Je continue mon cycle Coen Bros avec le cinquième long métrage des frangins qui est assurément l'un des plus méconnus. Avec Le Grand Saut, ils poursuivent leur autopsie des différentes décennies de l'histoire américaine en s'attaquant cette fois ci aux années 50 (après les années 30 dans Miller's Crossing et les années 40 dans Barton Fink).
Citant de manière plutôt évidente l'oeuvre de Frank Capra, on suit le destin drolatique de Norville Barnes, misérable pion sur l'échelle du capitalisme qui se retrouve propulsé du jour au lendemain au poste de PDG de la flamboyante entreprise Hudsucker dont le patron vient de quitter le trône en se jetant du dernier étage (d'où le grand saut). Pris au dépourvu, le conseil d'administration décide de le remplacer par un illustre inconnu, stupide de préférence (on est pas chez les Coen pour rien), qui aura pour mission de faire baisser les actions par ses décisions de débutant et ainsi permettre à tous les pingouins du board de mettre le grappin sur le portefeuille de l'ancien boss. Parallèlement, une journaliste s'infiltre pour tenter de mettre au grand jour la supercherie.
Je gardais un souvenir peu reluisant de cet opus (ado, le sujet peut rebuter) et au final c'est largement plus recommandable que leurs comédies récentes. Le film est extrêmement drôle pendant une bonne heure et quart. Critique réjouissante du sacro-saint capitalisme à la sauce burlesque, on passe un très bon moment notamment grâce aux excellentes performances de Tim Robbins (parfait dans le rôle de l'idiot de service finalement plus malin qu'il n'y paraît), un Paul Newman génial en vice président marionnettiste cynique à souhait et Jennifer Jason Leigh en pipelette infernale.
La team technique Coen est réunie au grand complet avec Deakins à la photo, Burwell à la musique et un invité de marque en la personne de Sam Raimi, grand pote des frangins, qui a participé à l'écriture du scénario. On retient quelques scènes franchement poilantes comme celles mettant en scène les joyeux drilles du conseil d'administration, toute l'introduction sur l'ascension fulgurante de Norville ou la création/commercialisation du Hoola Hoop. Ajoutez une pincée de dialogues tantôt stupides tantôt grinçants, du comique de répétition (Bruce Campbell inside), un deus ex machina absurde mais nécessaire et un zeste de slapstick et vous obtenez de quoi passer un très agréable moment.
Seule la dernière partie du film, plus sage, tranche un peu avec le délire ambiant. Comme les films auxquels le grand saut rend hommage, tout est bien qui finit bien. Pas de quoi cependant gâcher cette comédie très réussie et qui mérite d'être revalorisée dans la filmo des frangins.
7.5/10