Candyman
8.5/10Adapter Clive Barker au cinéma impose plusieurs choses à qui voudra se frotter à une œuvre si vénéneuse. Le réalisateur kamikaze va se retrouver à la barre d’un projet automatiquement casse gueule devant mixer des thématiques à fortes connotations sexuelles, baroques et extrêmes. A la manière d’un David Cronenberg, l’univers de l’écrivain anglais entretien un rapport complexe avec la douleur de la chair mâtiné de poésie baroque. En somme, l’homme qui choisit de s’engager sur cette voie là se doit de ne céder à aucun compromis. Cette rigidité, si difficile à maintenir, aura, malgré tout, permis à certaines adaptations d’être de vraies réussites artistiques (Hellraiser, Cabal, Midnight meat train…). Candyman fait partie intégrante de ces réussites flamboyantes avec un respect total de l’œuvre sur le fond et sur la forme.
Vendu comme un film lambda à boogeyman, le film de Bernard Rose se plait à brouiller les pistes par le biais de cette légende urbaine terrorisant tout un quartier. Dès le début, la musique de Philip Glass nous rappelle que ce film horrifique sortira des sentiers battus au gré de ses notes lancinantes. Ceux qui rêvaient d’un nouveau Freddy Kruger en seront pour leur frais puisque le personnage principal n’apparait qu’au bout de 45 minutes, bien que son emprise sur le film soit immédiate. On suit donc Hélène dans son enquête sur le passé de Candyman. L’attirance se fait grandissante dès lors que la jeune étudiante décide de braver le rituel (les fameux 5 fois Candyman devant un miroir). Le lien se fait de plus en plus évident passant rapidement du clivage classique de tueur à victime à une vraie histoire d’amour ou la passion et le sang n’auront jamais été aussi lié. Evidemment le film réserve quelques bons moments de tripailles, on est quand même dans l’univers du mec qui a pondu Hellraiser. Les décapitations et éventrations sont magnifiées par la réalisation posée et poétique de Bernard Rose. Rien n’est gratuit et tout concourent à alimenter la lente descente aux enfers d’Hélène. Même si l’intérêt du film est ailleurs, Rose se plait à iconiser Tony Todd en boogeyman poursuivant un but et au background bien plus riche et dramatique que la totalité des tueurs que nous connaissons au cinéma. Empli d’une profonde tristesse, Tony Todd mêle magistralement la peur, la folie et la mélancolie dans un tourbillon qui finira d’attirer complètement dans ses filets la fragile Hélène. Chose très marquante pour ce type de production, Candyman forme un tout indissociable et il sera impossible d’en extraire quelques séquences marquantes. Il s’agit là d’un conte, au sens noble du terme, bâtissant son argumentation sur une histoire d’amour aux dommages collatéraux sanglants. Les coups de crochet infligés sont plutôt hardcore et rappelle aussi souvent que possible que l’amour chez Barker se construit dans la souffrance et le sacrifice. Il n’y a qu’à se rappeler de la relation Franck-Julia dans Hellraiser. Au fil des minutes, la tristesse se fait grandissante et l’on comprend qu’Hélène ne s’en sortira jamais. Le final très connoté du bucher représente la quintessence du style « Barkerien » prouvant au passage qu’un film d’horreur ou estampillé horrifique peut se muer en un drame humain d’une incroyable intensité.
Dans mon souvenir, j’avais commis l’erreur de cataloguer ce Candyman dans la catégorie des slashers basiques. Ce nouveau visionnage m’a réouvert les yeux sur la qualité du long métrage de Bernard Rose. Nous sommes ici en présence d’un conte avec tout ce qu’il faut de dramaturgie et d’horreur pour en faire une perle du genre et un vrai drame prenant de la hauteur par rapport à un pitch trop facilement cantonable à l’horreur basique. Vénéneux, triste et poétique, le film brasse les genres lui procurant un vrai statut atypique et marquant durablement les esprits, à l’image de son final cauchemardesque.