David Yates, parfait inconnu du public, est choisi pour prendre les commandes de ce nouveau Harry Potter à cause de sa connaissance sur le sujet politique, thème largement abordé dans
Harry Potter et l'ordre du Phoenix et les épisodes suivants. Le choix d'un nouveau directeur est apparemment casse-gueule, et il s'agit pourtant d'une excellente surprise : il fait selon moi énormément de bien à la franchise (malheureusement, ses participations suivantes seront moins intéressantes). En effet, après un épisode assez moyen, deux premiers épisodes très proches du roman mais manquant de personnalité, et un troisième,
Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, possédant cette fois-ci la meilleure ambiance de toute la saga, ce dernier opus en possède selon moi la meilleure histoire, avec un déroulement dynamique et des enjeux intéressants.
L'esprit de la série (du moins au cinéma, ne connaissant pas assez bien les romans, hormis les deux premiers) est néanmoins le même, devenant de plus en plus sombre au fil des épisodes. Les démons intérieurs de Harry sont plus que jamais présents. Et pour la toute première fois, les forces du mal s'en prennent directement à la famille de Harry, et ce dernier n'a jamais été aussi prêt d'être expulsé (injustement) de l'école. L'habituelle animation du château avec ses tableaux vivants et le folklorisme des cours de sorcellerie est remplacée d'une part, par l'opposition entre le ministère et Harry Potter à l'intérieur même de l'école, et d'autre part, par la lente progression de l'armée noire de Voldemort contre celle des des sorciers "blancs".
Le thème ici est celui de la conspiration, donnant ainsi à la saga une allure de thriller sur fond de magie. Le ministère ne veut pas admettre que le Seigneur noir est de retour. Et pour cela il est prêt à étouffer la vérité, en utilisant l'organe de la presse pour véhiculer des mensonges contre les troubles-fêtes, et en appliquant une discipline de fer archaïque digne des années 40, par l'intermédiaire de la professeur de la défense contre les forces du mal (maintenant j'en suis certain : ce rôle est toujours un déclencheur narratif) qui semble elle-même issue d'une autre époque. Ainsi, celle-ci (qui deviendra Inquisiteur, un mot plein de sous-entendus dans un monde de sorciers) met en place des brigades de collaboration contre les personnes susceptibles de s'élever contre l'autorité, des décrets qui remplissent le mur de l'école de leurs restrictions absurdes et légalistes (pas d'associations d'étudiants, pas de grabuge, une tenue correcte, pas de contact entre écoliers de sexe opposé ...), ou encore des cours absolument théoriques qui ne préparent pas les élèves à se défendre contre leurs adversaires, montrant ainsi que la non-acceptation de la vérité a une conséquence directe sur la qualité des cours, qui seraient en effet capables de produire des séditieux en puissance contre l'ordre établi.
Bref, j'ai eu l'impression d'être dans un roman de Georges Orwell ou un film de Fritz Lang tant les libertés individuelles se réduisaient à une peau de chagrin, d'autant plus que l'agent élu pour cela enfreindra le cadre de la loi - alors que sa fonction réside avant tout de la faire respecter - pour obtenir des résultats efficaces. Seuls les frères jumeaux Wesley s'opposent officiellement à la tyrannie de ce professeur, après avoir affirmé une sentence absolument importante :
ne pas placer l'avenir sur le seul compte de la réussite scolaire. Un discours rempli d'optimisme et d'un contenu plutôt subversif contre l'enseignement classique (dans le mauvais sens du terme).
De son côté, de manière officieuse, Harry Potter est incité à prendre les élèves qui le désirent à leur apprendre des sorts dans le cadre d'un ordre secret appelé "L'ordre de Phoenix" (notre héros a été convié plus tôt à une réunion secrète, mais son jeune âge l'avait d'abord exclu du groupe, mais son destin semble le rattraper plus rapidement que les précautions que ses amis veuillent bien prendre). Jamais l'apprentissage des sorts n'a été aussi présente dans l'un de ces films. Il est seulement dommage qu'on n'en sache pas un peu plus sur la réussite des sortilèges, qui comptent beaucoup sur le développement d'une force intérieure, comme un souvenir agréable, qui révèle beaucoup de l'histoire des lanceurs de sort. Ici, l'action et l'adresse prédominent sur le développement psychologique. Dommage également que les origines d'un tel groupe soient laissées dans l'ombre. Par contre, nous assistons à l'estime progressive des élèves envers Harry, alors que ce dernier était, dans les épisodes précédents et surtout dans celui-ci (accusé de mensonge), plutôt mis à l'écart, hormis ses amis que l'on peut compter sur les doigts d'une main.
Parallèlement, la relation entre le jeune sorcier et la chinoise progresse un peu, malheureusement peut-être un peu trop à l'écart alors que son rôle me semble plutôt important, mais qui instaure au moins une continuité bienvenue avec l'épisode précédent. Nous découvrons aussi davantage de choses sur Sirius et surtout sur la famille de Hagrid et la cause de l'inimitié de Rogue envers Harry et sa famille (créant entre les deux vieux ennemis un lien plutôt inattendu).
Au delà de son rythme (2h00 au lieu des 2h30 habituels, ça change beaucoup de choses), et de sa mise en scène efficace, l'histoire contient un fond très intéressant, portant particulièrement sur le destin de Harry, à savoir ce qui le lie à son alter-ego maléfique, et ce qui l'en distingue, qui repose finalement sur des éléments mis en place dans les épisodes précédents. La fin est bien fichue, avec ces éclairages à la baguette magique formant des halos de lumière entourés d'obscurité, instaurant ainsi une ambiance assez inquiétante. Le dénouement est tragique, poursuivant le ton du précédent épisode, et donne lieu à une suite attendue, poursuivant logiquement le destin d'Harry, et la confrontation future entre les forces du bien et celles du mal.
Comme bestiaire, il n'y a pas beaucoup de nouveaux éléments, juste un géant, et une sorte de dragon, qui font office plutôt de galerie d'épate visuelle, sans enjeux narratifs importants, hormis l'arrière-plan qui est en jeu : la politique du ministère ne menace pas moins l'intégrité des créatures magiques elles-mêmes. Mise à part la nouvelle professeur, un sorcier noir fait son apparition, interprétée par la célèbre Helena Bonham Carter. Mais je trouve qu'elle en fait un peu trop. Heureusement qu'il s'agit d'un petit second rôle, probablement plus importante dans le roman vu son identité. Enfin, les deux réalisations les plus palpitantes du film selon moi, exceptée la fin faisant baigner les sorciers dans l'obscurité et le duel final de magiciens, sont les suivantes : le QG de "l'ordre de phoenix", sorte de maison pliable délicieusement surréaliste, et le vol grisant des balais au-dessus de la rivière traversant Londres.