[Dunandan] Mes critiques en 2012

Modérateur: Dunandan

Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Mark Chopper » Mar 10 Avr 2012, 13:42

Pourquoi ? Ta note à The Raid n'est pas très élevée non plus.
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Roi Arthur (Le) - 6,5/10

Messagepar Dunandan » Mer 11 Avr 2012, 04:23

Le roi Arthur

Réalisé par Antoine Fuqua

Avec Clive Owen, Keira Knightley, Ioan Gruffudd, Stephen Dillane, Stellan Skarsgard, Hugh Dancy, Ray Winstone, Mads Mikkelsen, Joel Edgerton, Ray Stevenson

Histoire/action, USA, 2h15 - 2004

6.5/10


Résumé :
Après plusieurs siècles de domination sur la Grande-Bretagne, les Romains abandonnent l'île face aux invasions des Saxons. Les chevaliers Sarmates guidés par l'officier romain (mais de mère celte) Artorius Castus, dit Arthur, ont rempli leurs engagements envers Rome, en la servant pendant 15 ans et en combattant les Pictes dirigés par Merlin ; ils n'aspirent plus qu'à retrouver leur liberté. Mais ils se voient confier une dernière et dangereuse mission par l'évêque Germanus : ramener à l'abri la riche famille romaine de Marius Honorius (et notamment son fils Alecto, protégé du pape), qui vit au-delà du mur d'Hadrien.


Le roi Arthur annonce tout de suite la couleur : il s'agit de raconter "l'histoire vraie" et non la légende du personnage, mille ans avant le récit connu des Chevaliers de la table ronde, au tout début du Moyen-Âge et de l'âge d'or du pays breton. Or, leurs origines sont bien sûr moins chevaleresques que la légende. Il s'agit du point le plus intéressant du film : comment ces chevaliers auraient-ils vraiment vécus ? Contrairement à la légende, les chevaliers ne se battent pas pour un idéal et n'hésite pas à laisser derrière eux des innocents si ce n'est pas contraire à leur mission : seule compte leur propre survie. Heureusement qu'Arthur sort du lot, engagé dans une sorte de quête personnelle dont il ne connaît pas encore l'issue, car sinon Guenièvre y passait ! Puis la loyauté des chevaliers envers Arthur l'emportera finalement, au péril de leurs vies. Enfin, à l'insu de ces chevaliers qui se contentent d'accomplir leur devoir, la légende est déjà en marche, puisqu'on apprend que Merlin (bien différent de la légende, puisqu'avec Guenièvre, il appartient à un peuple ennemi) transmet les aventures de Arthur et de ses chevaliers aux enfants, en mettant en valeur leurs exploits héroïques.

A la base, les chevaliers seraient des sortes d'esclaves de père en fils, engagés dans l'armée pour servir Rome. Au bout de 15 ans, ils seraient libérés de leur engagement. Le background est parfaitement visible, peut-être un peu trop simplifié comme toujours dans les reconstitutions historiques au cinéma. Quatre réalités sont mises en avant : les païens avec leurs croyances, considérés comme inoffensifs tant qu'ils obéissent à Rome ; le christianisme coupé en deux tendances : la radicale, forçant jusqu'à la torture les païens à leur conversion, puis la "libérale" représentée par Pélage prônant la valeur de la liberté par rapport à celle de la grâce (principe repris par Arthur), et qui a été l'ennemi historique d'Augustin, lequel incarnera le nouveau visage "dur" et épuré de la chrétienté ; et enfin les saxons, ennemis de tous, païens, romains, chrétiens, et donc d'Arthur et des siens : ils ne connaissent que la valeur du combat et de l'invasion. Finalement, le seul élément de la légende qui aurait été "réel" dans l'histoire est la Table ronde, symbolisant une égalité de principe (idée héritée de Pélage), dans un monde où la hiérarchie est prédominante dans la société. Bref, ils sont peut-être esclaves dans les faits, mais libres essentiellement.

