Les Anges de la Nuit Phil Joanou - 1990
SPOILER tout plein
"Jesus Christ, I thought you Kitchen guys were tough guys.
- We're not tough, Nick! We're just crazy"
L'expression homme d'un seul film n'a jamais été aussi bien utilisée que pour Joanou, si on a vu ses 2 autres polars (
Vengeance Froide et Meurtre machin ) on se demande même si c'est bien le même gars qui a réalisé et finalement le titre du film est parfait pour illustrer ce film dans la filmo de Joanou, quand il a fait ce film il a vraiment été touché par la grâce. Car tout le reste de sa filmo est quand même super honteux en comparaison de ce film.
D'ailleurs le nom du réalisateur doit beaucoup jouer sur le fait que ce film est complètement zappé quand on parle meilleur polar ( en plus le film est sorti la même année que
Goodfellas ça aide pas. Le début du film on dirait
Mean Streets chez les irlandais ), alors que clairement il est facile dans le top 5 des polars des 90's et c'est le meilleur polar irish ( oue ça existe pas ce genre mais on s'en fout, tout ça pour dire que c'est meilleur que les Infiltrés quoi ), voir plus, je trouve vraiment qu'il est injustement oublié.
Revoir ce film aujourd'hui mérite de se poser la question, James Gray s'en est il inspiré ( car si il a des références avouées telles que Friedkin ou Coppola ici on pense vraiment à Gray quand on voit ce film ) car le coté tragédie familiale dans un polar est finalement pas si fréquent et ici les similitudes avec le ciné de Gray sont plus que flagrantes.
Alors on peut se poser des questions au niveau du script ( pourquoi infiltrer un pauvre gang irlandais avec 3 gars, qui sont des gagnes petits, enfin ça permet d'avoir un dilemme moral et un twist sympa à mi film ) mais bon c'est vraiment bien écrit ( l'infiltration est bien amenée et on se tape pas les séquences qu'on a déjà vu des tas de fois où tout le monde s'interroge si le héros est un flic ou pas ), c'est très classique mais ici c'est vraiment une qualité, le film ne part pas dans toute les directions, non il se concentre sur ses personnages et leurs relations et ça apporte beaucoup de profondeur à tout ça. Très vite on croit à l'amitié entre les 2 persos, on partage une tranche de vie avec eux et leur descente en enfer qui se terminera forcément dans le sang. Ici tout les personnages sont liés entre eux, soit par amitié, soit par le sang, soit par amour, soit par le bizness, et du coup chaque décision peut être lourde de conséquence.
C'est pas lourd, ça en fait jamais des tonnes ( et pourtant y avait moyen ), on croit à l'histoire d'amitié entre Penn et Oldman (très belle dernière scène toute en simplicité, à l'image de leur relation), on croit à l'histoire d'amour entre Penn et Wright et du coup le dilemme du perso de Penn au coeur du film est vraiment la grosse réussite et le coté tragédie est vraiment puissant, les 3 derniers quart d'heure où tout s'accélère sont vraiment très très réussit ( entre le rdv avec les italiens, la mort de Oldman, la dernière scène entre Penn et Wright et la vengeance finale, la fin sans concession c'est juste parfait ).
Joanou filme tout ça avec beaucoup de classe ( la zic de Morricone aide beaucoup ), la réal est très posé avec des mouvements de caméra très doux, il arrive à faire vivre son Hell's Kitchen ( putain de quartier qui a une vraie puissance visuelle avec son métro aérien, ses vieux bars et ses petites ruelles sombres ) et j'ai vraiment apprécié qu'il filme ses décors en plan large plutôt que de coller au bitume, ça rend vraiment bien, il sort même quelques plans vraiment très beau ( le plus beau c'est celui avec Penn, Oldman et Wright dans l'église avec la caméra qui s'éloigne tout doucement ). On sent la fumée des cigares, l'odeur du whisky sur le bar, une ambiance qu'on retrouvait dernièrement dans The Drop.
Il alterne pour les moments de violence, le meurtre de Stevie puis celui des italiens c'est des éclairs de violence à la Scorcese, c'est soudain et très graphique, le climax final dans un vieux bar irlandais est quand à lui un digne héritage que Peckinpah ( plus que de Woo je trouve ), il s'ouvre sur un super plan de Penn qui arrive au loin avec sa bouteille, le découpage est ultra précis, la dilatation du temps maitrisée ( bel idée de monter ça en parallèle avec le défilé de la Saint Patrick ), les acteurs sont bons ( c'est rare de dire ça pour une scène de gunfight mais je trouve Penn vraiment bien ici, genre quand les balles sifflent autour de lui, il sursaute vraiment ), la violence graphique est appréciable ( ça saigne bien quoi et y a des petits détails cool : le headshot, la main qui explose ) et puis l'ambiance visuelle avec cette pièce éclairée par les lueurs du jours et les éclats des guns c'est vraiment beau ( et puis le plan où Penn se décide à y aller il claque ), faut dire que c'est éclairé par Jordan Cronenweth le gars qui fait Blade Runner quoi. Visuellement j'ai même envie de dire que c'est plus beau que les Affranchis quoi.
"The last guinea around here was fucking Columbus. He only lasted a week"
Sean Penn a l'époque ne jouait pas toujours le même genre de perso qui tire toujours la gueule, ici il est vraiment bon, il arrive vraiment a faire passer le dilemme moral de son personnage torturé ( trahir ses potes ou plaquer son boulot ? ) et il est toujours juste et d'une subtilité appréciable et on le voit même sourire par moment (le premier plan où il revoit Oldman, en 2 seconde ça pose le personnage et leur relation), Gary Oldman une nouvelle fois bouffe l'écran, il est tout simplement génial, Oldman est un très grand acteur qui peut absolument tout jouer, il sait s'effacer derrière son personnage, ici dans le rôle de cet irlandais au sang chaud il aurait put en faire des tonnes mais il reste relativement sobre, et on sent juste un type qui veut à tout prix recevoir la reconnaissance fraternel et ça rend son truand carrément attachant, on ne peut pas en dire autant de Ed Harris, tous aussi bon, qui campe lui un salaud fini prêt à faire n'importe quoi ( vraiment ) pour monter dans le bizness, Ed Harris n'a pas jouer beaucoup de bad guy dans sa carrière mais putain quand il en joue un il est vraiment très bon, bon ici il est pas aussi mémorable que dans
History of Violence quand même, Robin Wright était vraiment mimi à l'époque et elle a toujours été une actrice convaincante. John C.Reilly il est très bien dans les comédies mais je l'aime vraiment dans ce genre de rôle sérieux ( il était très bien dans Outrages ), il joue toujours un peu sur le même registre même il apporte toujours de la profondeur à ses personnages grâce à cette naïveté qui lui colle à la peau, il a pas besoin d'en faire beaucoup, John Turturo sert pas à grand chose mais il fait le boulot, RD Call l'homme de main de Harris a une pure tronche de tueur et il est donc parfait pour le rôle et on a même le temps d'une courte scène très belle ce bon vieux Burgess Meredith.
La BO de Morricone, bein c'est une BO de Morricone, le gars c'est le plus grand compositeur de l'histoire et il magnifie chaque film ( sauf Mission to Mars c'est vrai mais là faut dire qu'il y avait rien à magnifier ), ici on pense un peu au thèmes funèbres de Il était une fois en Amérique et c'est tout simplement sublime.
Un sacré grand polar, beau, mélancolique, tragique, et à la réflexion c'est même meilleur que les polars de Gray. Un film qui se savoure comme un bon whisky, avec délectation.
"You kids from the West Side."
9/10