8/10
Warlock de Edward Dmytryk - 1958
Encore un film retitré bizarrement, en Vo c'est Warlock ( le nom de la ville ) qui se transforme ici en l'homme aux colts d'or, histoire de faire passer Fonda pour le héros du film alors que c'est bien Widmark le premier rôle ( son nom apparait d'ailleurs bien en premier au générique ), mais Fonda étant surement plus vendeur que Widmark en France, un petit retitrage à la con ne fait pas de mal.
Sur un pitch qui peut paraitre basique, il y a une histoire vraiment riche avec plein de sous intrigues et c'est même plutôt complexe ( et on est loin du manichéisme de ce genre d'histoire, ça vient bien plus loin que méchant contre gentil ici c'est plus la légalité contre la justice expéditive ), dès l'intro on sait que ça va être bien.
Dmytryk dresse 3 portraits de personnages bien différents et l'aspect psycho est intéressant: Fonda campe le pistoléro imbattable et légendaire ( un peu déçu qu'on ne voit pas plus les colts d'or, ils ont bien la classe, on aura très peu le temps d'admirer la crosse mais ça renforce le coté mythique du personnage de pas les montrer ) qui va devenir l'homme providentiel ( pour un temps ) dont la devise est "dégaine pour tuer" ( très important cette devise ) et pour qui vivre dans le luxe est un plus appréciable, Anthony Quinn a le meilleur rôle ( et il a aussi les meilleures répliques du film ), celui de l'ami boiteux de Fonda ( un peu sa mauvaise conscience aussi ), qui est capable de tout pour que personne ne se mette entre lui et Fonda, alors on pourrait y interpréter une homosexualité latente mais c'est vraiment plus compliqué que ça ( il aime les femmes et c'est assez explicite, le tableau de Dorothy Malone dans sa chambre ) mais il y a aussi des scènes un peu cocasse ( Quinn choisit les rideaux de la chambre où il va vivre avec Fonda et on ressent bien la jalousie qu'il éprouve quand Fonda est avec la blonde ), on sent bien que Quinn en peut pas vivre sans Fonda ce qui le pousse à un jusqu'au boutisme assez terrible ( et finalement quand on voit les 10 dernières minutes on peut se dire que c'est amour est réciproque ), le 3 ème perso est l'excellent Widmark qui campe ici au début un cowboy qui suit la meute et qui prit de remord va devenir shérif et voudra faire régner l'ordre comme il se doit.
La profondeur des 3 personnages est vraiment l'atout du film, dommage que le 4ème personnage important du récit qu'est Dorothy Malone ne soit pas plus développé ( son changement d'attitude qui passe de la vengeance à la femme amoureuse est pas des mieux amené, ceci dit le film aurait subit quelques coupes qui réduit les scènes de son personnage ).
Bon en chipotant on pourrait se dire que le chef des méchants cowboy n'a pas le charisme pour rivaliser avec les autres acteurs mais finalement le personnage ne demande pas un acteur trop charismatique, par contre dans les secondes rôles j'ai bien aimé le méchant à tête de fouine qui se révèle être loyal envers son ancien pote.
On a donc un scénario est plutôt habile avec comme question : l’homme peut-il renier certaines valeurs pour installer la loi ? et en plus c'est superbement dialogué avec pas mal de joute verbal qui font office de duel.
La mise en scène est classique et pas spécialement esthétique mais Dmytryk signe ici le film de sa vie car bon c'est loin d'être un foudre de guerre ( c'est le gars qui avait réussit à faire un film de merde alors qu'il avait Mitchum et Ryan au casting :
Feux Croisé ), sa filmo est une succession de films mineurs et films oubliables, ici il se sort vraiment les doigts du cul , alors soyons clair c'est pas un génie du cadre et on est pas renversé par les plans (bon ça reste un excellent taf carré quand même), les mouvements de caméra ne sont pas des monuments de virtuosité mais bon y a quand même quelques jolies paysages à se mettre sous la dent ( mais c'est vrai que le cadre urbain du film limite les beaux paysages ) et surtout c'est jamais plan plan.
Le duel entre Fonda et le gang est bien géré, le premier face à face dans le saloon est bien tendu du slip comme y faut ( l'arrivée de Fonda dans le saloon est un grand moment ) et le 1 vs 1 tant attendu tient toutes ses promesses ( le jeu de Fonda lors de cette séquence est génial mais celui de Quinn est un niveau supérieur encore ) et puis les 3 climax de la dernière demi heure sont bien sympas alors encore une fois c'est pas virtuose ( on a vu des montages plus inventif chez Boetticher ou Mann ) mais c'est clairement efficace et puis plus on avançait dans le temps plus les duels avaient recours à la dilatation du temps, bon ici c'est pas encore très marqué mais ça prend son temps avant de sortir le colt.
Le casting est bien entendu la qualité majeur du film quand on Widmark, Fonda et Quinn dans un film c'est toujours une plus value alors quand on retrouve les 3 acteurs dans le même film on touche au sublime, chacun livrant une prestation plus que convaincante et surtout aucun des 3 ne cherche de voler la vedette, Widmark est le vrai héros du film et il joue ici dans un registre très sobre ( c'est son personnage qui demande ça car ici il est un homme "normal", un homme qui a peur avant d'aller faire son duel ) et il arrive à nous faire comprendre le dilemme moral de son personnage, Henri Fonda aussi joue lui aussi tout en sobriété, il impose toute sa classe dans son rôle de régulateur et puis on a Anthony Quinn qui est le plus exubérant et le plus intéressant des 3 mais pour un personnage exubérant Quinn sous joue, ce qui est assez rare de sa part et il est vraiment excellent ici dans ce personnage d'ami de l'ombre qui par amour/amitié ira jusqu'au suicide, Dorothy Malone livre une prestation dans le même registre que celle de
Quantez ( son meilleur rôle ).
La BO signée Leigh Harline se révèle la plupart du temps anecdotique.
Un classique du genre porté par un excellent script et un casting 3 étoiles du meilleur gout, avec un autre réalisateur on aurait eu un chef d'oeuvre, avec Dmytryk on a un bon film et ce film préfigure le
chef d'oeuvre urbain de John Ford ( et puis pour finir de convaincre ce western était un des préféré de Leone ).