Par contre, mise à part cette volonté de trancher avec la légende, la psychologie des personnages ainsi que la relation entre les personnages sont quasi absentes. Il faut donc beaucoup se reposer sur le charisme des personnages, qui selon moi est inégal entre les acteurs. Si Glen Owen rend bien en Arthur, ainsi que Ray Stevenson (l'inoubliable soldat à moitié fou de Rome) en Dagonet (il disparaît malheureusement trop vite) il en est tout autrement de Ioan Gruffudd (on dirait un jeune premier, heureusement qu'il a deux épées bien classes pour équilibrer) incarnant Lancelot ou de Keira Knightley (pour une guerrière elle est bien maigrichonne) qui joue Guenièvre (heureusement qu'on ne la voit pas trop). Côté saxons, les deux chefs ont un bon look, et une bonne mentalité de vikings, impitoyables, le fils voulant prouver sa valeur au commandement vis à vis de son père, et ce dernier cherchant enfin un adversaire à sa taille, qu'il trouvera en la personne d'Arthur.

La réalisation manque de rythme et de panache sur la longueur, ne faisant pas toujours honneur à un budget quand même assez élevé (120 millions de dollars), mais au moins, nous avons droit aux décors naturels sans CGI et à du sang non numérique. La VL nous gratine d'ailleurs de détails bien sanglants (amputations diverses) pendant les batailles. Il s'agit de l'un des points forts avec le background réaliste : ces batailles sont souvent assez visibles dans le genre, et nous proposent des combats à la mesure du talent des chevaliers, arborant chacun un style bien différent (deux sabres, arc, hache, ...). De son côté, l'histoire est bien menée, avec au centre la quête initiatique d'Arthur qui verra ses illusions par rapport à Rome et au christianisme s'effondrer, pour revenir à un idéal épuré, la liberté (on se croirait presque dans un Braveheart pour les nuls). Bref, on ne s'ennuie pas. Par contre, si l'histoire globale passe assez bien, le traitement de certaines scènes laisse à désirer : le départ de Arthur (avec les cris encourageants de son village, bon en même temps il part pour 15 ans dans l'armée, pas de raison d'être trop joyeux) ; la bataille sur la banquise (ils sont bêtes ces saxons) ; le rassemblement des chevaliers à la fin (ils n'ont pas tous la classe en armure, ce n'est pas leur faute) ; Keira ... ? Finalement ça va, tant qu'elle ne parle pas et qu'elle se bat.

Un bon petit film de chevaliers avec d'assez belles batailles et un background assez intéressant portant sur les origines du roi Arthur, malgré une inégalité de traitement au niveau de la forme et du contenu, et une psychologie des personnages assez primaire.
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Film: Roi Arthur (Le)
Note: 6,75/10
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Sanjuro - 8,5/10

Messagepar Dunandan » Mer 11 Avr 2012, 22:17

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




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Sanjuro, Akira Kurosawa (1962)

Kurosawa nous confirme avec ce Sanjuro, quelques années après les 7 samouraïs, qu'il était un véritable précurseur du cinéma d'action. Il s'agit en effet d'un chambara qui n'est pas comme les autres. D'une part, le contexte historique est réduit à néant (le style costumé n'est qu'une coloration culturelle) et le script est épuré, avec des personnages remplissant un rôle stéréotypé, fonction de leur place dans l'intrigue. Or, ce qui importe ici, ce n'est pas la richesse de l'histoire, si on peut dire, mais la manière dont elle est racontée, laquelle se fait à travers un langage cinématographique tout neuf pour l'époque, le tout doté d'un humour omniprésent, une rareté dans ce genre si balisé.

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La mise en scène pourrait être résumée, autant pour les dialogues que pour la gestion de l'espace, à un rapport de force divertissant entre les individus, qui luttent pour l'occupation d'un espace déterminé, ou pour diriger les autres vers ce même endroit afin de les berner. Au niveau du montage (soutenu par la musique de Sato, l'un des meilleurs compositeurs de l'époque) et des prises de vue de la caméra, il y a un véritable effort de rendre l'action visible et entraînante.

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Pour commencer, les dialogues. Ils sont interprétables sous divers angles, modifiant ainsi la perception que les personnages, et à plus forte raison, celle les spectateurs, ont des protagonistes, procurant ainsi de nombreux retournements de situation ("l'habit ne fait pas le moine" figure parmi ces phrases-clé qui structure la dynamique du film). Ils peuvent aussi être manipulés par leur locuteur, faisant suite à une série de joutes verbales jouissives entre les personnages, le langage dépassant ainsi son statut uniquement informatif.

