THERE WILL BE BLOOD-------------------------------------------
Paul Thomas Anderson (2007) |
10/10 5e film de Paul Thomas Anderson, réalisateur brillant et controversé, There will be blood est un pamphlet sombre et virulent sur l'Amérique et ses valeurs. PTA signe un film âpre et taiseux, trouvant dans un Daniel Day Lewis exceptionnel le personnage de sa parabole.
Fin du XIXe siècle, le film débute sur une longue séquence d'introduction, muette, où seuls résonnent les bruits de la mine. Elle nous présente, cette séquence, un homme solitaire, taciturne et sévère, qui accomplit avec application et détermination sa besogne souterraine. D'abord l'or, ensuite le pétrole; l'ouvrier empile patiemment les briques de son futur empire, mû par une ambition qu'on pressent déjà immense. L'image grave est soulignée par une musique terrible. Et c'est dès les premières minutes le mythe du self made man, le symbole du capitalisme, qui se trouve déconstruite en une entreprise misanthrope et violente.
There will be blood. "Le sang va couler..." prévient Anderson, car son brulot, en effet, ne s'arrête là. Son entreprise de construction, et de démolition, s'attaque aussi au chantier des 2 autres valeurs sacrées de l'Amérique. La famille d'abord avec ces jeux de dupe autour de la filiation. Père, fils, frère.. Quel intérêt aux rapports humains? quelS intérêtS tirer des autres? Un constat mercantile de l'ambition, tout comme celui de la religion, personnifiée par un Paul Dano constamment sur la brèche. Dans un monde où les capitalistes sont rois, et où le désert de l'ouest est un terrain fertile aux démiurges, il n'y a que peu de place pour les faibles et les sentiments : l'enfant blessé sera écarté puis banni et la foi elle aussi dénaturée. La famille et la religion : les outils pour une ambition et les symboles hypocrites de la réussite.
La fin du film est à l'image de cette histoire, violente et impitoyable envers les sacrosaintes valeurs de l'Amérique vertueuse et plus généralement les hommes qui la construisent (le "H.W." n'est peut-être pas là par hasard d'ailleurs, lointain cousin sans doute d'un certain "G.W."). Autant dire que le film de PTA ne verse pas dans la tendresse ni la complaisance, loin de là, d'autant que Daniel Day Lewis donne à son personnage une férocité presque vampirique. Sa performance dans les regards et les silences est exceptionnelle. C'est un monstre, calculateur, non pas suceur de sang mais de pétrole. Et la tour d'ivoire qu'il va se construire est à son image : vide, désolée, symbolisant autant un cercueil en bois qu'un terrain de jeu, dans lequel les quilles portent autant le symbole de la chute des hommes que de leur manipulation dans une besogne mortelle.
La réal de PTA retranscrit à merveille cette ambiance chaude et froide, faite de pauses et de symboles. Les paysages arides et désolés de l'ouest sont introduits par de longs plans séquence dépouillés. Alors qu'en opposition ce sont des gros plans sublimes qui décortiquent avec une crudité sourde la solitude des personnages. Enfin la musique de Jonny Greenwood, elle-aussi exceptionnelle avec ses compositions lancinantes, parachève s'il en était besoin, le travail magnifique sur le style et l'ambiance.
Du grand Art au service d'une parabole glaçante. Sans doute le plus grand film de ces dernières années. Mais aussi le plus sombre et le plus violent et pessimiste sur ce capitalisme et par extension sur la nature humaine.