Après deux épisodes à l'esthétique assez barrée, nous retrouvons un certain réalisme dans la
Tanière de la bête que ce soit dans la violence et dans le traitement. Cette fois-ci, il n'y a quasiment aucun rapport avec la prison : Scorpion est dès le début dehors, en liberté, et n'y retournera que pour assouvir de nouveau sa vengeance (elle y rentre volontairement, je ne trouve pas ça très réaliste par contre puisqu'elle parvient à y pénétrer incognito alors qu'elle est super recherchée, et il est regrettable de retrouver de nombreuses petites incohérences à ce niveau là). La mise en abîme avec la société et le machisme japonais est toujours là, plus directe, en adéquation avec sa forme plus réaliste : le proxénétisme et ses abus. Bien que les deux précédents films étaient plus intéressants, à la fois plus rythmés, plus poétiques, et plus puissants au niveau symbolique, il nous reste de bonnes petites choses.
Le surréalisme est en beaucoup moins présent dans cet opus, mais il y a quand même certaines scènes croustillantes dans le style du film d'exploitation, comme l'évasion de Scorpion du policier qui tranche le bras de ce dernier (on comprend pourquoi il sera aussi obstiné à la retrouver), et court pendant plusieurs kilomètres l'appendice encore accroché par l'intermédiaire de ses menottes, sans que les passants soient plus offusqués que ça ... La violence est donc souvent crue, et se rapproche plus que jamais du
gallio, puisque notre héroïne muette manie plus que d'habitude son dard (enfin son couteau) contre ses victimes qui n'ont eu (la plupart du temps) que ce qu'elles avaient mérité (ah ouais on sait qu'il ne faut pas l'embêter, il n'y a qu'à voir son regard assassin). Après sa fuite, Scorpion trouve refuge chez une prostituée qui se fait abuser sexuellement par son frère, devenu complètement idiot. Ce n'est pas très subtil, mais ça révèle des choses bien tristes sur la société japonaise, qui fantasme sur l'inceste, bien que la femme en question soit entre soumission et dégoût. Mais le véritable sujet selon moi arrive lorsque cette dernière en tombe enceinte, pareillement que l'une des prostituées, mais ne sait pas de qui. Cette dernière s'en fiche contrairement à l'autre, mais elle comprendra son erreur lorsqu'elle se fera avortée sauvagement par ses maquereaux, ce qui sera l'objet de la nouvelle vengeance de Scorpion. Bref, les bébés représentent le féminin par excellence que la domination masculine aimerait extirper pour ne laisser que l'objet sexuel. Voilà pour le côté symbolique (il y aurait aussi toute une imagerie de la mort à décrypter d'abord chez Scorpion, assassinant les hommes et ce qu'ils représentent soit de manière indirecte soit avec un couteau - comme son nom animalier l'indique - et la maquerelle, entourée de ses corbeaux, et représentant la négativité de la femme).
Il est vrai que l'aspect poétique est malheureusement beaucoup moins présent dans cet opus, perdant ainsi une grosse partie de l'essence des films de la
Femme Scorpion, qui contrebalançait une violence plutôt malsaine. Mais il y a des efforts de mise en scène et de cadrage à signaler ici et là qui nous permettent malgré tout de tenir jusqu'au bout, bien que la dernière partie du film, composée de la fuite de Scorpion et de son incarcération volontaire, affichent une sérieuse baisse de rythme, faute aussi à un manque d'enjeux (il ne lui reste plus qu'une personne à assassiner, et tout le contenu symbolique a déjà été révélé). Reste quand même une belle petite scène dans la seconde partie où l'amie de Scorpion révèle sa présence à cette dernière, cachée dans les égouts, par le biais d'allumettes. Pour terminer, Meiko Kaji est bien sûr toujours aussi charmante bien que peut-être moins impliquée, et le thème musical fait toujours son petit effet. Il est triste de quitter Scorpion sur ce sentiment d'inachevé, surtout en sachant que les films suivants, non réalisés par Shunya Ito, s'enfonceront véritablement dans la médiocrité.