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D'autre part, il y a tout un travail sur le placement des personnages au sein de l'espace. A titre d'exemple, je choisis la première séquence. Le groupe des 9 guerriers occupe d'abord le devant de la scène, là où l'action se déroule. Or, un samouraï ronin se tient à l'écart dans la pièce, et devient malgré son apparence négligée et sa position décentrée, un élément primordial de l'action. Il est pour le groupe le "dixième", celui qui est en trop, celui dont on oublie le nom ou la présence, mais il est pourtant celui grâce à qui les éléments sont éclairés sous un nouveau jour (la subtilité du langage dont j'ai parlé plus haut), par déduction ou par choix décisifs, comme le fait de rentrer dans la tête de ses adversaires (manipulation du langage) en utilisant ce qui est à leur avantage (ignorance des autres de leur nombre, de l'endroit où ils se trouvent, de son importance par rapport au groupe), au lieu de foncer tête baissée dans l'action. Cette action "réfléchie" a deux conséquences : l'une par rapport au genre, qui par tradition est une montée en escalade vers un combat souvent violent alors qu'ici le héros veut à tout prix l'éviter, lui préférant la stratégie, l'autre par rapport à la pensée de l'auteur, profondément humaniste et pacifiste, qui dépeint ainsi sur le genre traité. Il y a bien quelques combats, mais rapidement expédiés, bien que montés efficacement, preuve que l'intérêt se situe ailleurs : "un sabre doit rester dans son fourreau" affirme le samouraï ronin, tout en sachant qu'il se connaît lui-même comme un "sabre nu", prêt à dégainer pour se défendre.

Dernier élément de la mise en scène, le décalage humoristique par rapport à l'action, avec ce groupe inexpérimenté qui fait des bêtises dès lors que leur protecteur s'absente un moment. Et même en sa présence, ils agissent de manière pataude, à l'image de cette scène où ils le suivent à la queue leu leu, d'une manière pas très idéale pour se déplacer discrètement.

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L'une des dernières scènes est un petit bijou de poésie, mettant en scène l'attente du signal pour rameuter tout le monde pendant que les adversaires sont ailleurs : il s'agit des fameux camélias, petite touche romantique imaginée par une femme, et rupture momentanée avec ce monde d'hommes menacé par la violence. Finalement, cette dernière sera bien présente, dans le duel final qui oppose les deux seuls véritables maîtres d'armes du film, respectant ainsi apparemment les codes du genre. Mais il ne dure que quelques secondes, en un unique flot surréaliste de sang, exprimant ainsi son identité paradoxale : à la fois attractive (on a eu ce qu'on voulait dans le cadre du spectacle...) et répulsive (... mais la violence est à éviter si possible dans la réalité).

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Les personnages n'ont pas un fond psychologique important, mis à part le ronin. Je dirais qu'ils ont avant tout une importance fonctionnelle. Par exemple, aucun protagoniste du groupe des 9 n'a d'identité réelle : ils existent en tant que groupe, remplissant le rôle de nous divertir. Seul le ronin, interprété par l'excellent Toshiro Mifune, semble attirer notre action, pénétrant peu peu le champ de l'action, reléguant ainsi tous les autres personnages au second plan, y compris celui interprété par Tasuya Nakadaï (qui n'avait pas encore la renommée qu'on lui reconnaîtra après avec par exemple Harakiri et Le sabre du mal).

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Kurosawa exploite la fonction que ce personnage représente en tant que ronin. Sans maître et sans attaches, il ne supporte pas l'apparat et agit de manière oblique. Electron libre, il constitue l'élément perturbateur, le ferment de l'action. Il exprime tout le caractère contradictoire et tragique des personnages du metteur en scène. A la fois cynique et héros au grand coeur (rappelé par une femme), pacifiste au fond de lui mais devant utiliser son sabre une toute dernière fois, héros nécessaire et nécessairement hors du cercle de la société qui aspire à la paix. Son caractère "je m'en-foutiste" (souvent surpris en train de se réveiller lorsque la tension est à son comble) est la conséquence directe de sa condition d'exclu, et crée une dynamique d'action moderne pour l'époque : elle provient d'un angle inattendu, extérieur.

