l'Aigle des mers |
Réalisé par Michael Curtiz
Avec Errol Flynn, Claude Rains, Brenda Marshall, Flora Robson, Henry Daniell, Alan Hale, Gilbert Roland
Aventure, USA, 2h07 1940 |
9/10 |
Résumé : 1585, L’Angleterre et l’Espagne sont engagées dans une lutte acharnée pour la suprématie maritime. Geoffrey Thorpe, capitaine de l’Albatros, est un Aigle des mers, un corsaire mandaté par la reine Elisabeth I pour attaquer les navires espagnols...
Un grand classique de l’aventure maritime qui porte très haut l’étendard du genre Swashbuckler, très librement adapté du roman éponyme du spécialiste du genre, Rafael Sabatini.
Sur fond de guerre de suprématie maritime entre l’Angleterre et l’Espagne,
Curtiz offre au public un film épique et brillant, parcouru du souffle de l’aventure et agrémenté d’un zest de romance. Abordages spectaculaires, canonnades, duels, trahisons, complots et embuscades, scènes de galère et d’évasion, autant d’actes de bravoure et de rebondissements qui s’enchaînent à un rythme trépidant dans ce sommet de divertissement.
Michael Curtiz maîtrise l’art de la fresque et de la reconstitution historique (construction de deux navires, réutilisation des somptueux décors et costumes de son film précédent «
La Vie privée d’Elisabeth d’Angleterre »…) mais c’est dans la réalisation des scènes d’action que son sens du spectacle explose. La première bataille navale du film est un modèle du genre avec une scène d’abordage particulièrement réussie et très convaincante. Le spectateur ressent la puissance des canons, le choc des rames qui se disloquent, la violence des combats… comme rarement dans les films de l’époque.
Le duel final se transforme en un superbe ballet d’ombres comme seul
Curtiz en à la secret (alternance de clairs-obscurs, jeux d’ombres projetées sur les murs pour accroitre l’intensité de la menace). Une impression de « réalisme » se dégage des affrontements qui ne sont pour la plupart pas accélérés artificiellement, comme c’était si souvent le cas dans les films de
Cape et d’Epée ou de
Pirates. Tout au plus quelques effets de ralentis plutôt novateurs pour l’époque. Le film est doté d’une magnifique photographie Noir & Blanc qui se teinte de «
sépia » pendant l’attaque dans la Jungle, conférant au film, un aspect « documentaire » qui accentue le côté dramatique de cette scène.
Curtiz nous propose donc une mise en scène rythmée par les multiples rebondissements, alternant les plans larges et les gros plans plus intimistes, multipliant les idées et les angles de prises de vues originales pour l’époque afin d’apporter une belle dynamique à l’ensemble du film. L’
Aigle des mers est également porté par une des plus belles compositions symphoniques de
Korngold, puissante, tonitruante et pourtant discrète dans les scènes plus intimistes.
Geoffrey Thorpe est l’incarnation même du héros romantique typique du cinéma de Michael Curtiz. Un corsaire de fiction qui emprunte quelque peu à Drake, Hawkins ou Frobisher, interprété par un Errol Flynn alors au sommet de son art et de ses performances physiques. Pour moi, il s’agit d’un de ses meilleurs rôles et je le trouve plus charismatique que dans Captain Blood ou Robin des Bois, car le personnage de Thorpe a assurément plus de profondeur que les deux précédents rôles, même s’il est dans le même registre de dualité : vaurien/galant homme. Au côté fougueux, enthousiaste, bondissant, arrogant, courageux du personnage, s’ajoute la force des convictions et les faiblesses qu’elles peuvent engendrer, le désenchantement, l’abattement et les souffrances de la captivité. Le petit bémol du film est l’interprétation assez fade de Brenda Marshall dans le rôle de Dona Maria. On ne ressent pas de réelle alchimie dans le couple Thorpe/Maria. En revanche Flora Robson est excellente dans le rôle d’Elisabeth, à la fois malicieuse, rusée et tempétueuse.
Même si la dimension politique reste anecdotique, cette scène où des femmes s’amusent sur le pont d’une galère espagnole pendant que des hommes enchaînés meurent dans l’indifférence à fond de cale est assurément une charge contre l’esclavage. Par ailleurs, le discours final d’Elisabeth résonne comme un acte de propagande des producteurs de la Warner, pour soutenir l’effort de guerre britannique(1940). Un parallèle entre la soif de conquête de Philippe II et celle d’Hitler qui passe mal aujourd’hui, mais dans le contexte de l’époque, cet appel, à peine voilé à l’union sacrée reste néanmoins compréhensible.
Un chef d’œuvre du cinéma d’aventure à découvrir d’urgence.