La Taupe
9/10Il y a quelque temps, je découvre, un peu en retard certes, le fameux Morse dont tout le monde me bourrait le mou. Verdict une poignée de minutes plus tard, je me suis fais chier comme un rat mort malgré une réalisation hyper classieuse avec un sens de l’épure assez bluffant. A ce moment là, j’ai pris conscience qu’un très bon réalisateur était en gestation mais qu’il fallait sérieusement lui mettre un gros coup de pied au cul pour que la suite soit un tantinet plus bandante. Puis, est arrivé il y a quelques mois son nouvel effort. Un film d’espionnage à l’ancienne avec le casting le plus jouissif de l’année.
Finalement, la donne n’a pas trop changé et Tomas Alfredson se révèle toujours aussi doué une caméra à la main. Les travellings lents et somptueux se succèdent magnifiant un travail de reconstitution incroyable. Autre fait marquant, le sens du rythme n’a pas bougé d’un iota mais trouve dans le genre espionnage un formidable allié. Même si l’on est aux antipodes d’un célèbre agent secret anglais, le film n’est jamais chiant. Ca parle, ca parle et ça complote durant 120 minutes sans jamais laisser sur le carreau le spectateur. Beaucoup ont pu dire que le film était trop sinueux et complexe. Je ne suis pas trop d’accord car l’histoire est tout ce qu’il y a de plus limpide. Le cirque, sinueuse organisation de contrespionnage, mandate un col blanc mis à la retraite pour mettre la main sur un agent double. Ce qui rend le film opaque, au début du moins, c’est la multitude de noms de codes dont sont affublés des personnages très important. Passé cet obstacle, le film opte pour une narration déstructurée faites de nombreux flashback et brassant de multiples histoires secondaires. Partant d’un pitch somme toute très classique, Tinker Tailor repose sur un socle très solide constitué d’un casting en béton armé (dommage que certains soient quand même sacrifiés tel Ciaran Hinds et dans un degré moindre John Hurt) et une esthétique inattaquable. On se retrouve clairement renvoyé à l’époque béni du thriller paranoïaque. C’est filmé façon 70’s, ça joue 70’s pour notre plus grand plaisir. Pour revenir au casting, je n’avais pas vu Oldman aussi bon depuis un bon moment, lui qui s’était perdu dans de trop nombreux blockbusters indignes de son rang. On a même le plaisir de découvrir un putain de bon acteur (sacrée gueule et sacrée présence) en la personne du hautement recommandable Benedict Cumberbatch. Et ce meme plaisir est décuplé lorsque toutes ces gueules (Firth, Hurt, Jones, Oldman, Hinds…) se retrouvent confrontées dans cette pièce rouge ultra anxiogène ou tout le monde flique tout le monde. Le déroulé de l’enquête fait également la part belle aux histoires annexes pouvant décontenancer mais toujours au service de l’intrigue principale. Ainsi la love story avec Tom Hardy n’est jamais pénible tout comme le segment avec un Mark Strong très surprenant dans un jeu subtilement intériorisé. J’ai donc absolument adoré cette vision du monde de l’espionnage ou se manigancent les pires complots, le tout assis dans un bon fauteuil en cuir à déguster son breakfast. Et puis que dire de ce final magnifique sur un « Beyond the sea » revisité ? On se croirait presque revenu chez Scorcese, période Goodfellas, ou le dénouement tragique de beaucoup de personnages se faisait en musique de crooner. Je mettrais juste un bémol sur un point important qui n’est pas assez développé. Il s’agit de la relation entre Firth et Strong qui est beaucoup trop effacée altérant ainsi fortement la portée dramatique du final.
Cependant, la taupe est une réussite éclatante masquant la grosse désillusion ressentie sur Morse (je préfère largement son remake au passage !) ravivant l’âge d’or du genre et rentrant au panthéon des réussites à forte teneur paranoïaque.