Avec
PTU, Johnnie To démontre qu'il ne fait pas que des polars basés sur l'attente d'une belle fusillade (il y en a bien une, mais seulement à la fin, très courte bien que très bien foutue), et réalise une oeuvre plus noire par exemple que
The Mission et même
Exilé, tout en gardant son humour décalé si caractéristique de son cinéma à des moments clé du film.
Le script de base ressemble beaucoup à celui de
Chien enragé (Kurosawa) avec ce fameux prétexte de l'arme perdue pour explorer la ville et l'âme humaine qui se répondent en écho, ce que reprend à son compte
PTU. Cependant, l'environnement (la ville nocturne) et le développement narratif différent sur bien des points, produisant un film complètement nouveau. En effet, même si le personnage principal est également un flic, son trauma ne sera pas lié à l'idée que son arme pourrait être mal utilisée. Ici, il (Suet Lam) apparaît bien plus expérimenté que le personnage de Kurosawa, et surtout fier et imbu de lui-même. Son comportement vis à vis d'un petit gang, au cours d'une magnifique scène, sorte de course poursuite cocasse pour la meilleure place du café du coin (celle où il n'y a pas de fuite qui tombe sur la tête), l'entraînera ensuite vers une situation de merde qu'il aura bien cherché (il s'y passe plein de trucs en même temps, brouillant et multipliant ainsi les pistes) qui lui fera perdre son arme à feu. C'est l'humiliation totale, qui pourrait lui coûter sa future promotion par la même occasion. Bref, il va mobiliser toutes les ressources à son avantage afin de la retrouver d'ici l'aube : une autre unité policière, ainsi que la mafia.
Le déroulement qui suit repose finalement sur assez peu de choses, même si je trouve ça bien écrit. Entre les mains d'un autre réalisateur, ce film pourrait paraître vide, mais le gros point fort ici, comme la plupart des To, est la mise en scène (remplie de petites idées au niveau du cadre, des contrastes, et des travellings), entièrement au service du récit, et qui apporte une certaine densité à ce dernier. D'abord, l'ambiance nocturne est parfaitement retranscrite avec une musique quasi absente nous permettant ainsi de ressentir son caractère lourd et oppressant, ces longues marches des enquêteurs au milieu des rues vides qui semblent ne conduire nulle part, reproduisant ainsi la difficulté de l'enquête, véritable aiguille à chercher au milieu d'une botte de foin. Le tempo est lent, voire un peu mélancolique lorsque la musique à base de riffs de guitare se déploie, dans un style tout à fait caractéristique du metteur en scène. D'autre part, nous découvrons l'aspect nuancé de la police, d'abord présentée sous un assez bon jour par un officier (Simon Yam) qui demande à ses hommes de respecter leur métier et les hommes qui sont morts au cours de leurs service, puis qui connaîtra de nombreuses compromissions afin de sauvegarder la bonne image de leurs services (ici l'arme du policier) vis à vis de la société. Le rapport final est un modèle de la réécriture possible des événements pour que chacun soit mis en valeur dans l'affaire, alors qu'ils étaient potentiellement ennemis à la base, divisés par le principe d'intégrité.
Enfin, il y a beaucoup de petites scènes d'humour noir (le type empalé par un couteau qui court jusqu'au taxi pour chercher de l'aide), de situations décalées qui montrent que le regard est bien souvent attiré par la mauvaise personne, ou encore de fabuleuses coïncidences qui compliquent ou facilitent soudainement le cours des événements, mettant parfaitement en valeur l'impuissance des enquêteurs, qui doivent pour s'en sortir, davantage compter les uns sur les autres et la chance, que sur leur capacité d'analyse et d'investigation. Sans oublier le casting parfait de bout en bout, qui contribue bien sûr, à la réussite de ce To, qui marque une nouvelle fois de plus le genre du polar.