Mettons les choses au clair : il s'agit plus d'un film de guerre et de siège qu'un film proprement historique. Cette fameuse bataille des anglais contre les zoulous est ce qui est ici traité. Le véritable sujet porte sur l'héroïsme des guerriers, traités à égalité (l'introduction avec la présentation élogieuse du pasteur des zoulous, et le salut final de ces derniers ne laissent pas de place au doute), bien que la conclusion penche légèrement en faveur des anglais avec cette distribution des médailles pour leurs faits de guerre. Par conséquent, pour l'apprécier totalement, il faut savoir préalablement que ce film n'a pas la prétention de dresser un contexte historique de manière détaillée (deux lignes suffisent pour en dessiner les contours), bien que la reconstitution en elle-même est très bien réalisée. Pour faire bref, c'est du
Fort Alamo où l'on aurait remplacé les indiens (ou des mexicains pour le film précité) par les zoulous.
L'introduction commence fort en nous plongeant au milieu d'une procession zoulou, avec leurs danses et chansons nuptiales, tout à l'honneur de leurs guerriers. Un témoin occidental : un pasteur hollandais à la fois sympathisant des zoulous et antimilitariste. Malheureusement, sa présence ne sera pas subtile du tout, même pathétique, bien qu'occupant une fonction primordiale pour comprendre la tonalité du film : il incarne la culpabilité latente ou virtuelle au sein de la garnison. Habituellement, l'inclusion de messages religieux ne me dérange pas. Encore faut-il que ce soit fait avec intelligence. Or, son personnage m'a énervé du début à la fin. Je pouvais tout juste me raisonner avec l'idée que ce genre de personnage caricatural, prêt à défaire le moral des hommes au nom d'une idée déplacée de paix alors que la vie de chacun est en jeu, devait être monnaie courante. Deux exceptions à la règle : d'une part la citation du psaume 144, repris à la fois par le pasteur et un sergent, très pertinent car pouvant être vu à la fois comme une critique qu'une justification de la guerre (ce qui est un peu la ligne floue du film, entre discours antimilitariste et éloge de l'héroïsme). Enfin, l'idée du chirurgien de transformer la table des sacrements et l'église en table d'opération et hôpital (on parle de lieu pour l'homme qui souffre. J'aime beaucoup cette allusion, ce terre-à-terre non dénué d'humanisme).
Après cette petite mise en bouche autour de la culture zoulou, présente pour une seule raison, montrer de quel bois ils sont faits, nous avons droit à une assez longue présentation du côté anglais. J'ai eu un peu de mal au début à adhérer au rythme qui suit. La réalisation est sobre, carrée, et manque un peu d'énergie, d'ampleur, malgré un gros boulot sur les costumes, et que tout cela se déroule dans de magnifiques décors naturels. Heureusement que la musique, d'un niveau épique rare, est présente pour relever le tout. Puis c'est finalement assez proche du début de
Lawrence d'Arabie au niveau du rythme : ce flegme et cette apathie anglais, cette volonté lasse de mettre de l'ordre au milieu d'hommes qui ne sont pas destinés a priori à la bataille, à savoir beaucoup de civils qui devront mettre plus tard la main au fusil. En rajoutant l'incompétence apparente de ces deux chefs, l'un professionnel mais novice sur le terrain, et l'autre expérimenté mais dépassé par les événements, on s'attend vraiment à ce que cette bataille soit perdue d'avance (surtout que le bataillon anglais précédent a été terrassé par les zoulous avec beaucoup plus d'hommes en réserve). Bref, une partie essentielle pour introduire les personnages, les connaître un peu mieux, et faire monter le climax.
Enfin, la partie des batailles, ma préférée, qui dure tout de même une bonne heure. Dans le détail, il y a des problèmes de collision (coups qui passent à côté), mais si on jette un oeil sur le tableau général, on peut excuser ces petits défauts. J'ai entendu des références au
SDA, et effectivement certaines séquences sont franchement similaires, par exemple l'arrivée impressionnante des zoulous qu'on entend au loin et qui tapent sur leurs boucliers pour effrayer leurs adversaires, puis une des attaques procédant en deux rangées d'artilleurs s'exécutant en alternance. On assiste aux stratégies se mettre en place des deux côtés. Celle des zoulous est expliquée en détail, d'abord cette fameuse formation en corne de boeuf, puis cette étrange attaque suicide qui est plus subtile qu'elle en a l'air. Celle des anglais aussi, qui agissent plus en fonction du terrain et de l'initiative de leurs adversaires. Les affrontements sont violents, il n'y a pas de place pour les tire-au-flanc. Alors que je trouvais les personnages un peu apathiques au début, au fur et à mesure que la boucherie se met en place, ils deviennent beaucoup plus humains, touchants, et on les voit s'attacher à des trucs anodins en situation normale, mais qui acquièrent toute leur signification quand l'espoir est presque nul, comme la survie d'un veau ou le cognac des officiers mis sous clé. Bien que la réalisation continue à être assez carrée, le montage, notamment lors des affrontements, fait toute la différence, très efficace, la dernière attaque étant la plus intense.
La fin, comme le début est très réussie (notamment avec le salut des zoulous), accompagnée d'un petit message antimilitariste beaucoup plus léger et mieux introduit que celui du pasteur, qui mine de rien nous a préparé à ça :
j'étais là pour construire un pont (lâche le commandant). Si le contexte n'est pas expliqué, c'est aussi pour montrer la vacuité d'un tel conflit : en situation de survie, il ne reste que des guerriers. Mais que défendent-t-ils ? Aucune réponse n'est donnée, car il n'y a pas la volonté derrière de résoudre quoi que ce soit. Puis faut juste voir les visages tirés et quasi éteints des soldats pour comprendre que cette bataille n'avait pas de raison d'être, reflétant juste un amour-propre de soldat. La conclusion demeure quand même à la gloire des anglais (c'est un peu le revers de médaille de l'absence d'un contexte historique : sans ça, il ne reste qu'un film de guerre, avec une mise en cause de la violence, mais finalement avec quand même un petit penchant pour les anglais, malgré le respect mutuel des guerriers à la fin).
Au niveau du casting je n'étais pas très enthousiaste au début, avec en première ligne le pasteur et sa fille, qui ne dépassent jamais leur fonction et consistent à nous rappeler qu'il y a un temps pour la paix et un temps pour la guerre, et que dans ce dernier cas ce n'est ni un lieu pour les femmes ni pour les démoralisateurs. Mais sur la durée, j'ai eu un coup de coeur pour plusieurs personnages, et parmi eux, les deux chefs militaires (dont Michael Caine, son premier gros rôle), et aussi pour le recalé pour cause d'indiscipline qui finalement deviendra un héros non par obéissance mais parce qu'un ami lui a demandé, sans convention préalable. Le score, je l'ai dit plus haut, est aussi est très bon, épique, avec notamment un très bon moment : lorsque les deux peuples chantent en même temps leurs chants respectifs, reflétant leur culture et leur ténacité face à l'adversité.