Réalisation :
William Friedkin
Photographie :
Caleb Deschanel
Acteurs principaux :
Tommy Lee Jones
Benicio Del Toro
Connie Nielsen
Leslie Stefanson
John Finn
...
Explosions, massacre, sauvagerie. Ainsi commence Traqué, 18ème film de ce cher William Friedkin. La première image nous en dit déjà beaucoup: un très gros plan du visage de Del Toro maquillé et éclairé par les flammes. Un visage dont les yeux scrutent l'horreur de la guerre du Kosovo et dont le cerveau assimile déjà ces éclairs de violence. Un soldat dont l'esprit restera marqué à jamais par ces horreurs. Ce militaire, campé par un excellent Benicio Del Toro jouant à merveille de cette sorte de schizophrénie, est un membre à part de cette escouade intervenant au Kosovo. Un membre des forces spéciales expert en infiltration, un vrai caméléon entrainé à la dissimulation et au self defense. Sa mission consiste alors à se faufiler entre les massacres qui ont lieu dans le pays pour aller assassiner un gradé. Cette séquence est âpre, violente et porte la couleur des flammes. En effet, la photographie accentue les teintes orangées afin de se démarquer formellement du reste du métrage qui se déroulera davantage dans des espace gris bleutés. Cette accentuation parait peut-être un peu trop tant le film semble mal vieillir esthétiquement. Le dosage colorimétrique parait plutôt raté et les décors n'arrangent rien tant l'introduction sent la colle à maquette à plein nez.
Cette courte introduction dénote du reste du film, Friedkin nous choque puis déroule son histoire tranquillement. Del Toro est marqué mentalement, il reçoit sa médaille mais semble déjà ailleurs. Dans le dortoir il est isolé et assailli de cauchemars, c'est le début d'une inévitable descente aux enfers. On a donc sans aucun doute une introduction antimilitariste visant les horreurs vécus par les soldats, l'absence de suivi (une médaille et basta) et une petite pique à travers le bombardement des civils par l'OTAN.
La deuxième partie nous présente le personnage de Tommy Lee Jones. Un vieux pisteur barbu et débrouillard. On le découvre suivre la piste d'un loup blessé pour pouvoir le soigner. Il connait les pièges, il sait lire des indices, se repérer, on devine déjà le lien avec le personnage de Del Toro. L’intérêt de cette séquence réside dans la mise en parallèle avec l'épopée meurtrière de Del Toro. Le loup, animal féroce, guerrier, se retrouve chassé, traqué, parce qu'il provoque la peur et la colère quand il attaque des élevages. Del Toro va lui aussi se retrouver chassé pour ses actes. Tommy Lee Jones accepte immédiatement le job car le sauvetage d'animal blessé c'est son domaine. Et il va alors tenter de raisonner le soldat devenu fou. Sans arme, ni haine, ni violence (spéciale kassdédi à Spagiarri
) il va vouloir sauver Del Toro des hommes qui le chassent. Mais au contraire du loup blanc, il semble déjà perdu et le soigner est impossible. C'est donc celui qui voulait le sauver qui finira par vouloir le chasser, par nécessité pour le reste de la population. Car tuer n'est pas (plus ?) dans la nature de Tommy Lee Jones.
La réalisation de Friedkin est impeccable. On a une nouvelle fois droit à une poursuite excellemment bien filmée, on sent l'ampleur, les chocs, on est dedans et ça a d'la gueule. Mention spéciale évidemment au combat de fin entre deux spécialistes du self defense. C'est chorégraphié pour sembler réaliste et c'est génial ! Ça fait mal, ça saigne, ça transpire, un des combats les plus réalistes que j'ai pu voir. J'ai adoré également la poursuite à pied avec les camouflages incessant de Del Toro, sa double personnalité y est d'ailleurs accentuée par la séquence des cascades.
Le combat de fin est précédé par une poursuite le long de Columbia River. On y découvre encore une fois les dégâts de l'homme sur la nature à travers les industries abandonnées le long du fleuve. Car c'est de cela aussi qu'il s'agit dans
Traqué, la perversion de la nature par l'homme. L'esprit de Del Toro est perverti, la nature est pervertie par les pièges et les pollutions diverses. En parlant de pièges j'ai relevé dans pas mal de critiques que beaucoup trouvent décevant le fait que Del Toro arrive à construire son piège en quelques minutes (celui avec les deux troncs d'arbre). Hors quand Tommy Lee Jones rentre dans la forêt on remarque une sculpture accrochée sur un arbre et quand on sait que cette région a été et est encore peuplée d'amérindiens on est en droit de penser qu'ils se trouvent dans un de leurs territoires et qu'il s'agit d'un de leurs pièges. Tommy Lee Jones ne se fait pas piéger, il découvre le piège (une graine en appât) et son côté protecteur déclenche le piège pour éviter la mort d'un animal.
Bref un excellent film avec deux acteurs en pleine forme, les seconds rôles sont eux totalement mis en retrait et ne participent que très peu à l'intrigue. C'est peut-être le point le plus négatif du film tant les deux personnages principaux semblent abandonnés du monde qui les entoure.
8/10
Oh God said to Abraham, "Kill me a son"
Abe says, "Man, you must be puttin' me on"
God say, "No." Abe say, "What?"
God say, "You can do what you want Abe, but
The next time you see me comin' you better run"
Well Abe says, "Where do you want this killin' done?"
God says, "Out on Highway 61."