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Enfin, les deux chefs adversaires se définissent par leur manière d'être, et constituent le jeu d'échecs sur lequel se meut le ronin : le "bon" agit de manière subtile, sous les apparences (ce qui est à double tranchant), et compte (un peu trop) sur l'intelligence de ses subalternes (concernant par exemple ses messages codés contenus dans ses dialogues, ne pouvant pas parler ouvertement en face d'un inspecteur), tandis que le "méchant" est sournois, et utilise son charisme pour influencer l'opinion des autres.

Kurosawa révolutionne le genre du chambara par une mise en scène habile, transformant les affrontements habituels au sabre par des joutes verbales ou par une guerre à l'occupation spatiale, et un traitement comique : tous ces éléments seront repris par le cinéma d'action contemporain. A signaler deux stars du genre au programme : Nakadai et Mifune. Un classique non démérité.
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Harry Potter et les reliques de la mort - 2ème partie - 6,5/10

Messagepar Dunandan » Jeu 12 Avr 2012, 03:37

Harry Potter et les reliques de la mort - 2ème partie

Réalisé par David Yates

Avec Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson

Fantastique, USA, 2h10 - 2011

6.5/10


Résumé :
Dans la 2e Partie de cet épisode final, le combat entre les puissances du bien et du mal de l’univers des sorciers se transforme en guerre sans merci. Les enjeux n’ont jamais été si considérables et personne n’est en sécurité. Mais c’est Harry Potter qui peut être appelé pour l’ultime sacrifice alors que se rapproche l’ultime épreuve de force avec Voldemort.


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Dernier épisode de la saga. Nous retrouvons les mêmes qualités et défauts des épisodes réalisés par David Yates : le rythme est lancinant et le fond est survolé, mais tout ça est compensé par une photographie qui atteint encore des sommets, avec une violence inégalée dans le genre. Jamais on a vu Poudlard sous cet angle, et puis le premier plan est de toute beauté : l'aspect visuel est l'un des gros points forts du film. De manière logique, l'histoire continue là où s'était arrêtée la première partie. Heureusement, ça bouge beaucoup plus que dans ce dernier, avec deux moments marquants selon moi : la bataille de l'école contre les forces du mal, ayant un petit goût de SDA, et surtout, des révélations finales autour de Rogue (décidément l'un des personnages les plus touchants) qui valent le détour. Par contre, les relations amoureuses sont toujours aussi peu convaincantes (je vois mal une adolescente de 17 ans dire à son amoureux partant au combat "je sais" avant qu'il ne réponde ..., puis ça fait tellement cliché), les autres séquences soit-disantes marquantes (le fonctionnement des fantômes - copié en plus sur celui de Star Wars -, l'au-delà, la destruction des dernières parcelles de Voldemort) n'atteignent pas selon moi l'intensité émotionnelle recherchée, à cause d'une surdose de ralentis et d'un manque flagrant d'imagination quant à leur aspect visuel ou leur mise en scène. Et surtout le happy-end tant redouté : ils ont fait des enfants !!! Bon au moins la boucle est bouclée mais voilà le dénouement en carton. Cependant, Harry Potter demeure la meilleure saga fantastique après celle du SDA, mais très loin derrière.

C'est certainement l'épisode le plus impressionnant et le plus beau au niveau de la photographie, mais l'ensemble manque d'émotion, mis à part la séquence avec Rogue. Il ne s'agit pas que de l'épisode du dernier combat, mais aussi celui des révélations ultimes.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Jeu 12 Avr 2012, 03:45

MAJ sur HP

Mes préférés, par ordre décroissant :
5 : 8.5/10
3 : 8/10
1 : 7/10
6 & 8 : 6.5/10
4 : 6.25/10
2 : 6/10
7 : 5.5/10

Moyenne générale : 6.8/10

PS :
J'ai aussi enlevé quelques bouts de gras à ma critique de Sanjuro pour qu'elle soit plus lisible et plus efficace.
J'ai updaté la note à 8.5/10. Il vaut bien une note aussi haute que 3 samouraïs hors-la-loi (Gosha) : deux classiques réussis du genre.
Les captures ont été choisies en directe relation avec le contenu de la critique.
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Jugatsu - 7,5/10

