El Mercenario Sergio Corbucci - 1968
Premier film de Sergio Corbucci et de Franco Nero que je visionne: c'est bon je suis dépucelé
C'était pas trop tôt ! Merci la médiathèque de Rennes
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Produit par Alberto Grimaldi, scénarisé par Luciano Vicenzoni, El Mercenario est un western zapata dans toute sa splendeur, il ne déroge pas aux règles statufiées par le chef d'œuvre du genre "Il était une fois la révolution": rencontre d'un péon/voleur mexicain et d'un baroudeur/barbouze étranger qui vont se compléter/servir l'un de l'autre pour atteindre leur propre objectif: richesse, pouvoir, amour, idéalisme politique.
En fait, il faut noté qu'El Mercenario est antérieur au film de Leone, et que ce dernier a su intelligemment en prendre les thèmes et les idées et les perfectionner oserais-je dire grâce à son savoir-faire exceptionnel pour aboutir à un remake des westerns zapata existants.
Ce qui est intéressant évidemment comme dans l'oeuvre future de Leone c'est que Corbucci utilise son sujet pour ironiser sur les révolutionnaires en démontrant clairement que l'idéologie politique "voler les riches pour donner aux pauvres" n'est qu'un leurre pour cacher une soif de pouvoir et d'argent. L'adage étant plutôt "voler aux riches pour donner aux révolutionnaires", prétextant la contribution nécessaire à la révolution et laissant le peuple à sa misère. Il nous rappelle également que la révolution n'est pas une idée romantique comme tant l'ont laissé croire pour accueillir de nouveaux partisans. Les conséquences et sacrifices ne sont pas anecdotiques.
Côté technique, Corbucci assure vraiment à la mise en scène, quelques très beaux plans, quelques bonnes idées et surtout une scène de duel dans une arène qui ne fait pas Leone du pauvre du tout. Beau découpage, rythme parfait, le coup de la cloche j'adore, et puis la Corbucci's touch j'ai l'impression: duel entre l'ancien héros de la révolution déguisé en clown de toromachie foraine et un brigand gay-friendly, ceci sans aller trop loin dans la bouffonnerie chère aux italiens => j'adore ! On est vraiment ici dans la comédie à l'italienne transposée au western.
Concernant les interprétations: Franco Nero que je découvre, alias le Polac, est charismatique, classe, pas faussement introspectif. Il joue le rôle du gringo, autrement dit l'étranger, qui est avant tout autre chose est cupide et monnaye son savoir faire guerrier et son expertise des armes au plus offrant sans se préoccuper de l'idéologie de ce dernier: "Je suis de mon côté et je le resterais toujours". Jack Palance dit le Bouclé (Curly) campe parfaitement un brigand vicelard, gay-friendly et inquiétant qui se signe à chaque fois qu'il tue ou fait tuer. Le discours politique est porté par Giovanna Ralli alias Colomba, la bombasse de service mais pas potiche, puisqu'elle joue le rôle de la conscience politique des deux "héros", dur au mal et combative. C'est d'ailleurs grâce à elle, lors de la scène des procès expéditifs que la conscience révolutionnaire de Tony Musante alias Paco Roman, sera révélée avec brio. Ce dernier joue le rôle de ce péon qui veut changer de vie pour ne plus manger de lézard au menu des travaux de la mine. Qualification réductrice du script mais drôle je l'avoue. Plus sérieusement, il apporte la candeur et la naïveté nécessaire à ce type de rôle mais arrive aussi à être crédible en leader révolutionnaire avide de sang, de violence et de pesos.
Enfin je garde le meilleur pour la fin: la musique sublime d'Ennio Morricone dans laquelle puisera intelligemment QT. Les compos transcendent vraiment l'image comme rarement j'ai pu le voir.
En conclusion, El Mercenario, est un remarquable western zapata, influence majeure du chef d'oeuvre leonien: baroque, inventif, ironisant les idéaux révolutionnaires, renvoyant dos à dos les idéologies: "Avec l'idéalisme, il arrive parfois qu'on creuse sa propre tombe !" nous dit le personnage campé par Nero.
7/10
Les hommes livrent leur âme, comme les femmes leur corps, par zones successives et bien défendues.