Once Upon A Time In The West (Il était une fois dans l'Ouest) de Sergio Leone
(1968)
Un poil moins ultime que dans mes souvenirs,
Once Upon In A Time In West n'en reste pas moins non seulement la plus belle démonstration de force du cinéma de Sergio Leone mais aussi et surtout le plus grand western jamais réalisé. Car oui, le film est loin d'être un spaghetti, il est même sur beaucoup de points l'opposé total de la célèbre trilogie du Dollar et il est étonnant de se rendre compte aujourd'hui à quel point le film est le résultat de beaucoup de coïncidences et de mauvaises volonté, ainsi Sergio Leone n’envisageait pas réaliser le film à l'origine, préférant passer directement à ce qui allait devenir
Once Upon A Time In America, et j'oserais presque dire que ça se voit à l'écran, à chaque vision j'ai l'impression de voir un film que Leone aurait tenté de saborder (notamment avec un rythme très lent où chaque action d'un personnage est ralentie au maximum, le film dure plus de 2H30 alors que le récit en lui-même aurait pu tenir sur un film d'une heure, c'est à la fois une grande qualité du film mais ça donne aussi des séquences un peu trop longues comme celle de la vente aux enchères) sans se rendre compte qu'il le bonifiait en le rendant totalement moderne et donc intemporel. Cette perception des choses est peut-être fausse mais c'est véritablement comme ça que je perçois le film à chaque fois que je le regarde. Si
Once Upon A Time In The West reste le meilleur western du monde, ce n'est pas pour rien : le script est tel qu'il transcende tout ce qui a déjà été fait dans le genre. Sans faire dans l'originalité (le thème de la fin d'une époque et de ses personnages a déjà été évoqués chez John Ford et Sam Peckinpah), le trio Bertolucci/Argento/Donati livre un récit d'une densité étonnante, si les personnages n'ont rien d'exceptionnels en soi (hormis bien entendu le personnage féminin qui est le protagoniste central du métrage) c'est du côté de leur traitement que l'on y trouvera un travail exceptionnel, les dialogues n'apportant finalement que très peu d'informations au contraire des expressions faciales et notamment du regard où l'on peut lire toutes les motivations et contradictions de chacun.
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Le film se révèle être un western crépusculaire majestueux, où le progrès, représenté par l'unique chemin de fer, rattrape chacun des personnages en quête d'un nouveau but à atteindre dans un monde qui les rejette. Ainsi, le personnage de Frank, ancien bandit de grand chemin, tente désespérément de rejoindre le monde moderne en s'alliant à la compagnie ferroviaire, se rendant compte au final que cela ne sert à rien puisque cette même compagnie représente la fin de son temps et donc sa propre fin inéluctable. Même chose pour le personnage de l'Harmonica, protagoniste presque fantastique qui, une fois son but achevé, est condamné à errer jusqu'à ce que l'univers accepte à nouveau sa présence ("Someday"). Cheyenne, quand à lui, ne se raccroche qu'à ses actions vagabondes pour exister, la mort de ses hommes signifiant forcément la sienne. Autre personnage très intéressant et malheureusement un peu trop mis en retrait, celui de Morton, businessman tentant vainement d'atteindre son rêve (voir la liaison ferroviaire entre la côte Est et la côte Ouest) sans se rendre compte que le progrès signifie forcément la fin d'un cycle et le début d'un autre, et donc que sa mort fait partie intégrante du processus. Enfin, le personnage de Jill, premier personnage féminin important de la filmographie de Sergio Leone, se révèle être aussi le plus provocateur, les révélations sur son passé étant révélateur d'une Amérique capable de tout pour avancer. Ainsi, la femme qui vendait son corps hier sera la base du système de demain, et en cela Sergio Leone signe avec ce film une analyse profonde des fondements de l'Amérique à la manière de ce que fera plus tard Martin Scorsese sur certaines de ses œuvres.
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En plus d'être un film à la narration éblouissante,
Once Upon A Time In The West est aussi un très grand film de mise en scène, rares sont les films de ce genre, capables de multiplier les mouvements de caméra grandioses et les séquences ultra-marquantes. Que ce soit l'introduction aujourd'hui passée à la postérité, le massacre de la famille McBain, le mouvement de grue lors de l'arrivée de Jill en ville, le travelling latéral révélant le massacre du train ou encore le flashback final d'une intensité monstrueuse (l'arrivée en longue focale de Fonda en trois parties c'est pour moi la meilleure idée du film, ça donne une puissance impressionnante à l'ensemble du film et il me semble que ça n'a jamais été fait avant, l'idée sera reprise par Siri dans son film de guerre avec une modification radicale), la totalité des scènes du film sont des véritables leçons de mise en scène qui ont, depuis, inspirés nombre de très grands cinéastes. Et que dire de la bande-son d'Ennio Morricone qui, malgré son côté répétitif (les mêmes thèmes sont utilisés pour les mêmes personnages), renforce la caractère mythologique du métrage et contribuant ainsi à son caractère intemporel. Enfin, le casting, tout bonnement génial, permet aux personnages représentés d'atteindre un niveau de réalité assez époustouflant, les regards en disant souvent plus longs que n'importe quel ligne de dialogue. Henry Fonda est vraiment génial en bad guy, Claudia Cardinale sublime le film de par sa beauté hypnotisante, Bronson et Robards trouvent clairement leur meilleur rôle.
Once Upon A Time In The West, tout simplement le meilleur western de l'univers et un film qui se doit d'être vu par toute personne s'intéressant de peu ou de près au cinéma.
NOTE : 10/10