Messagepar Dunandan » Ven 13 Avr 2012, 04:00

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Jugatsu, Takeshi Kitano (1990)


Jugatsu, tout comme Violent Cop avant lui, et A scene at the sea après, est considéré comme un brouillon de chefs-d'oeuvres tels que Sonatine ou Hana-Bi. Mais je préfère à l'idée de brouillon, celle de poupées russes qui s'imbriquent les unes dans les autres, tant tous les films de Kitano, jusqu'à L'été de Kikujiro, se ressemblent au niveau des thématiques et de la réalisation : on sent que le metteur en scène travaille de manière obsessionnelle, se reprenant sans cesse, comme une oeuvre d'art dont il n'aurait pas été entièrement satisfait du résultat final, ou bien pour développer des aspects à peine effleurés. Il est ainsi très agréable de suivre l'artiste dans une ébauche qui est déjà impressionnante de maîtrise et qui possède un souffle de fraîcheur, dû à un traitement unique du film de yakuzas, et de la découverte du Japon contemporain avec ses bars, ses plages, et autres lieux typiques.

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Ce Jugatsu est assez curieux, d'abord par l'absence de musique. Kitano était alors en recherche d'un compositeur qui serait en mesure d'exprimer l'état émotionnel de ses personnages, qu'il trouvera juste après : il s'agira de Joe Hisaishi, véritable alter-ego musical de Kitano, capable d'exprimer toute la mélancolie qui traverse son oeuvre. Le déroulement du film est assez bizarre, ressemblant à une série de saynètes qui ne s'imbriquent pas toujours très bien les unes dans les autres, comme si les personnages erraient sans but (un principe qui sera très fortement repris dans Dolls). Le récit est coupé en deux grandes parties. Il débute d'abord avec un personnage assez timide et peu loquace jouant au base-ball, chambré par les uns, encouragé par les autres, décalé par rapport au monde, ayant ainsi des points communs avec le surfeur de Scene at the sea. Habituellement peu réactif, il répond au seul individu à qui il ne faut pas chercher des noises : un yakuza. En seconde partie, lui et un ami, pour se procurer une arme et se défendre contre ce clan, rencontrent un yakuza complètement barré, rejeté par les siens et habité par un humour bon-enfant qui vire souvent au déviant. Ce dernier est interprété par Takeshi Kitano, qui n'apparaît que 45 minutes plus tard, comme si ce dernier voulait mettre sa célébrité en berne pour filmer son oeuvre sans interférences, et trouver son style. Les deux parties sont sympathiques grâce au don que possède Kitano à rendre ses personnages attachants avec trois fois rien, mais au niveau du rythme et des idées, je reconnais que la seconde est plus riche.

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La tonalité du film est particulière, entre mélancolie et humour pince sans rire, qui semble annoncer les farces du très japonais Getting any. Les décalages humoristiques sont nombreux, apparaissant parfois dans un contexte violent (les accidents de la route), ou à la suite d'un comique de répétition (le yakuza fou prenant sa copine en grippe), et flirtant souvent avec l'absurde. Cet humour particulier et la mélancolie qui habite les personnages côtoient la violence sèche de certaines scènes, contrastant avec d'autres qui sont oniriques et concentrées autour de la mer, véritable havre de paix que l'on retrouve dans quasiment tous les films de Kitano. L'une des séquences finales du film synthétise magnifiquement l'onirisme et la violence en un plan iconique, présentant un fusil caché au milieu de fleurs cueillies dans un champ. Enfin, la conclusion est étrange, à deux niveaux. D'abord, pas d'échappatoire pour ce yakuza fou, produit malade de son clan qui se retourne contre ce dernier, qui à son tour se retourne contre son agresseur, comme un cercle de violence infernale. Pas de happy-end non plus pour le personnage timide qui semble par son geste et son attitude, représenter un type rejeté par la société. Kitano dresse ainsi un portrait de la jeunesse japonaise et du monde des yakuzas, tous les deux décalés par rapport à la société, à l'existence absurde. Enfin, il y a comme une sorte de mise en abîme, comme si tous ces événements avaient été fantasmés par le personnage timide. Bref, tout n'est pas perdu, l'espoir persiste malgré le mal-être.

