Il s'agit selon moi du meilleur film de super-héros, écrasant la trilogie des
X-men, et même celle des
Spider-man, grâce à un très bon casting, un script intelligent, une psychologie des personnages travaillée (et sans relations amoureuses niaises), une exhibition des pouvoirs parfaitement intégrés à l'action, un rythme à la James-Bond bien trouvé, et un équilibre idéal entre drame et humour. Il ne s'agit pas d'une simple transposition de comics, mais d'une véritable adaptation, par une reprise originale des origines tout en en respectant l'esprit. Matthew Vaughn signe donc, après son jouissif
Kick-Ass, une nouvelle réussite dans le genre.
Les deux personnages les plus travaillés de cet épisode sont, de loin, Xavier et Magnéto, et contribuent énormément à l'intérêt du film. Avant de se concentrer sur leurs antagonismes, la première partie du film prend son temps pour développer la personnalité de chacun, ce qui était une tare selon moi des anciens X-Men. Ainsi le traumatisme de Magnéto, celui des camps de concentration, construit la psychologie de ce dernier, ce qui était déjà développé dans les X-men précédents, mais ici il est tout simplement mieux écrit. Chaque facette de ce mal "originel", cause de ses pouvoirs, est présente : le deuil de ses parents, la colère qui en résulte et qui a façonné la première approche de ses pouvoirs (qui a donné lieu à un plan iconique, pratiquement papier-coller des anciennes aventures : un grillage en fer en train de se disloquer), le sentiment d'infériorité de sa condition (être juif) qui s'est transformé en fierté (être mutant) ayant des points communs subtils avec l'idéologie de la "race pure" (et va s'en rapprocher de manière tragique), et surtout sa haine de ceux qui suivent "simplement" des ordres, qui sera à la base de ses différends avec Xavier, et qui prendra toute sa mesure dans le cadre de la guerre froide. Il s'agit d'un autre point qui me semble important : alors que les précédentes aventures des X-men prenaient racine dans un contexte géopolitique flou, abstrait, ici il s'agit de quelque chose beaucoup plus concret et symbolique : la paix entre les deux grands blocs idéologiques du monde, rien de moins que cela. Le désir qui l'anime est plutôt malsain et prend racine dans un mythe populaire : retrouver son "géniteur" à la manière du monstre de Frankenstein. Le ver est déjà dans la pomme.
Xavier apparaît beaucoup moins traumatisé que Magnéto par sa condition, et se meut d'abord dans le milieu étudiant, utilisant (à son désavantage et avec humour) son intelligence et sa connaissance de l'évolution humaine pour "accrocher" des nanas. Alors que Magnéto est habité par un certain pessimisme de la nature humaine, basé sur une expérience du mal "pur" (hormis l'expérience des camps de la mort, j'ai oublié de parler du bureau de son "géniteur" dans lequel on aperçoit à l'arrière-plan un cabinet d'expérimentation avec outils en tous genres), Xavier est de l'autre côté de la barrière, optimiste, croyant en l'amélioration de la nature humaine, et en la cohabitation pacifique des mutants et des "normaux". Mais il est conscient en même temps que cet idéal sera difficile à appliquer, en rappelant le tragique destin de l'homme de Néandertal par rapport à l'homme de Cro-Magnon. L'antagonisme entre ces deux personnages est essentiellement basé sur la question du perfectionnement humain : pourquoi aider les humains alors qu'ils sont déjà "parfaits" ? Et à l'inverse, leur relation se construit autour d'une nouvelle approche plus apaisante des pouvoirs de Magnéto, qui le rend également plus fort. Cette dynamique est simple, mais fonctionne parfaitement, aidé par un casting de feu, et une écriture à la hauteur, loin des personnages monolithiques de la saga. Bref, ces personnages "existent", et ne sont pas simplement tributaires de leurs pouvoirs ou de questions ayant un rapport unilatéral à leur condition de mutant.
Les autres personnages sont beaucoup moins développés, unis par la simple idée d'accepter leurs différences, ce qui ne m'a pas gêné outre mesure, puisqu'au moins aucun d'entre-eux ne m'a semblé faire "tâche" (merci le bon casting), et la bonne utilisation de leurs pouvoirs m'a permis de les accepter tels qu'ils sont (leurs pouvoirs ressemblent à ceux qui étaient déjà présents dans les autres X-men, mais je préfère largement l'écriture de ces personnages). Les autres relations importantes sont Mystic/Xavier/Magneto, et Mystic/Hank (dit "Beast").
