Taegukgi (Frères de Sang) de Kang Je-gyu
(2004)
Excellent film qui ne fait pas mentir sa réputation élogieuse. Pour une première véritable intrusion ambitieuse dans le genre du film de guerre, le cinéma sud-coréen fait très fort en se dotant d'un des plus gros budgets de son histoire, d'un réalisateur ayant à son compte un autre gros succès au box-office (
Shiri) et d'un casting sans faute, le tout sur un script qui, malgré les premières apparences, est loin d'être l'hymne patriotique que l'on pouvait craindre. Déjà, la première surprise du film vient du fait que le budget est toujours utilisé à bon escient, ainsi avec 12 millions, Kang Je-gyu arrive à livrer un spectacle visuel franchement impressionnant qui n'a clairement pas à rougir devant la majorité des productions occidentales du genre. Bien entendu, le film a forcément ses références, on a ainsi souvent l'impression de voir un mix réussi entre le
Saving Private Ryan de Spielberg (pour la démesure visuelle et l'ultra-réalisme) et le
Bullet in the Head de Woo (pour l'intrigue intimiste). Faire un film sur la guerre de Corée était vraiment une grosse prise de risques, le film pouvant tomber facilement soit dans l'absence de parti-pris soit dans la propagande sud-coréenne totale, pourtant il n'en est rien, tout simplement parce que le film ne cherche jamais à s'intéresser aux soldats nord-coréens et préfère se concentrer non pas sur le conflit lui-même mais bien sur la relation entre deux frères du sud. Ainsi,
Taegukgi est un film de personnages avant d'être un film de guerre, et c'est véritablement ce qui fait sa force, notamment sur le plan de l'émotion où le film arrive à frapper très fort avec sincérité et donc sans jamais tomber dans le pathos forcé. Cinéma coréen oblige, le film offre des moments de pure violence barbare sans foncer dans la piège du manichéisme, les sud-coréens arrivant même sur certains passages à se déchirer entre eux. Niveau mise en scène, il y avait de quoi avoir peur avec Kang Je-gyu qui montrait avec
Shiri ses limites dans la façon de filmer l'action, et pourtant force est de constater qu'il s'en sort ici à merveille. Bien entendu, on pourra toujours reprocher un manque de lisibilité sur certaines séquences, mais le chaos guerrier est représenté de façon convaincante, les plans iconiques ne sont jamais recherchés (ils seraient d'ailleurs hors-propos) et certains plans d'ensemble ne manquent pas d'ampleur (notamment la première vision de l'armée chinoise en marche). Quand au casting, outre le caméo sympathique de Choi Min-sik faisant référence au personnage qu'il interprétait dans
Shiri, c'est véritablement le duo principal qui force le respect, Won Bin, malgré une introduction qui ne joue pas en sa faveur, se révèle excellent lorsque son personnage change radicalement, Jang Dong-gun est une excellente surprise, convaincant de bout en bout. Pour ce qui est des personnages secondaires, on retrouve énormément de têtes connues. Sans être une œuvre dénuée de tout défauts, il faut bien avouer que
Taegukgi est vraiment un film étonnant dans sa qualité globale et sa sincérité touchante, un film profondément humain qu'il faut aborder comme tel pour en saisir toute l'émotion qu'il dégage.
NOTE : 8/10