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Quant à la réalisation, Jugatsu reprend des idées de Violent Cop, comme ces plans fixant les visages pour sonder ainsi leurs expressions, ou encore l'absence à certains moments de champ/contre-champ pour se concentrer sur la réaction des personnages alors qu'un autre parle ou agit hors-champ. Puis Kitano maîtrise mieux l'espace, à l'image du match de base-ball dans le stade, et plus tard de manière plus ludique, près de la mer, préfigurant les jeux dans Sonatine. Enfin, la violence, lorsqu'elle apparaît, est toujours sèche, sauf lors du "gun fight final", filmé au ralenti, comme pour en capturer l'explosion qui a été couvée.

Film préparatoire déjà très abouti, auquel il manque surtout une BO. Une belle petite balade mélancolique dans la vie japonaise, côtoyant violence et humour pince sans rire, proposant un sous-texte social sans appel sur les yakuzas et la jeunesse.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Mark Chopper » Ven 13 Avr 2012, 08:43

Je trouve tout de même la première partie assez chiante. C'est la deuxième qui m'a intéressé, avec Kitano dans le rôle d'un yakuza gay... L'intérêt vient surtout du fait, comme tu le dis, qu'il découvre son style (la manière dont est filmée la fusillade, notamment).
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Jimmy Two Times » Ven 13 Avr 2012, 12:16

De mémoire, j'avais préféré Violent Cop mais je compte me faire une rétro Kitano dans l'année histoire de rafraîchir mes souvenirs.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Ven 13 Avr 2012, 16:50

Mark Chopper a écrit:Je trouve tout de même la première partie assez chiante. C'est la deuxième qui m'a intéressé, avec Kitano dans le rôle d'un yakuza gay... L'intérêt vient surtout du fait, comme tu le dis, qu'il découvre son style (la manière dont est filmée la fusillade, notamment).


Si tu replaces le film dans l'ordre chronologique, tu te rends compte que dans le suivant, Kitano n'apparaît même pas. J'ai peut-être tort, mais j'ai l'impression qu'il voulait se donner plus de temps pour trouver son style. Car filmer et jouer ça demande deux fois plus d'effort, c'est mathématique. Puis je trouve le perso principal assez attachant, ainsi que sa copine et l'ex-yakuza, ce qui permet à la première partie de ne pas être chiante, comme tu dis. Mais la seconde partie est clairement meilleure au niveau du rythme.
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Bandit contre Samouraïs - 7,5/10

Messagepar Dunandan » Ven 13 Avr 2012, 21:45

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Bandit contre samouraïs, Hideo Gosha (1978)

Hideo Gosha réalise ici un drôle de mélange : une fresque historique se mariant au film de casse avec à l'arrière-plan une réflexion sur la place du bandit et du samouraï l'un par rapport à l'autre. Ainsi, ça s'éloigne pas mal des chambara crépusculaires auxquels ce réalisateur nous a habitué, par exemple, dans Goyokin et Hitokiri, avec leurs samouraïs déchus et leur code d'honneur vidé de son sens. On y retrouve plutôt nos standards du film policier, avec deux groupes antagonistes qui se défient, s'affrontent, dont les deux chefs finissent par se respecter, raison pour laquelle Bandit contre samouraïs a souvent été comparé à Heat, à tort ou à raison.

Le petit soucis, c'est que l'intrigue est relativement confuse (ce que n'arrange pas énormément une seconde vision), surtout dans ses 40 premières minutes, et ressemble en cela beaucoup aux Loups, avec une histoire dans laquelle on rentre sans avoir tous les éléments en main mais qui se construit petit à petit, au rythme des révélations des rôles de chacun. La première partie est dominée par l'affrontement entre bandits et samouraïs, dans un fort climat de violence et de sexualité, où la ruse des bandits, utilisant agents infiltrés, femmes fatales, et planques secrètes, met à l'amende les policiers. Les combats, impliquant des dizaines de guerriers, sont toujours aussi bien gérés par Gosha avec des petits geysers de sang généreux à la fin de chaque coup, et les femmes sont désormais plus dénudées que jamais, annonçant son intérêt nouveau pour celles-ci qui s'accentuera encore plus avec ses films sur les geishas.

