Un nouveau film de Jaques Audiard est pour moi la promesse d'un moment de cinéma fort en émotion, De battre mon coeur s'est arrêté fut l'une des séances les plus sensorielles que j'ai pu vivre au cinéma. J'en étais ressorti abasourdi, littéralement sous le charme d'une oeuvre écorchée vive d'où la moindre concession est exclue. Je me suis donc assis dans mon siège rouge le coeur gonflé d'attente mais l'esprit un peu inquiet, la désillusion pouvant être aussi forte que le plaisir lorsqu'un film se fait trop attendre.
Pour ma plus grande joie, De rouille et d'os se révèle être un film très touchant et parvient à nous impliquer dans une histoire simple mais chargée de sens. C'était pourtant pas gagné, la faute à une entrée en matière qui ne parvient pas à poser ses personnages de la meilleure façon, tout est précipité, le script est un peu facile, à ce moment là, le doute m'envahit. Et si .. non, gardons la foi ! Bien m'en a pris, une fois le contexte posé, les personnages installés dans cette tranche de vie qui nous est offerte, tout le spectacle est remis aux mains de deux acteurs qui parviennent à trouver le ton juste. Matthias Schoenaerts est impérial. On retrouve ce charisme animal qui avait déjà envahit les salles lors des projections de Bullhead et contribue ici à insuffler au personnage d'Ali une fausse simplicité qui captive l'attention dès ses premières apparitions. Marion Cotillard surprend, dans un rôle où on ne l'attend pas forcément et offre, le temps d'un film, son corps et son âme à Stéphanie, dresseuse d'orques touchée par l'une de ces catastrophes qui peuvent remettre en question à elles seules, cette volonté de vivre qui est plus ou moins forte en chacun d'entre nous.
Mais là où le film se révèle être une belle surprise, c'est dans son traitement d'une histoire classique à coup de grosses droites dans ta tronche. On est devant le mythe de la belle et la bête complètement revisité, la première peut compter sur ses beaux yeux bleus mais son corps a morflé, le second a un coeur de pierre, une sensibilité à fleur de peau, mais les a-prioris c'est pas son truc, rien ne semble le déranger. C'est cette dualité des personnages qui fait la force du film. Le personnage d'Ali est superbement écrit, et permet à Audiard de dérouler son propos avec une fausse brutalité qui touche en plein coeur. Les deux personnages vont en effet parcourir ensemble un chemin vers l'amour qui était loin d'être évident au départ, crapahutant subtilement entre preuves d'attention et maladresses. Tout se déroule le long du chemin que parcourt Stéphanie pour surmonter son changement physique et social, et si ça doit passer par des combats clandestins où elle apprendra à accepter le côté bestial d'Ali, soit.
Dès lors, notre seule attente est de fouler du pied la ligne d'arrivée de cette histoire chaotique. Et c'est là que le film peine à mon sens. En voulant trop bien faire certainement, l'histoire ne sait se conclure au bon moment. Ainsi, nous est proposée en guise de fin une success story qui n'a pas lieu d'être et insère dans le film une facilité scénaristique malvenue alors qu'elles avaient été évitées jusque là. C'est d'autant plus dommage qu'elle donne aux deux personnages une image finale à l'opposée de ce qu'ils ont montré pendant tout le film. J'ai pas compris :/
M'enfin, je ne vais pas bouder mon plaisir, Jacques Audiard signe une nouvelle fois un film juste et prenant, qui saura vous toucher en plein coeur. Jamais il ne tombe dans le misérabilisme gratuit, se contentant de filmer sans jouer le moralisateur. Il redore également à mes yeux l'image d'une actrice que je n'appréciais pas spécialement et qui trouve avec ce film le meilleur rôle que j'ai pu voir de sa part.