des bas-fonds de la cité corrompue une poubelle à ciel ouvert. Les premières menaces sont rapidement écartées (Falcone, interprété par un Tom Wilkinson un peu trop cabotin) mais là encore, plutôt que de saboter le travail narratif effectué jusque là (il aurait été par exemple facile de mettre en place un bad guy over charismatique), la team Nolan continue à privilégier la volonté d'agir d'un Batman qui se heurte à la réalité noire qui règne autour de lui.
Même si la menace est belle (le plan fomenté par Ra's Al Ghul et l’Épouvantail a quand même de la gueule), ces deux ennemis gardent une dimension humaine, presque palpable et à mille lieux du défilé de freaks instauré chez Burton par exemple. Je gardais un mauvais souvenir des scènes de baston à l'époque de la sortie ciné et même si le montage ultra cut et le manque de recul nuit à l'impact, ça reste tout à fait correct même si décevant au regard de l'apprentissage ninja relaté plus tôt. En revanche, les phases furtives sont plutôt réussies, bien aidées par un mixage sonore habile qui distille minutieusement le sentiment d'effroi des larbins apeurés par la menace planante.
Le film jouit également d'un casting trois étoiles. Dans le costume du Dark Knight, Bale est bon (il a surtout la tête de l'emploi) même s'il a du mal à garder une intonation identique lorsqu'il fait la grosse voix (fausse bonne idée vu la difficulté qu'il a à jouer sur les mêmes octaves). Il est surtout entouré de seconds rôles de premiers choix (Morgan Freeman, Michael Caine et Gary Oldman, tous parfaits dans leurs rôles respectifs de Fox, Alfred et Gordon). Du côté de l'opposition, Murphy et Neeson sont plutôt bons même s'ils sont plus en retrait du fait de la volonté narrative de ne pas imposer de menace trop importante dans ce premier volet. Seule la miss Holmes fait un peu tâche au mileu de toutes ces stars. Elle n'est pas irrécupérable mais a parfois des expressions faciales complètement inappropriées à ses lignes de texte.
Evidemment, tout n'est pas parfait, on peut regretter un léger manque d'action, un manque de plans iconiques, une utilisation décevante et survolée de l'asile d'Arkham (quel dommage) mais finalement Nolan s'est surtout attaché à poser des bases solides pour sa trilogie, privilégiant les tourments et les origines de son héros plutôt que l'esbrouffe visuelle masquant une coquille vide (genre Avengers). Moins bancal que dans mes souvenirs, ce Batman Begins est une franche réussite.
8/10