TIME AND TIDE - Tsui Hark (2000)
Après avoir expérimenté comme un malade sur ses deux films avec JCVD, Tsui Hark lâche une véritable bombe dans le paysage cinématographique HK avec Time and Tide, un maelström chaotique et virtuose que l'on peut facilement rapprocher de son chef d’œuvre The Blade, les deux films représentant à merveille les deux faces d'une même pièce.
En effet, tout comme dans son Wu Xia Pian crépusculaire et barbare, Hark va ici casser les codes du polar et réinventer sa mise en scène, faisant du chaos ambiant l'élément fondateur du film, un chaos que l'on ressent à tous les niveaux, du montage abrupte à la narration éclatée, tout est fait pour déstabiliser le spectateur pour mieux l'emporter par la suite dans un déferlement d'action et de pure mise en scène. Car Time and Tide n'est pas un film qui se raconte, son scénario devenant assez rapidement un prétexte à des expérimentations toujours plus osées, à tel point qu'il faudra plusieurs visions afin d'en saisir tous les tenants et aboutissants, aussi simples soient ils.
Car ce qui fait de Time and Tide un monument du ciné HK, c'est bien sa réalisation, jamais le polar HK n'avait été filmé de la sorte, sa gestion incroyable de l'espace et ses expérimentations les plus folles donnant au film une identité inimitable. Une scène absolument dantesque symbolise à merveille la profession de foi du film : Une chasse à l'homme d'une vingtaine de minutes où tous ces tueurs jouent au chat et à la souris dans un immense bâtiment, où chaque action et chaque protagoniste est parfaitement identifiable alors que le chaos règne aussi bien dans le film que derrière la caméra.
Hark est alors à son sommet, d'une créativité sans limite, il livre une scène d'anthologie où les prises de risques laissent le spectateur sur le carreau (ce plan hallucinant où la caméra plonge dans le vide, suivant un des personnages dans sa chute, avant de revenir en plan large sur la fusillade en rappel). A noter également un gunfight totalement jouissif dans la partie qui se déroule en Amérique du Sud et un climax grisant où tous les enjeux du film seront réglés dans une pluie de balles.
Hark s'amuse même à titiller le maitre John Woo et son successeur Johnnie To, en détournant certains de leurs codes pour mieux les exploser (le thème musical décalé qui rappelle celui de The Mission, le final avec le bébé "Hard Boiled style" et l'entrainement au fusil sniper sur des colombes)
Pour ne rien gâcher, tout le casting est bon, Nicolas Tse trouve un de ses meilleurs rôles, la pop star Wu Bai s'en sort honorablement et Jun Kung bouffe l'écran à chaque apparition dans le rôle du bad guy à dreadlocks qui balance des punchlines jouissives.
Une date majeure dans le polar hong kongais et dans la carrière du réalisateur, un monstre de mise en scène, un shoot d'adrénaline qui dévaste tout sur son passage et prouve s'il le fallait encore que Tsui Hark est un des réalisateurs les plus importants de la planète !
9,5/10