Quarante tueurs |
Réalisé par Samuel Fuller
Avec Barbara Stanwyck, Barry Sullivan, Gene Barry, Dean Jagger, John Ericson, Hank Worden
Western, USA, 1h19- 1957 |
8,5/10 |
Résumé : En 1880, en Arizona, le shérif fédéral Griff Bonnell est envoyé à Tombstone avec son frère Wes pour arrêter un hors-la-loi…
« Un film est un champ de bataille : amour, haine, violence, action, mort, en un mot émotion » nul ne résume mieux cette citation de Fuller lui-même que cette œuvre atypique, foisonnante et intense, sombre et désenchantée, mélange des codes du western, du film noir et de la tragédie antique.
Sur un sujet d’un classicisme convenu : le marshall venu arrêter un hors la loi protégé par un riche propriétaire terrien, Samuel Fuller réinvente le western en lui insufflant ses thèmes de prédilections : violence, chaos et folie. Au cœur de l’intrigue, il place une maitresse-femme fatale et indomptable qui cristallise toutes les passions. Magistrale Barbara Stanwyck qui n’est alors plus toute jeune mais qui s’impose par le magnétisme de son regard et par le charisme qu’elle dégage. Quarante tueurs est un tourbillon de sentiments exacerbées qui se déchaînent. Deux lignes de destin se croisent, celle de cette femme au fouet et de ce tueur au service du gouvernement à la réputation sanglante attisant un maelström d’émotions : fureur, frustration, désespoir, brutalité, dépit, règlements de compte, tension sexuelle et romantisme.
Fuller privilégie l’émotion et fait de son western un exercice formel dont chaque effet de style développe une certaine forme de maniérisme qui souligne la spirale passionnelle qui dévaste toutes les certitudes sur son passage. Le long travelling d’introduction sur une horde au galop menée par une femme résume déjà à lui seul toutes les thématiques du film.
La tornade qui balaye les paysages de l’Arizona est une allégorie du chaos qui bouleverse chacun des personnages principaux. Elégance des mouvements de caméra, des ombres portées, des plans séquences, long travelling qui résume l’intrigue, précision du cadrage, effets de style innovants (dont certains ont probablement inspirés
Maurice Binder), plans resserrés sur les regards lors du premier duel, autant d’artifices totalement maîtrisés qui permettent de faire avancer l’histoire, de définir les enjeux et d’insuffler une modernité de ton et de rythme à cette oeuvre dont les personnages complexes et troubles se rapprochent bien plus du drame épique que des codes du western (amoureux éconduit, relation fusionnelle frère/sœur, fatalisme, destins exceptionnels dans un environnement hostile…).
On pourrait juste reprocher au film, un scénario parfois aussi confus que les sentiments qui assaillent les personnages et surtout certains acteurs trop limites ou transparents dans leur interprétation. Je n’ai pas du tout adhéré à l’interprétation du shérif Logan par
Dean Jagger que j’ai vraiment trouvé mauvais. C’est d’autant plus fâcheux qu’il est un ressort essentiel de l’intrigue. Dommage aussi que la bande de 40 tueurs ne soit qu’un prétexte et qu’on ne voit rien de ses agissements.
En revanche, j’ai vraiment apprécié
John Ericson dans le rôle du jeune frère rebelle et limite psychopathe, quasiment étouffé par la personnalité dominante de sa sœur et qui ne trouve que la voie de la violence pour s’exprimer. La dynamique des trois frères Bonnell se rapproche en plus simpliste et moins trouble de celle des frères Earp.
Barry Sullivan en impose par son calme et sa détermination dans le rôle du marshall Griff Bonnell,
Gene Barry campe un Wes Bonnell très attachant et charmeur, par contre
Robert Dix dans le rôle du plus jeune frère n’est franchement pas convaincant.
Un western original, brutal et cru. Certainement l’un des meilleurs films de Samuel Fuller que j’ai vu avec Le Port de la drogue et Les Bas-fonds new-yorkais.