Revoir
Titanic à l'heure d'aujourd'hui, c'est un peu comme se prendre la claque équivalente à celle prise en 1997. Quinze ans après sa sortie en salles, le septième film de James Cameron conserve toujours sa puissance totale, s'imposant non seulement comme une œuvre intemporelle mais aussi comme le plus beau film catastrophe jamais réalisé. On en redira jamais assez à quel point le projet était osé, à l'opposé total des volontés habituelles des producteurs (casting prometteur mais jamais bankable, budget démesuré qui ne fera que grossir durant le tournage, récit d'une longueur impressionnante et absence de happy-end) et c'est pourtant clairement ce qui fait encore aujourd'hui la force du film tant on se demande si on ne reverra jamais un tel spectacle sur un écran de cinéma. L'idée de s'intéresser au naufrage du Titanic, symbole ultime de l'auto-satisfaction humaine, n'a pourtant rien d'exceptionnel en soi, hormis les moyens nécessaires pour le retranscrire de façon crédible, mais c'est dans la vision de James Cameron que le film arrive à transcender son sujet de départ, non seulement via une histoire d'amour pour le moins bouleversante mais aussi et surtout par le constat qu'il pose de façon étonnante pour un film de ce genre. Ainsi,
Titanic se révèle être un chronique sociale dense dans sa première partie (architecture du Titanic en 3 classes) avant de devenir un film sur la destruction des illusions humaines, sur l'égalité face à la mort et sur la façon d’accueillir celle-ci lorsqu'elle s'offre à nous. Sur plus de trois heures de métrages, Cameron pose son récit et travaille ses personnages avec l'efficacité qu'on lui connaît, et si quelques menus défauts apparaissent au cours du récit (histoire d'amour un peu trop rapide, certains personnages trop manichéens) ils n'entachent jamais le tableau final, à savoir une œuvre humaine prestigieuse au souffle épique étonnant et au désespoir total durant toute la seconde partie qui détruit absolument toutes les idées sociales présentées durant la première.
Si le récit se concentre avant tout sur la relation de Jack et Rose, deux jeunes idéalistes qui connaîtront chacun, tel Noé face au Déluge, une sorte de libération dans la destruction de ce microcosme du monde qu'est le Titanic, la densité de l'histoire contée acquiert la plupart de sa force dans l’impressionnante galerie de personnages secondaires, chacun ayant leurs propres rêves et ambitions et qui les verront instantanément détruites par la faute d'un simple élément naturel. Ainsi, que ce soit le capitaine du bateau, le second, l'architecte, le financier ou bien la mère bourgeoise égoïste (avec à la clé un très beau dialogue mère/fille qui en dit long sur la place de la femme à l'époque), chaque personnage apporte un niveau de lecture supplémentaire dans cette histoire intense qui est clairement bien plus que le stéréotype que l'on fait couramment du film depuis plusieurs années, à savoir la simple love story sur un bateau qui coule.
Titanic, c'est tout simplement l'un des plus gros moments d'émotion que le cinéma a pu nous apporter depuis sa création, difficile de rester insensible devant la myriade de séquences évocatrices tel que le naufrage, le premier baiser du couple, les adieux du Titanic à la terre ferme ou bien cette sublime scène finale qui est clairement l'une des plus belles fins jamais réalisées, ou comment résumer le propos utopique d'espérance du métrage en l'espace d'un plan-séquence. James Cameron oblige, la mise en scène du film est maîtrisée de bout en bout durant les 3h15 que font le métrage. 3H15 qui passent à une vitesse hallucinante et qui cumulent les morceaux de bravoure épaulés par des effets spéciaux de très grandes qualités (mélange intelligent de numérique et de maquettes qui permettent à l’œuvre de passer efficacement l'épreuve des années). Beaucoup reprocheront au réalisateur de tomber dans le pathos forcé, mais c'est pourtant toujours dans le propos du film que Cameron offre des séquences d'une cruauté étonnante pour un tel blockbuster, morts nombreuses souvent reléguées au troisième plan, plans évocateurs de la tragédie du naufrage (le vieux couple s’enlaçant une dernière fois dans une cabine de troisième classe) ou démonstration des illusions de l'être humain face à la mort (le prêtre continuant son sermon, les musiciens jouant jusqu'à la destruction), le réalisateur de
Terminator reste toujours dans le ton juste et permet à son film de prendre une ampleur dramatique étonnante qui, à notre grande surprises, nous désintéresse presque du sort du couple face à tant de barbarie visuelle.
La musique de James Horner, passée aujourd'hui à la postérité, va également dans ce sens et si quelques morceaux du début du film vieillissent assez mal (les synthétiseurs), la suite est d'une qualité très haute et s'inscrit facilement dans les meilleurs travaux du compositeur. Enfin, que dire du casting très peu connu à l'époque et qui a depuis confirmé tout le bien que l'on pensait de lui. Leonardo DiCaprio, dans un rôle pourtant assez classique, est excellent. Kate Winslet a rarement été aussi belle à l'écran et l'évolution de son personnage est un des gros points forts du film. Quand aux seconds rôles, il y a clairement de quoi être impressionné avec notamment la présence de Kathy Bates, Bernard Hill, Bill Paxton ou encore Billy Zane qui, hélas, n'a pas eu de rôle aussi intéressant depuis. Œuvre puissante sur la mégalomanie, l'illusion et l'autodestruction de l'être humain,
Titanic est aussi, et de loin, l'un des plus beaux blockbusters jamais réalisés ainsi que le véritable chef-d’œuvre de James Cameron. Un film qui, dans plusieurs décennies, arrivera encore à être d'actualité et qui sera toujours aussi efficace dans la démonstration de sa forme, c'est bien là la marque des très grands films.