Il n’y a que les joyeux drilles de Groland (Benoît Delépine et Gustave Kervern) pour apporter un peu de fraîcheur dans le paysage ultra balisé de la comédie française. A mi chemin entre le road movie statique (on quitte rarement la zone commerciale où se déroule l’action) et la comédie déjantée sur fond de crise économique et sociale, Le Grand Soir est une excellente surprise qui réjouit surtout grâce à son duo d’anthologie, frangins malgré eux qui ne trouvent pas leur place dans notre cher pays qui exclut les inadaptés à tour de bras.
Albert Dupontel (toujours aussi drôle quand il s'énerve) et Benoît Poelvoorde sont en grande forme et ça fait particulièrement plaisir de revoir ce dernier dans un rôle de qualité tout à sa démesure après une longue période de disette post Podium (le succès commercial n'entraîne pas que des bons choix, il en est une preuve vivante). Il flotte également sur le film un délicieux parfum de western avec une ville prospère symbolisée par une zone commerciale périphérique et dont le saloon ne serait autre que la Pataterie familiale tenue par les parents de nos deux paumés. Parlons-en d'ailleurs des parents. Entre un père deux de tension et surtout une mère complètement à l'ouest (Brigitte Fontaine, une idée de génie et tellement évidente), il y a matière à jouer à fond la carte de l'humour décalé.
Jamais lourdingue dans son message, qui n'est qu'une toile de fond servant à dérouler les séquences cultes, drôles, touchantes voire poétiques, Le Grand Soir est un film qui file indéniablement la pêche. Bien loin du côté abstrait parfois rebutant de leurs oeuvres précédentes, les deux réalisateurs trouvent ici le dosage idéal entre leurs convictions d'auteurs et les exigences du grand public.
Les zygomatiques des spectateurs sont servis (la première scène à la Pataterie, les magouilles de Poelvoorde pour arnaquer les clients du Carrefour local, Dupontel et son employeur, la scène du pendu, le mariage et sans oublier le chien 8°6 ou encore les rêveries punk du personnage de Poelvoorde), l'émotion affleure régulièrement et on a le droit comme d'habitude à de savoureux caméos (Depardieu, Moreau, Lanners). Une très belle réussite qui devrait plaire à tout ceux qui ont dit merde au moins une fois dans leur vie. We are not dead!