Ce qui hisse selon moi le film dans la moyenne des bons films de Gosha, c'est l'expression de l'état d'âme du chef des bandits (j'adore la façon dont il est introduit, par la voix profonde de Tatsuya Nakadai), mis en valeur d'une part par un dialogue à la fin de la première partie du film qui met l'accent sur la condition des bandits et la fraternité qui les unit, et d'autre part le passé tragique qui le relie à son frère. Sans trop en dévoiler, nous apprenons qu'ils ont été accusés à tort dans une histoire de sous, et que les événements vont les lier de nouveau pour aboutir à un final flamboyant, avec pour enjeu principal de redonner un sens à leur existence. Ainsi, "Bandit" au singulier dans le titre est primordial, puisque de manière ultime, il s'agit de revenir à l'homme et ses sentiments derrière l'abstraction du groupe qui obéit à l'esprit du crime ou de la loi, et assez logiquement (pour Gosha), cette humanité est davantage présente du côté des bandits, qui obéissent avant tout à leur instinct plutôt qu'à un sens du devoir qui finit par être pourri et dénaturé par les dirigeants.

Justement, la thématique du bandit et du samouraï est bien exposée. Une séparation entre les deux groupes d'abord manichéenne, tranchée, présentant les bandits comme ceux qui sont du mauvais côté de la barrière (comparés à des démons ! Et ils vont d'ailleurs utiliser ce mythe à leur avantage), et les samouraïs, du bon côté. Mais au fur et à mesure que l'histoire progresse ce schéma s'enrichit, produisant ainsi un véritable courant d'empathie envers les bandits qui choisissent certes un chemin apparemment facile, mais qui seront toujours dans le giron de la surveillance des policiers. D'ailleurs, les bandits sont bien plus filmés que les samouraïs, signifiant la préférence évidente de Gosha pour le style de vie des hors-la-loi. Le soucis, c'est peut-être du coup le manque d'approfondissement des policiers avec une enquête nébuleuse (mais en contre-partie leurs personnages sont intéressants), et surtout, le seul combattant charismatique (hormis le responsable de l'enquête) de leur côté est à peine montré, puis éliminé assez rapidement, de belle manière tout de même.

Enfin, esthète accompli, Gosha nous en met encore plein les yeux, en nous concoctant de nombreux plans bien emballés qui font et défont l'image qui entoure les personnages (et ses gros plans sont toujours aussi maîtrisés), des séquences d'action plein d'énergie (même s'il nous a habitué à mieux dans le genre), et une dimension historique détaillée et épique. Les dialogues aussi ont leur importance, apportant un véritable supplément d'âme à ces bandits et policier au sein de ce torrent de violence, de sexe, et d'intrigues. Malgré la longueur excessive du film et une histoire pas toujours très claire, le rythme est bien géré dans l'ensemble, grâce notamment à une bande-son entraînante (bien qu'un peu répétitive), ses nombreuses scènes d'action et retournement de situation, et surtout des personnages qui ne manquent pas de charisme. En résumé, Bandit contre samouraïs est un chambara aux allures polar certes parfois difficile à suivre dans ses tenants et aboutissements, mais qui félicitera les plus patients en offrant une dernière heure d'envergure, pleine de fureur et de larmes.

Note : 7.5/10
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Kakemono » Ven 13 Avr 2012, 21:47

Ce sera mon prochain Gosha je pense. :super:
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Ven 13 Avr 2012, 21:50

Si tu n'as pas vu Hitokiri, il s'agirait d'un meilleur choix, car ils se ressemblent beaucoup sur le fond, et prépare bien au nouveau style imposé par Gosha. Bon sinon il est sympa, mais il me faudra certainement une deuxième vision pour tout capter en profondeur (surtout les 30-40 premières minutes).
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Kakemono » Ven 13 Avr 2012, 21:54

Ah oui je me suis pris Hitokiri il y'a peu j'avais oublié, je vais me le mater avant. :mrgreen:
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Fog - 7,5/10

Messagepar Dunandan » Sam 14 Avr 2012, 01:41

Fog

Réalisé par John Carpenter

Avec Adrienne Barbeau, Jamie Lee Curtis, Hal Holbrook

Fantastique, USA, 1h25 - 1979

7.5/10


Résumé :
Une légende persiste dans une petite ville du Pacifique, Antonio Bay. On raconte aux enfants qu'un naufrage a eu lieu il y a une centaine d'années, que tous les passagers sont morts et que, à chaque fois que le brouillard se lève, les victimes surgissent des flots pour se montrer aux vivants.