Autrement dit, Mystic est très importante, car elle représente la balance fragile entre les "bons" mutants, voulant coexister avec les "normaux", même au détriment de la pleine expression de ce qu'ils sont réellement (ce qui est à la base de la personnalité de Mystic, "obligée" de cacher son apparence), et les "mauvais", qui sont tout simplement fiers de ce qu'ils sont, quitte à écraser les "normaux". La "bête" essaiera en vain de changer son apparence et celle de Mystic, provoquant même un résultat inverse à ce qu'il attendait, allant dans le sens du dicton "chassez le naturel, il revient au galop". Cette scène permet aussi de donner une consistance et une crédibilité à son personnage, alors que dans
X-Men 3 il était parfaitement ridicule.
Puis les jeunes mutants sont pris pour ce qu'ils sont, des jeunes (sans la niaiserie qui les caractérisent habituellement), et j'ai adoré la scène durant laquelle ils se cherchent des pseudos cool et qu'ils foutent le bordel en se faisant un concours de celui qui a le pouvoir le plus impressionnant. En plus, cet humour est fidèle à l'esprit du comics, et alterne idéalement avec le drame qui s'y joue (le destin du monde et celui de la place des mutants dans la société). Du côté des bad-guys, j'avoue que seul leur chef est développé, fondé sur l'idée de la supériorité d'une race sur les autres. La simplicité de sa psychologie fonctionne bien grâce à celui qui l'interprète (Kevin Bacon) et aux dialogues bien écrits, ayant pourtant un contenu similaire aux anciennes aventures, la preuve qu'un point apparemment anodin peut tout changer. Ses subalternes valent surtout par leurs pouvoirs (j'adore le Diablo rouge, bien plus méchant que son fils bleu), et par leur capacité à résister aux attaques de leurs opposants.
Ce qui m'a plu dans le film, hormis l'écriture des personnages et le casting, c'est le rythme de l'histoire ressemblant à du James Bond, avec la présentation du cadre géopolitique, ses femmes fatales, ses entraînements permettant la maîtrise des pouvoirs, et ses infiltrations. Ainsi, l'intrigue se développe d'une manière que les super-héros auraient pu être simplement des agents secrets avec des gadgets, ce qui est un bon point selon moi, car ainsi ce cadre semi-réaliste a évacué la dose de kitsch et d'esbroufe des pouvoirs qui était présent dans les autres aventures. Qu'est-ce que j'en avais à faire que Wolverine semblait méchant ou que Tornade était capable de lancer des éclairs quand elle était furieuse ? Ici, les pouvoirs sont parfaitement intégrés à l'action, comme de simples gadgets ayant une fonction précise, bien que ça se lâche plus vers la fin lorsque les X-men partent arrêter la troisième guerre mondiale (mais finalement même là ça ressemble à du James Bond dans la logique du climax final ...). Ainsi par exemple, le pouvoir de Xavier est extrêmement bien représenté, capable de suspendre le temps cérébral, d'observer une scène à travers les yeux d'un autre, de créer une illusion mentale, de manipuler l'esprit, de fouiller dans les souvenirs, ou encore d'aider une personne (comme Magneto) à trouver son équilibre mental. Sans oublier les atouts charmes qui sont présents (Mystic, Angel, ...).
Au niveau de la réalisation, c'est bien équilibré entre cadre réaliste et exhibition des pouvoirs sans esbroufe. Les CGI ne sautent pas aux yeux, utilisés au bon moment. Il y a même quelques scènes qui sortent du lot comme l'entraînement des nouveaux mutants, filmé suivant une série de splitscreen, ou la transformation de "la bête" en vue subjective. A la limite, je pourrais simplement reprocher l'inutilité narrative de quelques personnages, subordonnés au quota des scènes d'action, que je trouve bien dosé d'ailleurs : je préfère largement des personnages bien écrits qu'une avalanche de combats. Et pourtant, malgré des personnages inégalement traités, j'ai été emporté par le destin de chaque personnage : probablement que la scène "adolescente" a fait son petit effet sur moi. Un autre petit bémol : la musique non mémorable, bien qu'elle soutienne bien le rythme du film à la manière d'un
Jason Bourne.