LA HORDE SAUVAGE-------------------------------------------
Sam Peckinpah (1969) |
7.5/10 Emblématique d'un genre qu'il a inventé, Peckinpah dresse avec sa horde sauvage un western ample et ambitieux qui préfigure la fin d'un monde. Crépusculaire donc, cette fresque de près de 2h30 surprend à de nombreux égards : un récit classique et en même temps décalé, une ultra violence presque banale et une démystification de la figure classique du héros. Il s'attache ainsi à décrire un monde anti-manichéen où la modernité efface les repères ancestraux et dans lesquels héros et bandits semblent être devenus interchangeables.
L'Ouest sauvage qui évolue en même temps qu'il se peuple n'a plus de place pour ces hommes là d'une autre époque. Le propos de Peckinpah prend le temps de montrer ces personnages et ces populations. On accompagne la wild bunch dans ses tentatives de braquage, on les suit dans le quotidien d'une vie nomade et déracinée où l'amitié reste la seule valeur ténue qui les humanise. Violents, fêtard, impulsifs, ce sont des gamins en roue libre, qui s'amusent à jouer à chat pour des joujoux en forme de pièce d'or ou de mitrailleuse. Même l'image de la femme est à de nombreuses reprises représentée sous les traits de la figure maternelle.
Mais Peckinpah n'a pas pour autant de grande tendresse envers ses personnages, vieux gamins fatigués et sans charisme. Ce qu'il décrit, en introduisant aussi une réflexion politique et sociale assez originale, c'est la déchéance des figures fondatrices de l'Ouest. Ainsi le vrai méchant est ici un général mexicain alcoolique, tout puissant dans sa domination tyrannique, et les "gentils", la troupe de mercenaires qui pourchassent la wild bunch sous couvert de la loi, n'est finalement qu'une horde de vautours faible et menaçante. Un gros panier de crabes donc que ces héros là et des cadavres à la pelle sur leur chemin.
Peckinpah fait donc un constat assez saignant de cette société, mais il allège néanmoins son propos à de nombreuses reprises, en proposant pas mal d'instants de répit dans cette noirceur, instants d'humour, de joie et surtout d'aventure. Et malgré un paysage de mort, ses plans magnifiques de villes, de visages ou de sourires redonnent constamment de la vie à cet ensemble.
Mais malgré tout, c'est un peu dans ces instants là que le film perd de sa superbe et de sa force, la faute à des personnages et des situations brossés un peu sommairement. Les acteurs sont très bons (formidable Ernest Borgnine) mais n'arrivent pas à donner de la profondeur à leurs personnages, la faute peut-être aussi à Peckinpah qui ne donne pas l'intensité ou de densité suffisante, privilégiant plutôt l'inattendu et la distanciation. Et dans La construction et la dramaturgie, le film possède des lenteurs et des répétitions parfois rébarbatives qui plombent un peu le rythme. La horde sauvage aurait mérité une caractérisation plus fine et un format plus dense, avec certains scènes qui auraient certainement gagné à être raccourcies voire même supprimées, tant elles n'apportent finalement pas grand chose à l'histoire.
Mais dans l'ensemble, le film de Peckinpah possède des qualités formelles et scénaristiques très intéressantes, crépusculaire dans le fond mais aussi assez spectaculaire sur la forme.