Fog, comme tous les films de Carpenter, distille une atmosphère unique, malgré un budget très limité. Il fouille d'abord dans nos peurs primaires, en introduisant son histoire à la lumière d'un feu de camp, un vieillard s'adressant à des enfants fascinés par sa voix et ce qu'il raconte, à la manière d'un conte d'épouvante. Ce mode du récit, très psychologique, prend ses racines dans les romans de E. Allan Poe. Et durant tout le film, Carpenter applique le même principe, selon lequel la suggestion de la peur est aussi importante que la peur elle-même. Les ingrédients sont les suivants. D'abord, une bande-son comme le metteur en scène savait si bien le faire, simple et répétitive, nous plongeant dans un abîme de solitude et agissant sur nos nerfs. Puis une construction de la peur, le brouillard comme fil conducteur flottant sur la mer (source de bien des angoisses infantiles), avec une excellente utilisation de la lumière naturelle ou artificielle et des angles de vue oppressants dans un décor "normal", et la multiplication des phénomènes surnaturels (télékinésie, pannes d'électricité, ...). Enfin, des créatures (seul effet vieilli du film) qu'on aperçoit principalement à travers le brouillard ou par parties, évitant au maximum de montrer le côté "cheap" des effets spéciaux.

A travers cette histoire de fantômes revenus pour reprendre leur or sur lequel s'est bâti la ville, il y a un niveau de lecture évident sur l'origine de la communauté humaine, qui ressemble fortement à l'esprit des westerns. Ainsi, ce film fonctionne aussi comme un appel urgent à une conscientisation du passé. Nous acceptons facilement les commémorations, mais la naissance d'une ville est rarement pure, et il s'agit de s'interroger sur ce qu'il s'est réellement passé. La résurgence des monstres ici n'est que le reflet de cette culpabilité enfouie dans les souvenirs ou les secrets. D'ailleurs, après que la vérité soit venue au jour, la crainte du retour du brouillard, autrement dit, la conscience des événements passés, continue à occuper les esprits, et ainsi oriente ces derniers vers l'avenir.

Comme faiblesses du film (à part l'effet vieilli des créatures), on pourrait dire que le scénario repose finalement sur presque rien (est-ce vraiment un défaut ?), compensé par une ambiance et une mise en scène qui font encore leur petit effet. Puis il y a aussi le casting assez inégal (je pense notamment à l'assistante de la maire), dominé par des rôles féminins (contrairement au film qui suivra), et surtout par la voix féminine de la radio du phare, dernier intermédiaire entre les victimes et le brouillard, et responsable en partie de l'ambiance oppressante en lançant de vieux disques. Puis j'aime beaucoup aussi le personnage du prêtre, descendant de l'un des anciens investigateurs, et faisant ainsi côtoyer l'origine du crime avec la religion, complétant dans ce sens le décor fantastique. Ensuite, peut-être que le début est un peu longuet (personnellement, ce rythme me va). Enfin, ça ne fait pas bien peur (mais était-ce le but ?), malgré le côté oppressant. Cependant, malgré ces petits défauts, ça reste bien au-dessus de beaucoup de films d'horreur contemporains.

Film atmosphérique avec un niveau politique : l'essence du cinéma Carpenter est présente. Les effets ont peu vieilli mis à part l'aspect des créatures. C'est plus oppressant que véritablement effrayant.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar angel.heart » Sam 14 Avr 2012, 15:42

Ça fait pas partie des masterpieces de Big John mais ça reste un sacré bon film. De toutes façons moi Big John je kiffe tout ses films ( enfin j'ai pas encore vu The ward ).
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