Au début, une jouissive histoire de ninjas avec une ambiance pop se préparait : dommage que ça ne dure pas
Je ne sais pas ce qu'il a fumé Gosha, mais ça devait être de la bonne. Alors, ça commence comme un mélange obscur entre James Bond et une bande de tueurs anonymes ou de l'ombre (d'où le titre) à qui on a coupé la trachée (pour ne pas révéler l'identité de leur chef), plus simple que la langue, et qu'on fait passer pour morts (afin qu'ils obéissent puisqu'ainsi ils ne valent plus rien aux yeux de la société), comme dans
Nikita. L'ambiance fait très WXP, flirtant beaucoup avec du Tsui Hark avec des décors très colorés et des éclairages très classes. J'ai bien aimé la musique issue de la culture pop (encore composée par Sato, décidément partout). Jusque là ça va, malgré le risque d'overdose des références multiples. C'est quand même un peu bizarre de voir ces tueurs muets utiliser la langue des signes, alors que leurs interlocuteurs ne sont pas censés la connaître, mais que l'on comprend grâce à une voix off bienvenue. Bref, Gosha ne se contente pas de changer de style, mais pousse ce dernier à sa limite extrême. Une oeuvre complètement à part de sa filmographie, exactement pour les mêmes raisons que
Getting Any (Kitano) quelques années plus tard.
Un des nombreux intermèdes de danse
Mais au fur et à mesure que l'intrigue avance, on passe du WXP à la sauce japonaise, au WTF digne des Power Rangers. Parlons justement de l'histoire : elle est presque inexistante. Les tueurs muets du début sont abandonnés brusquement au bout de trente minutes au profit d'une jeune fille qui s'avère être l'enfant de l'un d'entre-eux, et prend sa relève. Puis, tout se déroule autour d'une lanière qui contient un document secret pouvant faire tomber un clan de marchands très puissant. D'habitude cela ne me dérange pas qu'une histoire demeure simple, mais il faut au moins qu'elle soit captivante, ce qui n'est pas le cas ici : nous passons d'un groupe de personnages à l'autre sans crier gare, sans comprendre vraiment ce qu'il s'y passe, et sans en développer aucun en profondeur. Mon attention a rapidement chuté. Ensuite, au niveau de la caractérisation, il y a des personnages vraiment collectors, comme le "démon" qui se bat avec son sabre en poussant de petits cris comme Bruce Lee, ou encore la méchante qui ressemble à Ariane du Club Dorothée lorsqu'elle imitait les mangas japonais. Sans oublier qu'ils sont tous maquillés à la truelle.
Une brochette d'acteurs inoubliable
En fait, de quoi s'agit-il ? D'une parodie de chambara avec un humour tout droit sorti des années 80, faisant penser aux séries télévisuelles japonaises de l'époque. L'influence majeure ici est le théâtre du kabuki, duquel nous retrouvons tous les effets excessifs (décors non réalistes, couleurs, jeu des acteurs, ...). A la limite j'aurais un peu plus adhéré au film si ce dernier ne passait pas du sérieux au comique de manière aussi brutale. Personnellement, j'ai vécu tout ça comme un drame artistique. J'avoue que j'ai bien rigolé à certains moments tellement c'était ridicule (dans le bon et le mauvais sens du terme), comme lorsque nous passons à des intermèdes de musique et de danse sans prévenir, ou à des scènes érotiques assez graveleuses. Un véritable OFNI pour nous, mais tout à fait représentatif des productions japonaises des années 80. Soit on est dans le délire, soit on ne l'est pas. Je suis pile-poil entre les deux, la palme au jeu outrancier de certains acteurs, et à un déroulement narratif sans queue ni tête avec des gros rebondissements bien surlignés (même si on reste dans le ton de sa source artistique ...). Dommage, car au niveau de l'ambiance visuelle et sonore, il y a des choses jouissives, surtout pour l'amateur du WXP aux décors en carton que je suis (en plus avec des sabres japonais, ce qui est encore mieux).
Certains combats sont bien rigolos dotés d'une superbe esthétique