Il ne s'agit pas du tout d'un film épique de la même manière que
Danse avec les loups, référence stupide proposée par la jaquette du DVD. D'ailleurs il ne s'agit pas du tout de la même époque ni du même cadre géographique, puisqu'il s'agit de la mission des jésuites envoyée sur la terre des Hurons, au nord du Québec. Or, vu le cadre historique qui nous est proposé, ce qui manque clairement au film, c'est une voix off ou un texte nous expliquant le contexte. Sans connaissances a priori, seules les images, au caractère
National geographic magazine, nous guident un peu dans l'histoire. Les motivations des personnages sont de plus à peine effleurées : des amérindiens acceptent de mener un jésuite en échange de cadeaux, un français s'ennuie des tâches du village où il se trouve et décide d'accompagner le prêtre dans son périple, et le jésuite y va pour la puissance et la gloire de Jésus Christ. Bref, le film se rapprocherait plus de
Mission.
Malgré le fait que le cadre historique soit finalement peu expliqué, le background est riche, réaliste, bourré de détails qui n'échapperont pas à un oeil averti. Toute la première partie du film s'amuse à faire des comparaisons entre les deux cultures : les attributs de "puissance" de chacun des deux chefs, le temple spirituel de chacun des deux peuples (Eglise/forêt), leur compréhension de l'au-delà (paradis/esprits), les différents types de musique (tambours/flûte), la conception du temps (partage immédiat des objets et sans arrière-pensée/prévision s'il y a des dangers) - j'ai beaucoup aimé la séquence dans l'église avec l'horloge renseignant aux amérindiens le temps durant lequel ils doivent se tenir assis : le christianisme a en effet inventé le concept de la minute, en directe relation avec le temps du culte - . Ensuite, malheureusement, le master est un peu fatigué, et donc la photographie ne peut pas toujours être appréciée à sa juste mesure, mais les décors naturels sont magnifiques, avec ces grandes forêts, ce fleuve immense, et la luminosité changeante riche en nuances de couleurs. Il y a un aspect quasi documentaire pas inintéressant, mais il manque clairement un souffle épique, un fil directeur intéressant. Après un début légèrement fastueux, le film creuse un peu les motivations des personnages mais sans jamais y entrer profondément. A force de trop verser dans l'historique et dans l'ethnologique, le film oublie qu'il est important de donner une base émotionnelle pour s'éloigner du style documentaire.
Donc, ce qui occupe les pensées des amérindiens, c'est la présence du prêtre qui selon eux a jeté un sort à leur peuple avec ses croyances et ses idées. De son côté, le prêtre est lui-même en proie à ses démons personnels, en raison de la non-naturalité de ses croyances (paradis, Dieu unique, voeu de chasteté, ...), mais il revient, tel un robot, à son obsession de son Dieu. Quelques flashbacks interviennent pour nous expliquer qu'une autre vie lui était possible avec une femme, mais que sa conversion a été soudaine. Bref, il ne sont pas si importants que ça pour comprendre ce qu'il se passe. Au milieu, le français tombe amoureux d'une indienne. C'est mignon, mais cette histoire ne sert presque à rien, à part procurer un soupçon d'émotion au film. Et la relation entre le prêtre et le français, plus intéressante, consiste à montrer l'archaïsme de la position du prêtre qui considère que les amérindiens sont des sauvages qui doivent recevoir la chance d'être convertis pour gagner le paradis, l'ultime récompense selon lui.
La partie suivante, après un long "road trip" ponctué de doutes de chacun des deux groupes, procède en un "survival", qui ressemble assez à celui de
Apocalyptico, sans sa fureur qui le caractérisait, mais avec la même idée qui le constitue : les Hurons croisent la route des Iroquois, qui sont, contrairement à eux, des sauvages. Au passage, on apprend que la faiblesse est mortelle dans ce peuple, et donc qu'il ne faut jamais la montrer à ses adversaires.
Enfin, le prêtre parvient jusqu'au but de sa mission. La fin est assez bidon seulement moi, mettant trop en avant l'humanisme des amérindiens. Alors on comprend qu'à sa manière, le prêtre a réussi sa "vraie" mission, qui ne consiste pas en la conversion, mais en la rencontre avec lui-même, en se confrontant à ses démons, et en accédant à sa vérité personnelle, une relation vivante avec Dieu et non dogmatique. Mais la réponse des amérindiens est vraiment trop facile, surtout après ce qu'ils ont fait à ses semblables. Et le texte à la fin explique, en gros que les prêtres ont causé la perte des Hurons en accomplissant ce pour quoi ils sont venus, justifiant ainsi a posteriori les événements passés dans le film, et particulièrement le traitement des Iroquois. Il n'y a pas vraiment de jugement, mais le placement d'un fait historique, surtout à la fin, influence toujours, irrémédiablement, le jugement du spectateur.
Pour terminer, les acteurs sont tous généralement bons, ils jouent juste et sont naturels. Ils paraissent "vrais". Et la réalisation met surtout en relief les décors naturels. Mais je me suis senti exclu de l'histoire, réduit à un simple point de vue extérieur sur des événements extérieurs dont je suis informé comme simple "étudiant" ou curieux en histoire. Dommage que le film ne trouve jamais un juste équilibre entre histoire épique et documentaire historique.